Saul Singer , JERUSALEM POST 20 mars 2008
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
En voyant les photos des cabinets allemands et israéliens se rencontrer à Jérusalem la semaine dernière, l’image qui m’a traversé l’esprit était celle de boxeurs se serrant dans les bras sur le ring. Des boxeurs semblent s’étreindre pendant un combat pour gagner un bref répit. Un combattant qui enserre ne peut pas frapper, mais le combattant enserré ne peut pas non plus.
Mais l’Allemagne et Israël sont des amis, pourriez-vous protester. Je suis d’accord. J’ai du mal à comprendre les objections de la députée travailliste à la Knesset, Shelly Yacimovich, vis-à-vis de la chancelière allemande Angela Merkel parlant en allemand à la Knesset. Soit nous avons de profondes relations amicales avec l’Allemagne, ou nous n’en n’avons pas. Les Allemands ne prétendent pas qu’ils n’ont aucune connexion avec la génération de leurs grands-parents, et continuent d’accepter la responsabilité de l’Holocauste.
Ce qui importe, ce n’est pas la langue que parlent les Allemands, mais ce qu’ils disent et font. Ils sont venus avec amitié et pleins d’idées pour approfondir les relations militaires, économiques et culturelles entre nos deux pays. Pourtant toutes ces embrassades semblent conçues pour nous empêcher de leur demander de faire ce qu’ils ne feront pas, à savoir de diriger.
Comme Merkel a expliqué la politique de l’Allemagne avec l’Iran dans sa conférence de presse avec le premier ministre Olmert : « Nous soutenons une politique qui unit autant de partenaires que possible dans le monde. Il en résulte que le processus avance souvent lentement, mais je crois que c’est la bonne voie et qu’il n’y a pas d’autre substitut ». En d’autres termes, il est important d’empêcher l’Iran de parvenir au nucléaire, mais il est encore plus important pour l’Allemagne de battre en mesure avec la Russie et la Chine, ou avec le reste de l’Europe.
L’impulsion multilatérale est bien sûr, forte à travers l’Europe. Pour les Européens, mais en particulier pour les Allemands, le nationalisme et le particularisme sont comme l’alcool pour un alcoolique : il ne faut pas du tout y toucher à cause de l’amère expérience où tout cela peut mener.
Il y a cependant un petit problème avec ‘l’hypermultilatéralisme’ : Les ennemis de l’Occident n’y croient pas, et sont heureux de prendre pleinement avantage de la volonté de l’Occident de s’entraver lui-même. Cela provoque une ironie amère : l’impulsion exacte conçue pour maintenir au loin les démons de l’Europe totalitaire permet à ces démons de se rassembler et de l’emporter facilement hors d’Europe dans l’impunité.
Ce n’est pas ainsi que c’était supposé être. Le multilatéralisme, selon la Charte des Nations Unies, était supposé devenir un outil pour prévenir et traiter une agression internationale, et pas pour protéger les agresseurs. Le multilatéralisme n’a jamais été conçu pour devenir une fin en soi, mais un moyen pour un monde plus sûr et plus libre. Merkel peut avoir raison sur l’absence de « substitut » au multilatéralisme, mais il existe sûrement un substitut à la variété vaincue par elle-même que l’Allemagne a adoptée, mettant en danger l’Allemagne et Israël.
Le principe multilatéral n’est pas une excuse à l’inaction allemande. Il est seulement naturel que l’Allemagne, suivant son histoire, démontre à l’Europe le besoin de sanctions draconiennes contre l’Iran, en imposant de telles sanctions bilatérales. Après tout, pour que l’Europe change de politique dans son ensemble, une nation doit commencer à faire rouler la balle en se tenant en première ligne.
Mais même si l’Allemagne ne veut pas rompre les rangs, même pour une cause critique et même comme moyen pour rassembler l’Europe, qu’est-ce qui empêche l’Allemagne d’être le champion de telles mesures au sein des délibérations européennes ? En fait, c’est le contraire qui s’est passé : alors que la France et le Royaume Uni se sont faits pressants pour des sanctions européennes plus dures, c’est l’Allemagne, au sein du groupe des 3 de l’UE, qui a été la plus résistante. Bien qu’il soit vrai que l’Allemagne ait coupé ses subventions à l’exportation pour le commerce avec l’Iran, et que l’Autriche et l’Italie seraient de plus grands contrevenants que l’Allemagne aujourd’hui, cette amélioration modeste est sans comparaison par rapport à là où l’Allemagne devrait être.
Comme le premier ministre adjoint Haïm Ramon l’aurait dit aux ministres allemands : « j’attends de la société allemande qu’elle rompe tous ses liens, commerciaux et autres, avec l’Iran ».
La déclaration de Ramon a été l’exception qui confirme la règle. Israël joue avec la tentative de l’Allemagne de faire passer les embrassades comme substitut à une action efficace. Ce fait est une accusation contre l’Allemagne, mais c’est bien davantage une accusation contre notre propre direction politique.
Il serait agréable que nous puissions attendre de l’Allemagne qu’elle prenne la tête sur la question iranienne sans avoir besoin d’encouragement – voilà sur quoi des Allemands moraux devraient se faire pressants sur leur propre gouvernement. Mais il est à peine surprenant que l’Allemagne agisse comme la plupart des gouvernements le font, à savoir d’éviter des actions qui provoquent une pression et un malaise intérieur à court terme, même s’ils sont imprudents sur le long terme et ouvertement en contradiction avec les valeurs et les intérêts nationaux.
Ce qui est impossible à sonder, c’est pourquoi Olmert et son gouvernement, à l’exception de Ramon, ne diront pas à l’Allemagne : « nous apprécions votre soutien, mais arrêter l’Iran exige une action concrète. Par conséquent, nous avons totalement confiance du fait que la reconnaissance de votre « responsabilité spéciale » exige que vous dirigiez - et pas que vous résistiez - une décision étendue à l’Europe pour imposer des sanctions draconiennes à Téhéran ».
Un langage aussi franc n’est pas agréable pour le dirigeant d’un pays. Il est bien plus facile à Olmert de prétendre que, derrière les portes closes, L’Allemagne fait tout ce qu’elle doit faire, et que son propre refus de faire sonner la moindre alarme est justifié. Olmert préfère projeter un accord complet issu de toute réunion, comme si chaque réunion était un succès.
Voilà comment Olmert opère dans son office. Il félicite Hosni Moubarak, alors que l’Egypte refuse d’arrêter d’armer le Hamas à Gaza. Il félicite George Bush et accepte la comédie d’Annapolis, même si ce « processus » est devenu un substitut à une politique sérieuse des USA à l’égard de l’Iran. Chaque pays recherche la validation de la principale victime de sa politique inadaptée ou irresponsable, et Olmert est heureux de rendre service.
Le refus du dirigeant d’Israël d’énoncer de façon détaillée pourquoi et comment l’Iran doit être arrêtée est une abdication de la direction politique qui place cette nation en danger. Le succès ne provient pas de l’absence d’exigence, mais de la volonté de dire la vérité, et de faire pression pour le nécessaire, et pas une estimation minimaliste de ce qui va retomber.
Olmert doit briser son addiction à l’obséquiosité. Il pourrait commencer en aidant l’Allemagne à glapir au-delà de sa paralysie suivant l’Holocauste, qui risque d’ouvrir la voie à un nouvel Holocauste. Cela exige de l’honnêteté, et un parler franc. Voilà ce pour quoi sont faits les dirigeants, et les amis.
saul@jpost.com
Le rédacteur de la page éditoriale Page Saul Singer est l’auteur du livre : « Faire face au Jihad: le combat d’Israël & le monde après le 11 septembre 2001 » [en Anglais]