LE MONDE | 01.08.08 |
Pédiatre de renommée internationale, Roger Perelman est mort, mercredi 23 juillet, à la suite d'un accident. Il venait d'avoir 86 ans.
Né à Varsovie en 1922, il grandit à Paris où son père vient d'émigrer pour y exercer le métier de tailleur. Passionné de sport, Roger Perelman aimait rappeler que c'est au Yiddisher Arbeter Sport Club ("club sportif du travailleur juif"), qu'il avait fréquenté assidûment au temps du Front populaire et de la guerre d'Espagne, que s'était éveillée sa "conscience politique". Débuts d'un engagement à gauche qui le conduira à participer aux travaux de la commission santé du Parti socialiste à la fin des années 1970.
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Interné au camp de Pithiviers (Loiret), Roger Perelman réussit à s'évader en août 1941. Commence alors pour lui une vie nomade faite de plusieurs changements d'identité et de domicile. Cette semi-clandestinité durera deux ans. En septembre 1943, la ville de Nice, où il croit avoir trouvé un refuge sûr, passe des mains des Italiens à celles des Allemands. Un mois plus tard, alors qu'il gagne sa vie comme directeur d'un cours privé, il est dénoncé, arrêté par la Gestapo, torturé, conduit à Drancy, puis à Auschwitz. Affecté aux mines de charbon de Janina, à une vingtaine de kilomètres du camp principal, il sera, lors de son évacuation en janvier 1945, l'un des deux seuls survivants du convoi par lequel il était arrivé quinze mois plus tôt.
"La haine de l'humiliation"
Au Monde, qui l'interrogea en 2005 sur les leçons qu'il tirait de sa déportation, Roger Perelman répondait : "Un amour profond de la liberté ; une haine viscérale de l'humiliation ; une totale absence de besoins (une belle bagnole, quelle dérision après les camps !) ; une perte de la faculté d'indignation ; une tendance à juger sur le résultat et non sur l'intention (à vouloir comprendre les failles et les faiblesses des hommes, on finirait par tout excuser !)"
Dans ses Mémoires, parus en février sous le titre Une vie de juif sans importance (éd. Robert Laffont), cet homme pudique mais réputé pour son franc-parler assurait attendre la mort "sans angoisse". Ajoutant seulement : "Je désire être alors incinéré, et que mes cendres soient répandues sur cette terre d'Auschwitz où j'ai tant souffert ; ma place est là, je le crois, tout comme celle des marins morts est dans la mer."