Adaptation française* de Sentinelle 5768 ©
Dans certains vieux films de gangsters, comme probablement dans la vraie vie, il y a la scène où la victime est jetée dans un moule d’immeuble en construction, et noyée dans une épaisse couche de ciment. Une chaussure révélatrice qui tombe, dans les vieux films – et plus récemment la caméra de sécurité cachée – donne la solution qui amène le coupable devant la justice, même si le cadavre n’a pas été trouvé. Le cas du site bombardé d’Al Khibar en Syrie comporte beaucoup de similitudes avec ces scenarios de film de gangster.
La preuve photographique de l’existence d’un réacteur nucléaire en construction sur le site était surabondante : des photographies du réacteur en construction, de grandes similitudes avec le réacteur Nord-Coréen de production de plutonium, et son camouflage récent sous la construction d’un immeuble à l’entour qui enfermait complètement la structure ; le pompage d’eau du fleuve Euphrate et l’écoulement de l’eau de retour depuis la construction vers le fleuve en aval, indiquant l’existence d’une puissante source d’énergie sur le site. La preuve de culpabilité la plus lourde est probablement la manière dont les Syriens ont rasé le site, bourré du béton dessus, et prétendu que c’était une espèce de site militaire, mais pas un réacteur nucléaire.
Cela aurait dû suffire à l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) pour mettre en accusation la Syrie pour violation de TNP (Traité de Non Prolifération Nucléaire). Cependant, l’AIEA a demandé une inspection du site bombardé dans l’espoir d’être en mesure de collecter la preuve concluante. Un voyage d’inspection de quatre jours a eu lieu en juin 2008, des mois après que les Syriens eurent achevé leur nettoyage du site, mais elle a été sûrement limitée par les Syriens aux méthodes d’inspection « classiques » de l’AIEA – inspections visuelles et collection d’échantillons. Il est douteux que cela ait permis d’en découvrir beaucoup, après les efforts syriens de nettoyage. Le « cadavre » repose encore dans l’énorme quantité de béton entassée là ; il est possible cependant que les inspecteurs de l’AIEA soient parvenus trop près du foyer, puisque la Syrie a récemment annoncé qu’elle ne permettrait pas aux inspecteurs de retourner sur le site.
De plus, les Syriens ont pris une importante décision diplomatique, demandant un siège au Conseil des Gouverneurs de l’AIEA, forum de 35 membres qui peut décider si la Syrie a violé ses obligations. Du fait que la plupart des décisions de cet organisme sont prises par consensus, la Syrie s’assurerait ainsi contre toute condamnation. De cette façon, en refusant des inspections, et en gagnant un siège de gouverneur, qu’elle a de bonnes chances d’obtenir, la Syrie prend une double assurance.
Le temps est venu pour l’AIEA d’adopter une forte position sur la question syrienne, et de déclarer que la charge de la preuve repose désormais sur la Syrie pour démontrer qu’il n’y avait pas de réacteur sous la construction sur le site. La Syrie devrait permettre les inspections les plus intrusives, utilisant des technologies avancées, comme celles utilisées pour les inspections sur sites de la totalité des tests du Traité d’Interdiction. Si la Syrie refuse de s’y prêter, elle devra être censurée, et au grand minimum, se voir interdire de devenir membre de Conseil des Gouverneurs de l’AIEA. Du fait de l’attitude de l’actuel Directeur Général de l’AIEA, l est douteux que cela se produise.
Les USA sont aussi un acteur important dans l’affaire syrienne, puisqu’ils ont apporté la preuve des méfaits de la Syrie, et de sa connexion avec la Corée du Nord. Les USA agissent contre la proposition de laisser la Syrie devenir membre du Conseil. S’ils peuvent persuader la Corée du Nord de révéler sa connexion avec le réacteur nucléaire syrien, cela mettra fin aux mensonges et aux dénégations syriennes.
L’auteur est chercheur de haut niveau à “l’Institut des Etudes pour la Sécurité Nationale” (INSS)