20/05/09
Le nez dans la "muraille de sécurité", haute de 8 mètres érigée par les Israéliens, Benoît XVI avait fustigé ce "mur tragique" et réaffirmé la ligne de la diplomatie vaticane: le soutien à la création d'un Etat palestinien. Avant son départ pour Rome, hier après-midi, sur le tarmac de l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, le pape a encore demandé "que la solution à deux Etats devienne une réalité, qu'elle ne reste pas un rêve". Des paroles "historiques" pour le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, des paroles symboliques cette semaine, alors que les Palestiniens commémoraient la "Nakba", la "catastrophe" provoquée par la création de l'Etat d'Israël, en 1948. Des paroles prémonitoires aussi, au moment où Barack Obama prépare son offensive diplomatique au Proche-Orient ? Mais la prophétie d'un vieux pape à la voix murmurante n'a pas provoqué l'euphorie du peuple palestinien. "On aurait préféré que le pape demande clairement la fin de l'occupation et qu'il dise que le mur qui nous sépare de nos frères doit tomber", explique le curé Shomali.
"Les chrétiens ont les mêmes problèmes que les musulmans"
On a tant parlé de paix, sans pour autant la faire, ici, dans ces territoires où, selon les mots de Benoît XVI, "Dieu a choisi de devenir un homme", que les mots ne consolent plus. "Quand Jean Paul II est venu ici, pour le jubilé de l'an 2000, nous étions proches d'une paix qui n'est jamais venue", a rappelé le patriarche latin de Jérusalem, Fouad Twal. A l'orée de Jérusalem-Est, dans le petit studio qu'il s'est réservé dans son propre hôtel à bas prix, Hisham Jamjoun, de l'International Solidarity Movement, une ONG militante propalestienne, scrute l'écran de son ordinateur, connecté au site Aljezeera.net. "Si vous relisez les discours de Benoît XVI, vous voyez bien qu'il n'a dit que des choses très générales: par exemple, il affirme qu'il soutient la création d'un Etat palestinien, d'accord, mais où?". Il souligne ses paroles d'un grand mouvement de la main, avant de laisser s'installer un silence pesant. Il n'achète pas [lire: "il ne se laisse pas convaincre par"] l'optimisme général. Et il refuse de tout miser sur l'initiative d'Obama. Il exhume de sa poche une pièce de 10 shekels, la monnaie israélienne: "Dans cette histoire, tout est comme elle. Tout a deux faces. Prenez Obama: d'accord, il a un agréable "maquillage", comme vous dites en français, mais il ne peut pas tout, il a des groupes puissants derrière lui et il lui faut convaincre le Congrès. Pour la Palestine, c'est la même chose."
"J'ai beau être arabe, je veux juste qu'Israël soit très fort"
Deux faces ? Les chrétiens de Palestine illustrent à merveille cette ambivalence. Une minorité religieuse, qui ne cesse de compter ses enfants exilés, tiraillée entre des conflits de loyauté indicible. En Cisjordanie, les chrétiens se présentent comme solidaires de leurs compatriotes musulmans, leurs compagnons d'occupation. "Nous, les chrétiens, nous ne sommes pas arbitres, nous sommes dedans. Les chrétiens sont palestiniens. Si on leur prend leur terre, leur maison, ils ont les mêmes problèmes que les musulmans", résume le frère Jacques Frant, prêtre à Taybeh, le dernier village entièrement chrétien de Terre Sainte.
Mais à Jérusalem, Raja Salamih, responsable du "Bon Samaritain", un centre social chrétien, se voit plutôt, selon l'expression consacrée ici, comme "un fromage dans un sandwich", coincé entre les musulmans et les juifs. Cette semaine, il ne s'est guère intéressé aux déclarations du pape: [il est trop] préoccupé par la distribution de repas aux personnes âgées de la Vieille Ville, bouclée par les forces de l'ordre le jour de la visite de Benoît XVI au Saint-Sépulcre. Le mur ? Cela le chagrine, mais, en même temps, cela ne le concerne pas directement. "Vous savez, chuchote-t-il, j'ai beau être arabe, je veux juste qu'Israël soit très fort. Je suis chrétien, donc minoritaire ici: quelqu'un doit pouvoir me protéger et je sais qu'il n'y a que les Israéliens qui pourront le faire."