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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 20:17

Herzl est généralement connu à travers des raccourcis où le fondateur du sionisme pragmatique ne serait qu'un Juif assimilé doublé d'un opportuniste, oscillant entre l'option ougandaise et les flatteries de Juif de cour auprès des puissants, du sultan Abdülhamid II et de l'empereur Guillaume II à l'antisémite ministre de l'intérieur russe Plehve.

Qui plus est, en ces temps de judéophobie parée de l'alibi antisioniste, Herzl devient l'incarnation du colonisateur cynique, à l'origine d'une invention déracinée, le sionisme.

Pour autant, en 1902 paraissait à Leipzig, deux ans avant qu'il ne décède, un roman intitulé Altneuland, dont le sous-titre faisait office de programme : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve. »

Nous vous proposons un parcours dans ce roman, afin de découvrir ou re-découvrir la pensée de Herzl et son humanisme pétri d'attachement au peuple juif.

En 1897, le Premier Congrès Sioniste de Bâle marque la naissance du mouvement sioniste pragmatique. Pour son initiateur, Theodor Herzl, cela semblait improbable, mais cinquante années plus tard, ce n'était plus un projet, c'était une réalité.

En 1902, il publiait 
Altneuland, un roman qui prenait pour thème la restauration du peuple juif sur sa terre. 
Roman utopique, pour les contemporains de l'auteur, roman quasi prophétique, pour nous, alors que nous avons fêté les soixante ans de l'Etat pour les Juifs tant espéré par Herzl.

Je vous propose de partir en cinq étapes à la découverte de ce roman, plutôt méconnu, où l'analyse de la société juive ashkénaze dans l'Empire austro-hongrois s'associe avec un attachement délicat et indéfectible à la terre d'Israel et à la renaissance nationale et culturelle du peuple juif.


SACHA BERGHEIM








File:Altneuland.jpg


ALTNEULAND

de

THEODOR HERZL
2ème Episode
 


Résigné, Löwenberg se décide à suivre un certain N.O.Body, pseudonyme derrière lequel se cache, Kingscourt, un allemand originaire de Prusse qui a fait fortune aux Etats-Unis et qui, las du comportement des hommes, a choisi de vivre retiré du monde au coeur d'une île du Pacifique.

Après vingt années de rupture avec la monde, le yacht de Kingscourt se retrouve en Mer rouge.

Nous sommes en 1923 et les deux amis, Kingscourt et Löwenberg sont curieux de découvrir ce que l'Europe est devenue. Bien sûr, au moment où Herzl écrit son roman, il n'est pas question d'une guerre mondiale.

A Port-Saïd, ils sont surpris d'apprendre que les bateaux ne passent plus vraiment à travers le canal de Suez. Comment les trajets entre l'Europe et l'Asie se faisaient-ils alors ?

Un capitaine de navire allemand leur en donne la clé: le trafic entre l'Europe et l'Asie empruntait depuis une nouvelle voie : la Palestine.

Incrédules, ils précisent : Nous sommes partis depuis longtemps. Nous avons connu la Palestine comme un pays désert.

Le capitaine leur répond en riant : – Un pays désert ?... Vous trouverez à Haifa et à Jaffa les navires les plus rapides pour rejoindre les ports européens ou américains.

Kingscourt demande alors à Löwenberg : Qu'en pensez-vous ? Ne devrions nous pas visiter une nouvelle fois le pays de vos aïeux ?



Nous sommes au printemps 1923, et à peine aperçoit-il la terre d'Israel depuis le navire que Löwenberg s'exclame : Un miracle s'est produit !

Vingt ans après leur première visite, vingt ans après avoir quitté l'Europe dévorée par la judéophobie, les deux hommes découvrent une toute autre réalité.

À peine descendus de leur bateau, les yeux ébahis, et la mine un peu empruntée, ils sont abordés par un homme qui les a observé avec une curiosité similaire :

Êtes-vous le Docteur Friedrich Löwenberg ?

Stupéfait qu'on puisse connaître son nom, ou même encore s'en souvenir, ce dernier acquiesce avant de demander: Mais qui êtes-vous ?

–  Sans doute ne vous souvenez vous plus de moi. Je suis David Littwak, répond l'inconnu.

–  Le garçon qui se tenait devant le café Birkenreis ?

–  Oui, celui que vous avez sauvé de la misère avec ses parents et sa soeur.

David Littwak, le gamin de Vienne qui était parvenu à demander au serveur du café Birkenreis que le Dr Löwenberg était décédé en montagne, et qui, depuis, chaque années, respectait la Jahrzeit avec sa famille.

Commence alors une découverte de la ville moderne d'Haifa, faite d'étonnement renouvellée et de sincère admiration : la place des peuples, au nom évocateur, les palmiers, l'éclairage public électrique, les bâtiments, les voitures, les trams, tout attise la curiosité des deux voyageurs, fixant la foule à se mêlait des hommes du monde entier, des Arabes, des Perses, des Chinois, des Européens.

Tout à coup, Löwenberg reconnaît Schiffmann, présent lui aussi en terre d'Israel, comme « beaucoup d'autres Juifs de toutes les villes et de tous les pays ».



Löwenberg ne peut alors s'empêcher de demander comment cela a-t-il pu être possible ?

Schiffmann lui rappelle alors:

Les persécutions étaient sociales et économiques. Les magasins boycottés, les ouvriers affamés, les Juifs proscrits des professions libérales, sans parler des brimades et des souffrances morales qu'un Juif éduqué devait supporter au tournant du siècle. La judéophobie s'était répandue tant avec des nouveaux alibis qu'en se parant des plus anciens. Les progroms reprirent, et en même temps, on disait aussi que les Juifs empoisonnait la presse – comme au Moyen-Âge on les accusait d'empoisonner les puits –. Haïs par les ouvriers, qui leur reprochaient de prendre leur travail, quand ils étaient ouvriers, exploiteur et profiteur quand ils étaient patrons. Riches ou pauvres, ils étaient haïs de la même façon. Ils furent exclus des emplois publics. Partout dans le pays, ils étaient persécutés. Dans pareilles circonstances, il était clair qu'ils devenaient les ennemis d'une société pétrie d'injustice. En arrivant ici, nous nous sommes sauvés.



En quelques phrases, Herzl dresse de façon saisissante le portrait de la société mitteleuropéenne de la fin du 19e siècle, et anticipe l'accentuation de cette haine antijuive dont le national-socialisme sera l'expression la plus cruelle et la plus meurtrière.

Ce que nous révèle Altneuland dans la pensée de Herzl, c'est qu'il attribue au mouvement sioniste, non pas le principe du retour en terre d'Israel, que la tâche urgente d'assurer la survie du peuple juif. Mais pas seulement. Et c'est bien sur ce point que l'auteur se distingue d'un pur idéologue.

Sur notre terre, qui nous est chère, nous avons reconstruit une nouvelle société.

C'est la terre de nos pères.

Si l'hostilité européenne envers les Juifs lui semble définitive, il considère pour autant la renaissance culturelle du peuple juif sur sa terre serait à même de contribuer à forger une nouvelle identité. Reprenant en cela les thématiques de la régénération développée à la fin du 18e siècle, il envisage le projet sioniste comme un projet à valeur humaniste et universel. C'est un nouveau modèle de société qu'il aspire de ses voeux et qui est en mesure de lever les nationalismes.

Un paradoxe, sans doute, puisque le sionisme est une restauration nationale, mais il illustre cet appel à la fraternité à travers différents personnages comme Reshid Bey, arabe de Haifa et ami de David.

Son père a tout de suite compris l'intérêt d'une immigration juive. Il a participé à notre développement économique et il est devenu riche. Du reste, Rashid est aussi un membre à part entière de notre nouvelle société.



David Littwak incarne à lui seul cette mutation : le garçon misérable, subissant la conditio judaicad'Europe centrale dans toute sa dureté, est devenu un pionnier instruit, ouvert, dévoué à l'accomplissement de cette renaissance du peuple juif sur sa terre. Marié à Sarah et père d'un petit garçon, il a émigré d'Europe avec ses parents et sa soeur qui enseigne désormais le français et l'anglais dans un établissement pour jeunes filles.

Une situation qui n'aurait pas été possible ni même simplement concevable en Europe.

Commence alors la découverte du fonctionnement de la nouvelle société, fondée sur l'ouverture et le travail. Quiconque y est admis dès lors qu'il participe à l'amélioration de cette société.

La conception économique qui prévaut est celle d'une économie de marché associée à une structure coopérative. La terre est propriété de la nouvelle société, allouée aux membres pour une durée de 49 ans afin de prévenir la paupérisation et la spéculation foncière, selon le principe bien connu de l'année jubilaire.

Associant ingénieurs et paysans, chercheurs et ouvriers, cette société qui fait écho de façon remarquable à la société israélienne contemporaine, est fondée sur l'éducation et la santé, ainsi que la liberté de pensée et de presse.

L'intuition de Herzl réside précisément dans le fait que le renouveau juif est en lui-même porteur de valeurs et d'action, et que le sionisme ne pourrait jamais réussir une telle entreprise en n'étant fondé que sur une réaction à l'antisémitisme.

Et c'est là dans ce roman que s'exprime avec le plus d'enthousiasme le sionisme de Herzl.


3ème épisode lundi prochain

 

Par Aschkel
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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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