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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 19:57

 



Vayédabbér Moché el rachéï hammatote livné Yisrael lémor
zé haddavar achér tsiva Hachém
iche ki yiddor nédér lachém o hicchavâ chévouâ lééssor issar âl nafcho lo ya'hél dévaro kékhol hayyotsé mipiv yaâssé.

"Moché parla aux chefs des tribus des enfants d'Israël en disant :
Voici la parole qu'a ordonnée Hachém :
si un homme fait un vœu au Seigneur, pour s'imposer par un serment une interdiction à lui-même,
il ne peut violer sa parole : tout ce qu'a proféré sa bouche, il doit l'accomplir".


Thèmes et sens général de la paracha
La paracha traite d'abord des voeux prononcés, de leur validité ou non (ch. 30, 3). 
Puis de la vengeance de mort envers les Madianites qui ont voulu anéantir Israël par l'assimilation (ch. 31), par les charmes de leur culture et des mariages mixtes. Tous ceux qui ont agi et agissent encore en ce sens devraient trembler s'ils accordent foi à la parole divine.
Ensuite, les deux tribus de Réouvéne et de Gad, munies de grands troupeaux, demandent à Moché l'autorisation de s'établir au delà du Jourdain (ch. 32).
Toute la paracha tourne autour de la question du respect de la parole donnée ou simplement dite : Moché transmet 
- les conditions qui doivent assurer l'application d'un voeu, 
- la procédure à appliquer quand les bnéi Yisrael n'ont pas été fidèles à leur promesse d'anéantir tous les Madianites, 
- les conditions à respecter dans le contrat pour ceux qui veulent rester au delà du Jourdain.

Mitsvotes
La paracha comprend seulement deux mitsvotes, 406 et 407. Elles sont présentes dans la phrase qui est mise ci-dessus, dans l'extrait en hébreu placé dans le plan en tête de cette paracha : 
- "si un homme fait un voeu... il ne peut violer sa parole,  iche ki yidor nédér... lo ya'hél dévaro" (30, 3).
- "si un homme fait un voeu... tout ce qu'a proféré sa bouche, il doit l'accomplir" (30, 3).
Nos Sages s'interrogent sur ce doublet dans le même verset, et sur le sens différent de chaque mention. Etudions cela.

Rachi
1. Il précise d'abord, (sur la base de la michna Qinim 1, 1 et du Sifré) qu'il s'agit de voeux pour s'imposer des interdictions par surcroît à tout ce que demande déjà la Torah, afin de s'interdire ce qui nous est permis, et non pas pour s'autoriser ce qui est interdit :
léssor éte hammoutar vélo léhatir éte haassour.
Ajoutons : 
- ...comme s'il n'y avait pas déjà assez de mitsvotes prescrites (613 !). 
- La Torah a prévu, par ce verset et par cette paracha, les risques de l'extrêmisme individuel qui utilise tout, même le meilleur qu'est la religion.
- Le Talmud Sota 21 b décrit ce comportement et ses excès chez le 'hassid choté (traduction approximative: le religieux amoureux et cinglé) qui n'a pas le sens des rapports entre la théorie et la vie réelle, ni le sens des priorités et des urgences ; c'est souvent le cas de celui qui a commencé à étudier et s'enflamme car il n'a pas le chimouche (utilisation réaliste) : ce terme veut dire qu'il n'a pas regardé "comment les Sages vivent la Torah dans l'ensemble de leur vie quotidienne" (voyez cet exemple, par ce lien). D'où l'interdiction d'étudier seul car il y a le risque d'y perdre l'équilibre si on n'est pas confronté à la réalité d'autrui : "ou bien l'étude en commun, ou bien la mort, o 'hévrouta o mitouta" (Taânite 23a). Ce 'hassid choté est décrit dans le Talmud: il voit une femme se noyer et se dit : je ne peux pas me précipiter pour la sauver car je serai en contact avec elle (Traité Sota 21b). J'entendais cette semaine le Rav Yits'haq Ôvadia, fils du Rav Ôvadia Yossef citer de nombreux exemples de personnes qui n'ont pas assez étudié et s'imaginent que tout est interdit, et veulent l'imposer aux autres comme la règle de base. Ce cas est fréquent chez des personnes qui viennent de revenir au judaïsme et se protègent de soi-même de cette manière. Mais ce n'est pas la tradition véritable.

2. Rachi passe ensuite à l'expression : "il ne peut violer sa parole" (lo ya'hél dévaro). Il indique que nous devons comprendre le sens de ce verbe en le mettant en liaison avec son homologue lo yé'halél dévaro qui comporte le sens de 'hol, profane. C'est toute chose, un  temps ou un lien qui ne comporte pas de sainteté, pas de qéddoucha (voyez le verset I Samuel  23, 6). 'Houline, c'est le profane. On appelle aussi comme cela les fruits qui restent après qu'on ait prélevé la térouma, la part remise  à ce qui est saint. En opposition au Saint des Saints (qoddéche qoddachim), on parle de ce qui est très éloigné de toute sainteté : 'houlé 'houline. D'une conversation banale de chaque jour, de lieux communs sans élévation, on dira que c'est une si'hate 'houline.
Expliquons ce que veut dire Rachi par cette précision qu'il nous communique, ensuite nous en trouverons le développement dans le Chla. 

Celui qui parle et n'accomplit pas sa parole transforme la parole qui est sainte (qaddoche) en quelque chose qui est hors de la sainteté, étranger à la sainteté, 'hol, profane. On comprend mieux par là la revendication constante dans la Torah, dans le Tanakh (toute la Bible), et dans l'histoire du peuple juif ("nous voulons être comme les autres" et pas un peuple "saint" ; c'est exactement la 'hilonioute, selon le concept actuel qui utilise cette racine). Ce débat fut constant dans l'histoire du peuple d'Israël ; et aujourd'hui, même des partis politiques s'y sont donnés récemment cette mission comme programme pour modifier l'Etat juif par une révolution 'hilonite (de culture profane et étrangère abolissant toute référence au judaïsme et à ses dimensions de la sainteté qui fonde tout; le terme occidental de laïque ne rend pas cela car il ne comporte pas une dimension de refus de l'identité du peuple).
Ainsi, il est indispensable de connaître les textes fondateurs du judaïsme et son histoire pour comprendre les débats actuels de la société israélienne, dans un peuple qui est le spécialiste de la mémoire collective et qui vit simultanément le passé, le présent et l'avenir.

Rachi revient souvent sur cette relation et différence entre les termes de saint et profane, par exemple dans son commentaire sur le Chabbate en Chémote 31, 14 ("ceux qui profanent le chabbate, dit-il, ceux qui s'y conduisent d'une manière profane alors qu'il est saint"). Rachi ne dit pas qu'il n'ont pas obéi, qu'ils ne pratiquent pas, qu'ils ne respectent pas les règles ni les interdits (expressions souvent entendues par ceux qui ne "respectent" pas le Chabbate), il dit que le 'hiloni est celui qui "transforme par là ce qui est saint en profane" (hannoégue ba 'hol biqéddouchata). Quand nous avons le Chabbate les mêmes conversations qu'un jour de semaine, nous ne faisons pas autre chose.

Rachi relie ainsi le mot "profane" à "profanation" de la sainteté. Il y voit une prostitution. La Torah nous enseigne par là qu'il ne s'agit donc pas, pour le Juif, d'un laïcisme neutre consistant en respect tolérant des droits de toutes les personnes. Ne mélangeons pas toutes les questions, tous les concepts et idéologies. Rachi l'exprime clairement et intensément en Vayiqra 21, 9 sur le verset de la Torah qui interdit la prostitution et qui utilise ce verbe 'hol, profane (ki té'hél kizenote éte avia, par la prostitution c'est son père qu'elle déshonore).

3. Le commentaire du Chla : sainteté de la parole
Chaque fois que nous avons bien compris le Rachi, nous avons la base de l'enseignement donné par le Chla. Il explique alors que toute la paracha parle de la complétude de l'âme (chlémoute hannéchama) car la parole n'est que le versant extérieur de la néchama (âme) et de son discours intérieur. (Les deux parachotes suivantes traiteront d'autres dimensions).
Et c'est pour cela que la parole distingue l'homme de toutes les autres créatures. Quand il est dit que Adam a été créé "être vivant" (néféche 'haya), Onqélos traduit cela par "être parlant" (roua'h memalela). Ainsi la parole est reliée directement au Créateur, d'où son rapport avec la sainteté et son étrangeté par rapport au monde du profane et de la 'hilonioute.

De cette sainteté intrinsèque vient la nécessité de respecter la parole, de l'accomplir pour ne pas la deshonorer, ne pas la prostituer, ne pas la réduire à ce qui n'est pas saint. Ce n'est pas seulement une question de bonne régulation sociale et morale, c'est une régulation en raison de la sainteté de la parole.
Ajoutons : certes, celui qui n'accomplit pas ce qu'il a dit ne savait pas qu'il accomplissait ce processus de profanation et de prostitution, voilà pourquoi la Torah nous l'enseigne; voilà pourquoi la Torah nous met aussi en garde, à travers les préceptes des Sages, contre les blagueurs perpétuels et contre les railleurs qui font un usage falsifié de la parole. Le Baâl hattourim commence par là son monumental ouvrage sur la halakha, le Tour. Il y voit le principal obstacle à tout.

4. Voilà pourquoi le Roi David dit : "ma bouche louera Hachém" (téhilate Hachém yédabber pi, psaume 145, 21). 
Commentons : David est conscient de la nature de ce qui sort de la bouche. Et il l'oriente de lui-même vers la source originelle en en faisant une louange ; il transcende la banalité et l'obscurité en louange, et justement par la parole.
Si cela est bien compris, la prescription de la Torah (30, 3) devient claire : rien de ce qui sort de la bouche ne doit être profané en étant ramené au niveau de 'hol, de profane. Tout doit rester dans l'ordre des bénédictions. C'est ainsi que vivait notre maître, Ribbi Moché Zénou dont la hiloula a été fêtée ces jours-ci, le 16 Tamouz: sa parole quotidienne était sans cesse enveloppée par la bérakha (bénédiction). C'est l'éducation que le père doit donner à ses enfants comme il est dit dans le texte du Chémâ Yisrael (Devarim 6) : vé dibarta bam, "tu leur parleras dans les mots mêmes de la Torah". J'ai placé plusieurs pages sur le site pour apprendre comment ainsi parler aux enfants et les former à placer ce qu'ils voient et sentent à l'intérieur de la parole belle, celle de la Torah (lien 1, lien 2, lien 3).Cela concerne autant notre parole à nous.

5. Cela étant bien compris, le Chla situe alors ce qu'est le voeu que l'on nomme nédér : c'est le cas de quelqu'un qui connaît bien ce sens juif de toute parole, cela devrait donc lui suffire de pouvoir en chaque parole atteindre directement la qéddoucha divine ; et, comme s'il doutait quelque peu de cette banalité, il veut encore étendre davantage cette sainteté à tout ce qu'il fait en s'imposant des contraintes et interdits supplémentaires à ceux de la Torah de vie, et en se restreignant dans ce qui est autorisé ; selon la racine du mot nédér, il habite (dar) dans le noune qui est le chiffre hébreu de 50, signe de la sagesse suprême.
Il va de soi que celui qui prétend être à ce niveau de la sagesse suprême, au point de s'imposer des obligations supplémentaires à toutes celles que la Torah prescrit, doit être passé au crible de conditions sérieuses de passage, c'est ce que fait ici la Torah. Car cela paraît tellement peu probable et quasi impossible. Mais beaucoup seront tentés d'aller à ces extrêmes qui sont ou prétentieux ou dangereux.
Je vous donne un exemple quotidien de cette pédagogie du bon sens par nos maîtres: j'étais assis un jour auprès du Rav Chalom Messas, zal, et nous échangions quand le téléphone sonne. Etant tout près, j'entends la conversation: "Rabbi, je suis un jeune étudiant de yeshiva achkénaze et je suis d'origine marocaine; or, tous les étudiants ont des péotes (ces tresses qui descendent depuis les tempes et qui ont un sens dans la cabale), est-ce que je dois en porter aussi et je voudrais savoir ce qu'il en était au Maroc". Le Rav lui répond immédiatement dans une pédogogie aimable, guidante et claire, et brève: "Au Maroc, je n'ai presque jamais vu de personnes qui en portaient, mais les rares quelques uns qui en portaient étaient comme des anges". C'est clair: au delà de la sociologie habituelle où on se place, si vous estimez que vous êtes du niveau élevé comme des anges, ou non, prenez votre responsabilité". Voilà la Torah en pratique, sur ce sujet.

6. Cet enseignement sur la parole et sur la prudence à avoir face à l'extrêmiste du  nédér permet de limiter et de remettre à leur place les pseudo Sages et les pseudo 'hassidim, ou les fondamentalistes enragés. Cela permet, par ce biais, d'enseigner à nous tous le bon usage d'une parole quotidienne qui soit toujours sainte et simple, ce qui ne veut pas dire triste car il y a beaucoup de joie et d'humour dans la Torah, dans les middrachim, le Talmud, Rachi, etc. 

Cette sauvegarde de la parole simple mais sainte et saine est importante, car :
- Le traité Yoma du Talmud nous enseigne que le Temple a été détruit parce qu'il manquait au peuple cet usage saint de la parole et des comportements. Il en donne cinq exemples tirés de l'absence de la lettre (5) dans le verset du prophète 'Haggaï 1, 8 : "Montez sur la montagne, rapportez-en du bois et bâtissez le temple : j'y prendrai plaisir et je m'en trouverai honoré, dit Hachém". (honoré : véékaveda est-il écrit au lieu de véékavedah).
- L'attaque de Nabuchodonozor contre Jérusalem est une conséquence des non-respects de la parole, de même que ce qui a conduit à l'extermination du Sanhédrine au temps du Roi Tsidqiahou. 
Voilà pourquoi le middrache Eikha Rabbati (2, 18) dit : "ne prends pas à la légère ce passage de la Torah sur le respect des voeux et de la parole".
Hier encore j'ai été confronté à cette question. Mon ordinateur était bloqué et j'ai demandé l'aide d'un technicien qui, lui aussi, étudie beaucoup la Torah et essaie de vivre en conformité. Il me propose un logiciel qu'il a réalisé et me dit qu'il le vend à 300 chékels, mais pour toi, ajoute-t'il je te le fais à... Je n'ai pas bien entendu le prix, j'ai été distrait et nous avons parlé d'autre chose. Puis je le lui achète et il me demande: "Combien t'ai-je dit, je ne m'en souviens plus? Je crois que c'est 200". Je réponds: "Je n'ai pas fait attention mais il me semble que tu as parlé de 220 ou 250", lui dis-je (prix qui est au-dessus de ses 200 mais il n'est pas question de faire une "occasion" ainsi en dupant l'autre). Il me répond en connaisseur de la Torah: "je ne sais plus ce que je t'ai dit, mais j'avais pensé 200, alors ce sera 200 et pas 220 ni 250". C'est exactement cela être relié à la vérité de la parole de vie.

Un exemple audacieux du poids de la parole
Le Traité Sanhédrine a le sérieux d'un code civil car il précise toutes les juridictions qu'il faut établir avec justice pour régler les dommages faits à autrui. En fait, derrière l'édifice juridique, c'est toujours la parole des témoignages qui est examinée. Et le Traité se termine (donc sujet d'importance) en nous donnant l'exemple du prophète Elie qui s'est emporté "dans sa parole". Malgré sa grandeur, les Sages ont eu l'audace de le prendre en exemple pour nous enseigner. Voilà ce passage qui a besoin de l'humour pour se le permettre. Et les Juifs ont toujours su utiliser la rigueur de la parole sainte avec le sourire de l'humour.
Traité Sanhédrine du Talmud, page 113a-b : 

 "Ribbi Yossé de la ville de Séphoris a exposé ceci : 
  Le père Elie (je précise qu'il s'agit du grand prophète!) était coléreux. 
 (comment peut-on écrire des choses pareilles?! Cela se réfère à sa parole décrite dans le verset de I Rois  17, 1). 
Or, le prophète Elie avait l'habitude de venir chez Ribbi Yossé (en effet, il visite parfois les grands Sages aux diverses générations) et, pendant trois jours il ne lui rendit pas visite. 
Quand le prophète Elie reprit ses visites, Ribbi Yossé lui dit : 
 - Pourquoi n'est-tu pas venu ? 
 - Tu m'as traité de coléreux. 
 - Voilà justement ce qui nous montre que tu es coléreux !". 
Nous n'oserions jamais aller si loin, mais il le faut pour enseigner. 
Ce serait une erreur de se dire : dans le Talmud il y a de l'humour, des contes folkloriques et populaires, des aggadotes qui n'ont pas le niveau élevé des thèmes intellectuels ou des commentaires de la Torah où la sainteté est manifeste. Cette histoire veut justement nous montrer que le quotidien est autant qéddoucha, et il importe que l'humour soit vu non comme une blague et un gros rire mais comme une saisie rapide de la vérité profonde.
Le véritable humour juif, s'exprime quand la pression externe est très forte, mais il est toujours pertinent, affectueux, familial, et instructif. 

La valeur de la parole en politique
Au contraire, séparant les domaines, combien estiment qu'en affaire ou en politique, il est permis de mentir et tromper. Ils oublient que, pour le gain matériel apparent, on a porté alors atteinte à la parole divine même, celle qui garde le peuple, Israël. En tous pays, et chez nous aussi, des hommes politiques ont des enquêtes car ils ont trafiqué sur la loi par les artifices de la parole orale ou écrite.
La politique est l'un des lieux modernes où sévissent le plus les marchants d'illusions, où la parole "saisit les yeux" et les trompe : 
il n'y a plus d'argent dans les caisses de l'Etat et, subitement, pendant les campagnes électorales, celui qui gagne est toujours celui qui osera dire le plus que demain tout sera gratis. Et, quand il prend le pouvoir, il annonce toujours qu'il vient de découvrir que le prédécesseur est parti en laissant la caisse vide. Mais il trouve encore de l'argent pour les priorités de ses fidèles qu'il estime, tout-à-coup, être les véritables priorités nationales. 
Face à un tel monde qui sépare la sainteté et l'action, le bon juif est toujours tamim, bien naïf. Ainsi que nous le conte encore le traité Sanhédrine 67b : 
"Zéiré était allé à Alexandrie en Egypte pour acheter un âne (qui sera le plus âne dans l'histoire ?). Il l'acheta et, quand il voulut lui donner à boire de l'eau, l'âne a disparu et il n'est plus resté à la place qu'une vulgaire planche de bois ! (ainsi des pauvres électeurs qui achètent les promesses comme les ânes de Zéiré au marché). 
Zéiré revint se plaindre aux vendeurs qui, bons commerçants toujours, lui dirent : 
C'est bien parce que tu es Zéiré, sinon on ne t'aurait pas remboursé ton argent.
Y a-t-il quelqu'un au monde qui achète ici n'importe quel âne sans le tester en le soumettant à l'épreuve de boire de l'eau ?" (Cela veut dire : chacun sait que dans nos affaires, nous trompons continuellement et même les yeux sont séduits par le mensonge).

Ce conte a du servir de leçon préventive à un certain Yanaï comme le montre la suite du texte du Talmud. 
"Yanaï arrive donc dans une auberge et il est sur ses gardes. Il demande de l'eau à boire et il remarque que la servante remue les lèvres en le servant (un des derniers Présidents des USA a fait ainsi sa campagne avec ce slogan : "regardez mes lèvres, vous ne paierez plus d'impôts", et il a évidemment gagné; notre Yanaï va oublier lui aussi tout ce qu'il a appris sur la droiture de la parole et il entre dans la compétition des mensonges). 
Il se dit que la servante a dû le tromper et il verse l'eau par terre et, effectivement, ce sont des scorpions qui sortent du verre. 
Fûté, il lui dit alors : "moi, j'ai bu l'eau que tu m'as donnée, maintenant à toi de boire l'eau que je te donne". Elle boit l'eau de Yanaï et la voilà transformée en âne. 
Fier de son succès et de la bonne affaire, il monte sur cet âne et s'en retourne au lieu de se fatiguer à piétiner. 
Le voilà qui traverse le marché. 
Mais l'amie de la servante avait vu la scène, elle le poursuit et elle déjoue à son tour l'ensorcellement. 
Alors, au grand amusement de tous, on a vu Yanaï traverser le marché en chevauchant une femme". 

Il importe que nous saisissions, à travers la mise en garde du nédér, combien les hommes ont le besoin de ne pas se contenter de la droiture simple de la parole de la Torah, il leur faut en rajouter et qui joue à falsifier un peu la parole plait à soi-même et aux autres au point que plus personne ne perçoit la supercherie morale : promesses électorales illusoires et mensongères, besoin du public de jouer à l'llusion de ces mensonges, faux sondages scientifiques, jusqu'où descend t-on? 
"votez pour moi mon programme est unique ,  moi, je jongle mieux que les autres , moi, je suis différent de tous , moi  je suis plus beau , seul j'apporte toute la paix et maintenant ,  la preuve j'ai le plus beau costume, et moi en plus de tout je donnerai tout le reste..." . Et tout cela est monté, combiné, rien n'y est plus vrai.
Et voici la parole des sondages d'opinions : pour lequel allez-vous voter ? Lequel parle mieux ? Lequel est le plus convaincant ? Lequel a donc le plus de dons pour faire la paix, donner du travail et la santé ?

Je me souviens aussi, pour éclairage, d'un commercial qui avait organisé la diffusion d'un de mes livres et qui, tout simplement, depuis un retard de plus d'un an, gardait dans sa poche l'argent récolté. J'ai dû aller à Paris depuis Israël pour tenter de récupérer mon bien et, furieux, devant moi il doit obtempérer et me donner mon chèque. Découvrant alors par quelque signe ostensible qu'il est un Juif religieux, je me permets de lui dire: "je ne comprends, non seulement vous m'avez contraint à venir jusqu'ici, et vous savez ce que je fais, et je vois que vous êtes religieux, je ne comprends pas. Expliquez-moi." Il me répond: "ah! Ca alors, si vous mélangez la religion et les affaires!". Authentique.

Pourquoi apporter cela dans une étude de la Torah ? Parce qu'il s'agit bien des libertés prises avec la parole là où les enjeux sont importants.
Celui qui  fait des voeux, se permet de les faire dans le concret de la vie.

Cette approche concrète dans l'étude de la Torah (troisième partie des commentaires du Chla qui suit l'étude des mistsvotes et la découverte du sens lumineux de la Torah) est toujours intitulée : Dérékh 'hayim (expression tirée du verset: "chemin de vie est l'exhortation et la réprimande morale"). Le passage du premier niveau du sens littéral apparent (le pchate comme Rachi) au deuxième (le sens profond comme le Chla) puis au troisième niveau (la morale quotidienne) devrait toujours aller de soi dans l'étude de la Torah car l'étude est réalisée pour aboutir à l'action, au maâssé.

Le Chla en tire les conclusions suivantes :
1. l'homme doit être fiable et crédible dans ce qu'il dit (néémane bédibbouro),
2. il veillera à tout ce qu'il laisse sortir de ses lèvres; ainsi les tribus de Réouvéne et Gad ayant fait à Moché des propositions, ils ont été ensuite tenu par lui de les honorer (lire le texte dans la paracha, Bémidbar ch. 32).
3. cela concerne non seulement les voeux et les questions importantes mais TOUT ce que nous disons.
Ainsi, dans nos textes, il est normal lorsque nous entrons dans une boutique de dire au vendeur que nous venons simplement pour regarder, si nous n'avons pas l'intention d'acheter, ou également si nous posons des questions sans intention précise d'achat.

Il suffira à chacun de passer au crible son propre style de parole, sa fidélité à tout ce qu'il a dit, spécialement envers les êtres que l'on aime. Mais également dans la vie professionnelle, sociale.
En cela, c'est notre dimension divine, celle de notre néchama (âme), qui est soit respectée et en louange et bénédiction, soit profanée et prostituée.
C'est Hachém lui-même qui est atteint car Israël est uniquement un peuple saint, qaddoche.
La bénédiction est alors amplifiée ou bloquée et les conséquences se manifestent pour le monde.

Que l'on me permette modestement une réflexion. On sait que le Rabbi de Loubavitch remettait toujours à ses visiteurs un ou deux billets de 1 $ alors qu'il venaient trouver auprès de lui les niveaux les plus élevés de la spiritualité ; peut-être voulait-il dire à chacun : que votre parole et vos actes les plus concrets soient conformes aux mots de Torah  que vous venez de me dire ou que vous avez aimé entendre de moi". Dans une rigueur absolue, jusqu'au plus petit $. Sans nous raconter d'histoires. 
J'avais écrit ici une petite fable qui résume bien le besoin des humains de vivre dans des falsifications heureuses à travers l'usage de la parole, mais ce dévoilement un peu brutal de l'humour était trop dur pour quelques lecteurs, je l'ai déplacée dans le recueil de poèmes.

Le but de ce regard sur la politique (parole qui traite du bien commun) et sur la comédie de la parole à laquelle nous nous y prêtons dans un duo, politiciens et leurs électeurs, est de nous faire sentir  l'importance de l'enjeu. Depuis la paracha du buisson ardent, Moché a lutté pour faire triompher en même temps : la parole vraie et les actes purs et les forces saintes qui portent le monde. Il a essayé de dire aux puissances des Etats quelle est cette parole libératrice vraie, il ne fut pas entendu et il sortit de l'Egypte vers Jérusalem sans être accompagné du Pharaon.

Pendant tout le livre du désert (Bémidbar), Moché a montré au peuple les périls mortels de la parole imprudente 
- Myriam dans Béhaâlotékha
- les leaders politiques et religieux qui n'assument pas la vérité envers la terre d'Israël dans Chéla'h
- les rivalités désastreuses pour le pouvoir dans Qora'h
- le langage perfide de nations et religions  envers Israël dans Balaq
- Moché nous a donné les régles intangibles de la vraie parole dans 'Houqate
- l'exhortation a réagir contre la parole qui veut détruire le peuple en tant que peuple de la Torah dans Piné'has).
Le Chla nous indique que notre paracha, après cela, fignole le réglage de cet ensemble qui assure le tiqqoune (réparation) de la néchama dans le peuple. Cela étant fait, la paracha suivante (Massêi) fera le tiqqoune du corps. Comme ces deux parachiyotes sont proches (Mattote-Massêi) elles forment un seul ensemble, et l'union de la néchama et du corps  est totale.
Ainsi tout l'enseignement de la Torah sera donné à tout l'être.
Le livre Dévarim, ensuite, sera un résumé synthétique des quatre premiers livres.
Si nous voulons réussir ce tiqqoune, cette réparation, cela ne dépend que de nous: reprenons l'étude de ces parachotes,  non seulement avec notre tête mais avec notre corps, notre coeur, dans nos pensées et dans nos relations. Et nous aurons accompli la tâche qui nous est demandée.

Lire la suite : sur : http://www.modia.org/tora/bamidbar/mattote.html

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commentaires

A
Merci, mille merci pour ce texte de Rav Ra'hamim dufour...<br /> <br /> Nous changeons de livre cette semaine
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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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