Je suis tombé en arrêt devant l'affiche de Dieudonné. L'énorme titre, « Liste antisioniste », sur fond noir, claque affreusement. Je ne pensais jamais voir cela un jour sur des panneaux électoraux.
Ce qui frappe l'oeil, tout de suite, c'est le type au dernier rang, accoutré comme un rabbin. Il est là, il regarde l'objectif de l'appareil photo, mais il n'a pas de nom.
Les trois autres, les trois têtes d'affiches, sont désignés : Dieudonné, Soral et Gouasmi. Le rabbin, lui, n'est là que pour la déco. Son rôle est celui d'un flacon d'antidote, pour rendre inoffensifs les trois poisons vendus au passant. Il est là pour dire, muettement : « Pas confondre antisionisme et antisémitisme, hein ? »
Qui est-il ? Certains auront reconnu le rabbin « antisioniste » Shmiel Mordche Borreman, proche du groupuscule religieux Neturei Karta (les protecteurs de la cité), qui ont déjà donné une conférence de presse au théâtre de la main d'or de Dieudonné.
Le slogan « Pour une Europe libérée de la censure, du communautarisme, des speculateurs et de l'Otan » joue lui aussi avec les détracteurs du comique. En l'occurence, il joue sur les clichés antisémites traditionnels, avec l'air de ne pas y toucher.
Soif d'argent, manipulation des médias, réseau communautaire et atlantisme : on retrouve là quatre attaques traditionnelles. Mais bien sûr, ce sont seulement les « sionistes » qui sont visés.
Les quatre hommes posent dans une lumière crépusculaire, comme sur l'affiche d'un film d'action (je pense à celle de « Matrix » mais vous avez peut-être d'autres idées).
Dieudonné est un acteur, il pose donc de façon un peu cabotine. j'ai vu dans son geste, à tort, un salut, la main sur le coeur, à la façon des musulmans. Des riverains m'ont fait justement remarquer que le coeur ne se situe pas à droite (ah oui, tiens) et que Dieudonné effectue en réalité le geste dit de « la quenelle », bien moins sympathique : l'amuseur l'explique à la fin de cette vidéo :
« L'idée de glisser ma petite quenelle dans le fond du fion du sionisme est un projet personnel qui me reste très cher. Donc mon geste de campagne sera celui là. »
Alain Soral, le rouge-brun, vient du FN : tout en noir, il montre donc sa musculature et serre le poing.
Quand à Yahia Gouasmi, un homme qui considère que « derrière chaque divorce, il y a un sioniste », il affiche un air bonhomme. Avec sa brioche en avant, il a l'air de nous dire :
« Moi, un monstre ? Regardez-moi bien. Est-ce que j'ai la tête d'un monstre ? »