Jérusalem, coeur du monde et horizon de la vision juive de l'identité humaine, Marc Brzustowski.
(rappel historique documenté à partir des textes du Rabbin Nahum Braverman, du Rabbin Ken Spiro et de l'observateur du monde musulman Daniel Pipes)
Le 16 mai 2007, 28 Iyar 5767 marque le 40è anniversaire de la Libération et de la Réunification de Jérusalem. 40 ans, c'est le temps de l'errance ou/et de maturité pour tout un peuple. 40 années sont passées, au travers d'imbroglios diplomatiques tissés pour conjurer l'inextricable, éviter de froisser les susceptibilités, protéger l'accès de toutes les confessions à leurs pratiques du lieu... Mais, ont-elles suffi à faire reconnaître l'antériorité historique fondatrice de la Cité de David, à partir de laquelle rayonne son Sens universel pour tous les autres cultes se réclamant du monothéisme? Le boycott des cérémonies en Israël, observé à la fois par l'Union Européenne et les Etats-Unis, nous apporte un démenti cinglant à cette espérance. Elle est pourtant inscrite dans le marbre, sous Menahem Begin, le 30 juillet 1980, proclamant "Jérusalem, capitale éternelle du peuple Juif".
Cet article retrace l'incomparable attachement des Juifs à la Cité des cent portes, point de rencontre entre l'homme et la Chekhina (la présence Divine), à travers les mérites des Pères, Abraham, Isaac et Jacob. Il affirme encore que la surenchère politique circonstanciée des Musulmans sur Jérusalem- Al Quds éloigne les parties en conflit de toute vision de la Paix. La contestation de la souveraineté d'Israël sur les Lieux Saints consiste surtout à nier toute légitimité au peuple Juif présent et à venir d'en garantir l'unicité. Seuls des arrangements essentiellement cultuels, fondés sur le rétablissement de la vérité historique et dénués de volonté d'en faire un monstre politique, c'est-à-dire une capitale « bicéphale » digne du Jugement de Salomon, sujette à remises en cause permanente des limites accordées à chacun, pourront apporter des solutions viables.
En hébreu, le mot "zakhar" signifie l'homme et "zekher" se traduit par mémoire1. L'homme est mémoire et son coeur vivant, dans la vision juive, se situe à Jérusalem. C'est la raison pour laquelle tous ceux qui l'ont occupée ont tâché d'araser la permanence de la présence juive, d'en détourner le sens pour se l'approprier. Paradoxe seulement apparent, ce processus révisionniste se poursuit, alors même que les Juifs sont revenus vivre sur leur Terre pour y reconstruire le Pays d'Israël ; celui-ci a pour particularité d'avoir certainement été le premier Etat-Nation de l'histoire. Et ce serait précisément lui, ancêtre de tous les autres, que les Nations pourraient à leur convenance choisir aujourd'hui comme le seul Etat moderne à ne pas disposer d'un Centre reconnu pour y édicter sa politique!? Plus justement, un tel acharnement, comme les douleurs de l'enfantement, redouble d'intensité parce que ce peuple-là a osé l'inimaginable après 2000 ans d'Exil. Il n'est actuellement pas question, pour un voisinage hostile, d'admettre ce rétablissement du sens de l'histoire comme une réalité désormais intangible dans son paysage mental. Tout se passe comme si, tant qu'Israël concédait cette auto-limitation (pour ne pas parler d'auto-mutilation) constitutive, les pays voisins, par leur lobbying auprès des Nations, perpétuait le refus de l'existence d'Israël en lui déniant l'accès plein et entier à sa Capitale politique et spirituelle. Jérusalem est le coeur d'un conflit métapolitique où chacun sait qu'une fois franchi ce pas conscient d'une reconnaissance du statut de capitale éternelle, il deviendrait impossible (sauf à le déraciner ou le radier définitivement, comme le suggère l'Iran des Mollahs) de voir ce peuple faire marche arrière, disparaître dans les sables ou par la mer, comme il était re-venu. Au rejectionnisme catégorique des trois « non » de Khartoum (1967), font aujourd'hui écho les dénis des « oui, mais... à prendre ou à laisser » du Plan Saoudien, sorte d'ultimatum sentencieux qui cherche à enterrer définitivement ce droit à la cohérence et à l'intégrité. Il est temps, pour les Juifs répartis à la surface du globe, autant que pour les Israéliens déjà présents, de faire entendre au monde l'enjeu à géométrie variable que suscite cette unification dont on voudrait qu'elle ait pour vocation de ne jamais aboutir : niant le sens de ce Retour pour les Juifs, y compris selon leurs propres Textes, les Musulmans actuels s'acharnent à reporter indéfiniment les conditions de la paix. Il est parfaitement clair que cette reconnaissance internationale n'enlèverait pourtant rien au caractère de « troisième lieu saint de l'Islam », le rattachant à une soeur-aînée fondatrice du Monothéisme de laquelle s'inspire et dérive sa version arabo-musulmane. Mais concéder ce point doctrinal essentiel reviendrait à renoncer à une prédominance née de la Conquête, qui n'a d'autre nom guerrier que le Djihad.
Tenons-nous en aux faits : en 1967, au nom même du principe que le Troisième Temple ne peut être reconstruit par l'épée, Tsahal s'est refusé à accomplir un geste « d'annexion », qui n'aurait été qu'un juste retour des choses, après une « parenthèse » de 2000 ans. Au contraire, par un acte de tolérance sans précédent et dans l'espoir d'une résolution, Israël vainqueur confie au Wakf (le Conseil religieux musulman) le soin d'administrer le Mont du Temple. Actuellement, bien qu'Israël se prévale de son droit théorique de souveraineté sur le site, de facto, depuis 1967, ce sont les Musulmans qui en ont le contrôle, au point que les Juifs n'ont pas le droit d'y prier, mais peuvent cependant le visiter (en groupe et à certaines conditions). Avec l'ère Arafat, on est passé d'une stratégie israélienne d'évitement d'une aggravation du conflit - précaution qui, cependant, loin d'avoir jamais calmé les esprits, a, au contraire, excité de nouveaux appétits- à l'offensive de thèses négationnistes d'obédience islamique mettant en doute l'existence même d'un patrimoine hébraïque sur le site ou saccageant ses vestiges lorsqu'ils remontent à la surface. Le négationnisme est, universellement, un délit grave lorsqu'il se rapporte à la destruction des Juifs morts durant la Shoah. Il est considéré comme le simple droit d'expression passionnelle de la ferveur politique, lorsqu'il s'applique à la signification spirituelle et au respect de l'unicité du coeur vivant du Judaïsme.
I) Les témoignages théologiques, archéologiques et historiques de la Capitale retrouvée
1) L'omniprésence de Jérusalem ressource quotidienne de la conscience juive2 :
De tous les points du monde, nous nous sommes tournés vers Jérusalem pour prier, et c'est essentiellement grâce à cette mémoire vive que le peuple juif a survécu. Ce sont ces indications journalières qui donnent sa charpente au projet sioniste. Dans la Torah, Jérusalem est désignée sous plusieurs noms : Salem (Chalem), Moriah, Jébus (Yevous), Jérusalem (Yerouchalaïm) et Sion (Tsion). Le nom le plus fréquent, Jérusalem, est cité 349 fois dans la Torah et Sion 108 fois. La première occurrence du lieu se trouve dans Genèse chap 14/18, lorsqu'Abraham rencontre Melchitsedek, roi de Salem. D'après la tradition juive, la "ligature" d'Isaac (Genèse chap 22/1-19) eut lieu sur le Mont Moriah, actuel Mont du Temple. Abraham avait choisi ce lieu car il sentait combien la présence de Dieu y était fortement attachée. Le rêve de Jacob où des anges montent et descendent une échelle qui s'élève jusqu'au ciel se déroule également en ce lieu (Genèse chap 28/10-22).
Trois fois par jour, pendant la prière, les Juifs se tournent vers Jérusalem, et ceux qui se trouvent à Jérusalem se tournent vers le Mont du Temple. Dans les prières journalières, Jérusalem est mentionnée plusieurs fois, ainsi que dans les "grâces après les repas" (Birkat Hamazone). Le Seder de Pessah se termine par "l'an prochain à Jérusalem". C'est également la phrase qui conclut l'office de Yom Kippour. Le jeûne de Tichaa' BéAv commémore la destruction du premier et du second Temple. Les Juifs religieux laissent souvent dans leur maison une petite surface de mur brut et sans peinture en souvenir de ces événements. Au cours d'un mariage juif, le marié brise un verre en signe de deuil, rappelant ces deux mêmes tragédies. Il récite ensuite un extrait du psaume 137 : "Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite m'oublie, que ma langue s'attache à mon palais si je ne me souviens pas de toi, si je ne place pas Jérusalem au sommet de ma joie".
2) La Promesse biblique au miroir de l'histoire
Pendant la période d'environ 400 ans qui sépare l'entrée du peuple juif dans le pays de Canaan de la période des Juges, Jérusalem demeura une ville non-juive. Ce n'est que sous le règne du roi David (environ 1000 ans avant l'ère ordinaire) que Jérusalem fut conquise sur les Jébuséens (Samuel II, chap 5) et devint la capitale politique et spirituelle du peuple juif. Les archéologues s'accordent à penser que la ville cananéenne primitive et la cité de David se trouvaient à l'emplacement actuel du village arabe de Silwan (kfar ha'Chiloah), en contrebas de la muraille méridionale. Le roi David acquit "l'aire d'Aravna" sur le Mont Moriah (Samuel II, chap 24/18-25) pour y bâtir un autel à l'Eternel et c'est le roi Salomon, le fils de David, qui y édifia le Temple. Le Livre des Rois (I, chap 6-8) décrit en détail la construction et l'inauguration du Temple: "ce fut 480 ans après le départ des enfants d'Israël du pays d'Egypte, dans la quatrième année du règne de Salomon que celui-ci édifia le Temple en l'honneur de l'Eternel" (Rois I, ch 6, v 1).
Le Temple de Salomon est appelé le premier Beit ha'Mikdach (Temple). Tous les archélologues s'accordent à penser qu'il se trouvait sur le Mont Moriah, probablement à l'emplacement du Dôme du Rocher, mais il n'existe aucune certitude quant à sa situation précise. Pendant les deux périodes successives du premier et du second Temple, le Beit ha'Mikdach était le centre vital du monde juif, tant en Israël qu'en Diaspora. Les Juifs du monde entier contribuaient à ses frais d'entretien. Les Cohanim (les prêtres) et les Lévites y assuraient le service et, trois fois par an, au moment des fêtes de Pessah, Soukkoth et Chavouoth, tous les Juifs avaient l'obligation de se rendre en pèlerinage au Temple de Jérusalem.
Le second Temple (Bayit cheni) se dressa pendant 420 ans à l'emplacement du premier, sur le Mont Moriah. Il fut remanié à plusieurs reprises mais c'est sous le règne d' Hérode le Grand ( -37 à 4 de l'ère ordinaire) qu'il atteignit sa pleine magnificence. Le Mont Moriah est, par conséquent, le site le plus sacré au monde pour les Juifs, et non, comme on le pense souvent à tort, le Mur Occidental. Ce mur n'est qu'une petite portion du mur de soutènement hérodien et il ne tire son importance qu'en tant qu'il faisait partie du Mont du Temple lui-même.
Lorsque Jérusalem fut libérée, le temps se contracta. Le présent fusionna avec le passé. L'espoir seulement rêvé par les générations précédentes devint réalité, et des soldats pleuraient parce qu'un jeune pays qui n'avait pas 20 ans retrouvait soudainement la mémoire perdue depuis 2000 ans. Selon le Talmud, l'Exil résulte de nos dissensions. Si de tels liens extrêmement fragiles se rompent, du fait des différences de langues, du long périple géographique ou d'oppositions politiques ou religieuses, c'est le peuple Juif tout entier qui s'abîme. Jérusalem est le contrepoint à cette menace mille fois bravée, l'image d'un monde dont la tâche est achevée. Jérusalem nous donne la force d'accomplir le rôle qui nous incombe en tant que peuple : nous unir et sanctifier ce monde-ci. C'est en cela que réside l'importance de Jérusalem.
Evolution de la population de Jérusalem depuis 1844 (1er recensement disponible)
Année
Administration
Juifs
Musulmans
Chrétiens
Total
1844
Ottomane
7.120
5.000
3.390
15.510
1876
Ottomane
12.000
7.560
5.470
23.030
1896
Ottomane
28.112
8.560
8.748
45.420
1922
Anglaise
33.971
13.411
4.699
52.081
1931
Anglaise
51.222
19.894
19.335
90.451
1948
Jordanienne
100.000
40.000
25.000
165.000
1967
Israélienne
195.000
54.963
12.646
263.309
1987
Israélienne
340.000
121.000
14.000
475.000
1990
Israélienne
378.200
131.800
14.400
524.000
2000
Israélienne
530.000
204.000
14.700
758.300
P.S : aujourd'hui les prévisions laissent penser que si rien n'est fait, avec 60% de population musulmane d'ici 10 ans, le Hamas pourrait conquérir démographiquement Jérusalem.
3) Jérusalem dans la conscience musulmane : un lien évanescent qui n'en fit jamais une Capitale ni spirituelle ni politique
Au tout début de son parcours, Mahomet s'inspira des « Gens du Livre», avant de ne plus leur accorder qu'un statut inférieur, celui de « dhimmis » : la direction initiale vers laquelle on se tournait pour prier (la Kibla) était Jérusalem. Plus tard, Il changea la direction de la prière au profit de la Mecque, en Arabie, dont le statut passa de lieu de pèlerinage païen à celui de "ville éternelle", centre de la religion musulmane. Les Musulmans situent également à la Mecque le lieu où Abraham se serait apprêté à sacrifier Ishmaël3, le frère d'Isaac. D'après le Coran, les décrets postérieurs prévalent sur les précédents. Lorsque O'mar arrive à Jérusalem en 638, les Musulmans se tournent déjà vers la Mecque pour prier. Les deux villes saintes de la Mecque et Médine sont solidement établies. L'Islam, dont les racines spirituelles, comme celles du Christianisme, sont en grande partie issues du Judaïsme, reconnaît la relation existant entre les Juifs et le Mont du Temple, et donne même à celui-ci, après la conquête, le nom de "Beit al Maqdis" (littéralement "le Temple saint"). Le nom actuel "Al Kouds" vient de HaKodech ("le Saint" en hébreu). Les Musulmans utilisent aussi le terme "Sahyoun" ou "Sihyoun", la forme arabe de Sion. A ce point d'examen de la période fondatrice de l'Islam, on peut avancer que son lien avec Jérusalem s'établit essentiellement par l'intermédiaire des Juifs (comme dans la religion chrétienne, il est fait dire à J.C : "le Salut vient des Juifs"). La Ville Sainte de ces derniers correspond pour la spiritualité islamique à une origine « lointaine » du même Monothéisme interprété d'un autre point de vue. Mais, depuis sa naissance, son bassin spirituel est situé et se fixe définitivement en Arabie Saoudite. Sans quoi le Prophète aurait dû naître parmi le Peuple Juif pour s'annexer son héritage, au moins connaître cette Terre d'Israël charnellement, différence majeure d'avec son prédécesseur, le Nazaréen. Ce qui fait dire à certains auteurs (dont M.Gurfinkiel) que, contrairement aux Chrétiens, les Musulmans n'ont pas « le même D. » que les Juifs. C'est sans doute-là, le point de départ d'un « malentendu » durable entre les trois monothéismes, les deux premiers pouvant néanmoins s'entendre sur leurs racines communes, le troisième, pour se considérer comme La Révélation ultime devant, en quelque sorte, « avaler » les deux autres, par la réduction des précédents en inférieurs et le recours à la dhimmitude. C'est aussi la raison théologique la plus déterminante du besoin de légitimation ultérieure d'un rattachement à Jérusalem, jamais mentionnée dans le Coran. On doit alors aller puiser la réponse à la question du lien entre Islam et Jérusalem dans la sourate 17 du Coran. Ce chapitre nous relate la vision du voyage nocturne de Mahomet (al Isra) sur son cheval ailé "al Bourak", qui avait le visage d'une femme, le corps d'un cheval et la queue d'un paon. Voici ce que dit la sourate 17 du Coran : "Gloire à celui qui a transporté son serviteur la nuit, de la mosquée sacrée (al Masjid al Ahram, à la Mecque) à la mosquée lointaine (al Masjid al Aqsa) dont nous avons béni le pourtour, afin de lui faire voir certains de nos signes". Dans le voyage nocturne de Mahomet, le lieu exact d'Al Aqsa (la mosquée lointaine) n'est jamais précisé. D'après la tradition mystique chii'te, cette mosquée lointaine serait une mosquée céleste (cela n'empêche nullement le Regime des Mollahs d'avoir nommé ses réseaux pasdaran : « Al Qods »4!).
L'instauration de la dynastie des Omayyades en 658 correspond à une période d'instabilité dans le monde islamique, caractérisée par des luttes pour le pouvoir et des assassinats. A la fin du 7ème siècle, le califat omayyade basé à Damas perd le contrôle de la Mecque, la ville la plus sainte, alors qu'un des cinq piliers de l'Islam reste le pèlerinage que les fidèles doivent y effectuer une fois dans leur vie. La nécessité de réduire l'importance de la Mecque, et donc de créer un lieu saint alternatif plus près de Damas, aurait alors incité le calife omayyade Abd al Malik à entreprendre, en 688, la construction du Dôme du Rocher sur le site où s'élevait le Temple. L'autre raison avancée de la présence musulmane à Jérusalem pourrait être le désir du calife de rivaliser avec l'imposante église du Saint-Sépulcre où se trouve, selon la tradition chrétienne, la tombeau de Jésus. On en donne pour preuve que les dimensions actuelles du Dôme du Rocher sont les mêmes que celles de la rotonde du Saint-Sépulcre. A la fin du 7ème siècle, les Omayyades affirment que le site réel d'Al Aqsa est en fait le Mont du Temple. Plus tard, ce sera le site plus restreint de l'actuelle mosquée Al Aqsa, qui se trouve du côté sud du Mont du Temple. La première mosquée, située probablement à l'endroit où Omar se tint pour prier lorsqu'il arriva à Jérusalem en 638, fut construite par le calife omayyade Al Walid au début du 8ème siècle. Elle fut détruite à plusieurs reprises par des tremblements de terre et reconstruite à nouveau. De 638 à 1917 (à l'exception de la période d'occupation des Croisés), Jérusalem fut dominée par différentes dynasties islamiques basées en Syrie, en Egypte et en Turquie. Jérusalem, tout en demeurant une ville de pélerinage, ne fut jamais choisie comme capitale par ces différentes dynasties islamiques. Il n'y a donc aucun argument fondé en raison historique ou politique qu'elle acquiert un statut autre que cultuel. Jérusalem est constamment demeurée une ville de seconde voire de tierce importance. Les seuls occupants à avoir choisi Jérusalem comme capitale au cours de ces 3000 dernières années furent les Croisés lorsqu'ils fondèrent le Royaume latin de Jérusalem, de 1099 à 1187. Au cours de la période d'occupation musulmane de 1300 ans, et malgré son statut de troisième ville sainte de l'Islam, Jérusalem a pratiquement toujours été, bien que sous contrôle islamique, une petite ville délaissée et sans grande importance. Les deux seules exceptions sont la période des Omayyades ( du 7ème au milieu du 8ème siècle) et la période des Mamelouks (de la moitié du 13ème siècle au début du 16ème) pendant lesquelles de grands projets architecturaux furent réalisés.
4) La fabrique mensongère d'une capitale déjudaïsée5
Tout au long du contrôle jordanien de la ville fortifiée, entre 1948 et 1967, les Arabes l’ignorèrent largement. Par exemple, la radio jordanienne diffusait les prières du vendredi non pas depuis la mosquée Al-Aqsa, mais depuis une mosquée de moindre importance, à Amman. Le document fondateur de l’Organisation de libération de la Palestine, la Charte nationale palestinienne, datant de 1964, ne fait aucune mention de Jérusalem, opportunément « redécouverte » plus tard par ce mouvement.
D'après Daniel Pipes6, ce n'est qu'avec les années 1990, que l’attachement islamique pour Jérusalem devient proprement surréel : « les Palestiniens passent alors de la simple célébration de Jérusalem à la dénégation de son caractère sacré et historique pour les Juifs ». L’establishment arabe palestinien – universitaires, religieux et politiciens – se surpasse en « bâtissant tout un édifice révisionniste composé à parts égales de fabrication, de mensonges, de fictions et de supercheries ». L’entreprise efface tout lien entre la judéité et la terre d’Israël pour le remplacer par une connexion arabe palestinienne spécieuse. Palestinian Media Watch résume bien ce processus : les Cananéens et les Israélites deviennent des « Arabes » et le Judaïsme de l’Israël antique est maquillé en Islam, l’Autorité palestinienne «s’empare de l’histoire juive authentique, attestée par une littérature millénaire, et y biffe le mot «juif» pour le remplacer par le mot «arabe». Le message politique est clair : les Juifs n’ont aucun droit sur Jérusalem. Comme le clamait une banderole : «Jérusalem est arabe.» Les Juifs n’y sont pas les bienvenus ».
Yitzhak Reiter7, de l’université hébraïque, considère que trois événements-clés ont transformé cette mythologie de complaisance en une idéologie officielle:
• L’incident des Fidèles du Mont du Temple qui tentèrent vainement, en octobre 1990, de poser la première pierre du Troisième Temple, déclenchant ainsi une émeute musulmane qui coûta la vie à 17 des participants. Cet épisode exacerba les craintes des Arabes palestiniens d’assister à la démolition des lieux saints islamiques et les encouragea à démontrer que Jérusalem avait toujours été une ville musulmane et arabe palestinienne.
• L’accord d’Oslo de septembre 1993 plaça pour la première fois la question de Jérusalem sur la table des négociations. Il fallait alors aux Arabes palestiniens discréditer tout aspect juif à la ville.
• Le sommet de Camp David de juillet 2000 vit le gouvernement israélien avancer, à nouveau pour la première fois, ses propres revendications quant à sa souveraineté sur « certaines parties » du Mont du Temple. La description de la scène donne au témoin Dennis Ross un ton caustique : Arafat, dit le diplomate américain «ne fit aucune proposition substantielle, à aucun moment» pendant les pourparlers. Mais «il apporta une idée nouvelle, celle que le Temple ne se trouvait pas à Jérusalem, mais à Naplouse». Dès lors, la pseudo-histoire de Jérusalem devint un élément constant de la politique de l’Autorité palestinienne.
5) En conclusion :
Tout au long des 1300 de présence islamique, la valeur religieuse de Jérusalem pour les Musulmans change en fonction des circonstances politiques. Aujourd'hui, la revendication d'une Capitale palestinienne sert à masquer l'incapacité originelle à réaliser une unité spirituelle (Shi'isme/sunnisme), politique (Saoudiens/Iraniens) propice au développement économique du monde arabo-musulman. Plus que jamais depuis les années 90, la Ville Sainte est l'objet récurrent de manipulations médiatiques reposant sur des mensonges d'autant plus gros qu'ils reposent sur une totale inanité. Le dernier en date concerne les travaux de remblaiement de la rampe menant à la porte des Maghrébins. Il aura fallu l'intervention d'experts de l'UNESCO, des webcams balayant l'endroit nuit et jour et accessibles partout dans le monde pour dissiper les rumeurs d'intention israélienne de faire s'écrouler les fondements de la Mosquée Al Aqsa. Une telle "tentation", conceptuellement absurde, était rendue, techniquement, d'autant plus improbable par la structure même des murs massifs de soutènement entourant le Mont Moriah, érigés par Hérode pour servir de sous-bassement à la plate-forme sur laquelle s'élevait le Temple. Cet artifice de propagande omettait sciemment de mentionner que si le moindre risque de glissement avait existé, c'est bien sur le côté des femmes juives en prière au Kotel que l'éboulement aurait dû avoir lieu8.
Il y a quelques années, en septembre 1996, des travaux de même ordre visant à mettre au jour le tunnel longeant le Kotel avait provoqué un tollé international et des affrontements inter-religieux télécommandés par Arafat. Alors que ces aménagements bénéfiques à tous (principalement aux commerces arabes par un nouveau débouché sur leur quartier) se réalisaient du côté Juif de la Vieille Ville, les chargés de désinformation du Raïs clamaient partout que l'esprit «conspirateur » des « Sages de Sion » projetait de pénétrer directement sous la Mosquée pour la faire s'écrouler. Il en va désormais ainsi de l'imagerie à caractère antisémite, distillée à la presse mondiale par les propagateurs de l'islamisation de Jérusalem : le Juif revenu sur sa Terre n'est, de toute « évidence », pas là pour édifier, reconstruire, mettre à jour les vestiges transhistoriques vérifiables de sa présence multiséculaire, mais bien pour ruiner les édifices postérieurs érigés dans la Ville. Que peut bien « révéler » cette angoisse d'anéantissement, sinon l'extrême fragilité d'un lien ténu à la Cité et le recours aux contre-vérités et à la violence pour s'imposer et effacer toute altérité?
L'observateur Daniel Pipes perçoit deux répercussions probables à long terme de cette dénégation de toute relation entre les Juifs et Jérusalem :
le mythe est devenu réalité : « l’insistance arabe palestinienne sur Jérusalem a atteint un niveau de ferveur tel qu’elle pourrait désormais se maintenir indépendamment de la situation politique, rompant ainsi avec un cycle vieux de 14 siècles. Jérusalem semble incarner aujourd’hui un intérêt musulman de caractère permanent, générant des sentiments d’appartenance qui ne sont plus liés à des considérations utilitaires ».
l'approche diplomatique est devenue sans issue : cette dénaturation de la Ville Sainte réduit les chances de parvenir à une résolution. « L’histoire manifestement fausse des Arabes palestiniens a pour effet d’aliéner leurs interlocuteurs israéliens », pour lesquels il n'apparaît plus possible de faire sereinement « valoir leurs droits sur la ville entière ». Ainsi, les futures négociations sur la question de Jérusalem relèvent désormais du pur registre émotionnel, rendant électrique et ingérable tout exercice d'administration souveraine (comme de simples travaux de renforcement ou de restauration), donnant cours à des « informations » tronquées et volontairement alarmistes qui appellent à la rupture des relations diplomatiques ou la guerre contre l'Etat hébreu...
Notes : Bahat, Dan. The illustrated Atlas of Jerusalem. New-York: Simon & Schuster 1990
Ben Dov, Meir. In the Shadow of the Temple Mount - The Discovery of Ancient Jerusalem
New-York: Harper & Rowe 1982Gil, Moshe. A History of Palestine, 634-1099 . Cambridge: Cambridge University Press 1992