
Bruno Tertrais, maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique est un spécialiste reconnu des questions nucléaires. Ancien membre de la commission de Livre blanc sur la défense, auteur récemment d'un Atlas militaire et stratégique (Autrement) et d'un Que sais-je? sur l'Arme nucléaire, il nous livre son analyse à la suite de l'essai nord-coréen.
"C'est une mauvaise nouvelle pour Obama. Le grand discours du président américain sur le désarmement nucléaire, prononcé à Prague le 5 avril dernier, avait coincidé avec le tir d'un missile Taepo-Dong 2 par la Corée du nord. Aujourd'hui, le régime de Pyongyang montre qu'il a les moyens de construire une arme qui fonctionne. Obama n'a pas de chance avec lui.
L'équipe actuelle ne se fait aucune illusion : elle sait qu'il sera extraordinairement difficile de persuader la Corée du nord de renoncer à l'arme nucléaire, car il s'agit d'un élément essentiel pour la préservation du régime communiste".
"Obama ne peut pas se permettre de ne pas être ferme, pour une raison essentielle : le Japon. Le problème n'est plus le désarmement nucléaire, mais comment s'assurer que le Japon ne deviendra pas à son tour une puissance nucléaire. Les Etats-Unis doivent donc garantir la sécurité du Japon."
"L'autre priorité pour Washington, c'est le containment, c'est-à-dire la lutte contre la prolifération. Comment faire pour que la Corée du Nord ne vende pas sa technologie à l'étranger ? C'est un problème majeur, mais on peut avoir des doutes sur la capacité de la communauté internationale de dissuader Pyongyang. Malgré les avertissements très clairs, la Corée du nord avait venu des installations nucléaires à la Syrie [détruites par des frappes israéliennes, ndlr]."
"Alors que l'on reparle de désarmement nucléaire, à l'occasion de la conférence d'examen du Traité de non prolifération en 2010, le risque est que cette discussion soit déconnectée de la réalité. Les belles âmes font comme si les problèmes nord-coréen et iranien étaient de second ordre... "
"Pour Obama, le désarmement nucléaire n'est pas une priorité, même s'il affirme avec plus de force que l'équipe Bush qu'un monde sans armes nucléaires est son objectif. Actuellement, il cherche deux choses : minimiser les risques de terrorisme nucléaire en sécurisant les armes et les matières fissiles dans le monde entier. Et rétablir une coopération stratégique avec Moscou grâce aux discussions sur le désarmement nucléaire (arms control)."