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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 14:06




Seconde Partie de notre série d'entretiens exclusifs avec  Jean-Jacques CECILE, expert des Forces Spéciales et du Renseignement Militaire, auteur de 9 ouvrages sur la question, dont, récemment :

 




2nde Partie d'entretiens :


De la Chute du Mur à l'après- 11 septembre :


Pour suivre le premier volet de ces discussions, se reporter à : http://lessakele.over-blog.fr/article-36814049.html


Lessakel : En quoi la chute du Mur a-t-elle brouillé les cartes ? Est-ce que l’on peut distinguer la persistance de fondamentaux ?

 

J.J.C : La comparaison qui suit résume à quel point l’univers des militaires a été bouleversé : il fallait auparavant se préparer à combattre des divisions blindées déferlant depuis l’Oural en direction de Brest tandis que maintenant, il s’agit de courtiser ou d’interpeller, selon le cas, un meneur de bande ex-yougoslave, un leader terroriste, un chef de cellule confectionnant des engins explosifs improvisés, un adolescent déboussolé chauffé à blanc par les prêches de haine qui se répandent sur Internet, un paysan le jour qui devient subitement talib la nuit en ramassant la Kalachnikov hâtivement dissimulée dans un fourré et j’en passe et des meilleures. Espions et analystes se sont retrouvés dans l’obligation de s’adapter.


Par exemple, après que les spécialistes de la Military Intelligence américaine opérant en Irak aient constaté que les structures des cellules terroristes présentaient des analogies avec les gangs opérant dans les rues des villes aux Etats-Unis, ils se sont mis à utiliser des logiciels conçus au profit des policiers afin de résoudre les affaires criminelles ; ce sont des policemen réservistes effectuant une période d’activité entre le Tigre et l’Euphrate qui ont apporté ces outils dans leurs bagages.


A contrario, lorsque les divisions soviétiques campaient à quelques centaines de kilomètres de Strasbourg, les policiers, malgré leur bonne volonté et toute leur expérience, ne nous auraient été d’aucun secours pour arrêter un déferlement de blindaille. Malgré un bouleversement de cette ampleur, on peut bien entendu toujours distinguer des fondamentaux. Le premier qui me vient à l’esprit est relatif au renseignement d’origine humaine : dès lors qu’il s’agit de manipuler quelqu’un pour l’amener à trahir son pays ou sa cause, on en revient toujours à l’acronyme MICE pour monnaie, idéologie, chantage, ego. Eh oui, même si son environnement est en évolution rapide et constante, l’homme, lui, n’a pas fondamentalement changé. Ses aspirations se déclinent toujours de la même façon.

 

L. : Enoncer que le 11 septembre a été un événement crucial est un truisme. En quoi ce que les Américains ont appelé la GWOT (« Global War On Terrorism ») a-t-il contraint les Etats ainsi que les forces spéciales à réviser leurs stratégies, tactiques, techniques et procédures (TTP) pour répondre aux nouvelles menaces ?

 

J.J.C : Permettez-moi de revenir un instant sur la formulation de votre question pour en discuter deux points essentiels. Tout d’abord, les forces spéciales n’ont pas de stratégie d’emploi. Situé à la charnière entre le politique et le militaire, le niveau stratégique se définit comme la conduite des opérations sur plusieurs théâtres. Il est donc plus approprié de dire que les forces spéciales remplissent le rôle qui est le leur au sein d’une stratégie impliquant l’ensemble des forces armées.


Par ailleurs, et c’est là le deuxième point, l’expression « nouvelles menaces » est médiatiquement sexy mais lorsque l’on y réfléchit, les menaces en question n’ont rien de nouvelles. Al-Qaeda et Ben Laden étaient connus bien avant le 11 septembre 2001. La possibilité d’utiliser des avions pour les précipiter sur des bâtiments était elle aussi beaucoup plus qu’une hypothèse d’école : si le GIGN n’était pas intervenu à Marignane en décembre 1994, il y tout lieu de croire que les terroristes du GIA auraient crashé l’Airbus détourné sur la Tour Eiffel.


Quant aux taliban, la Central Intelligence Agency les connaissait très bien puisqu’il c’est elle qui avait financé leur création par l’intermédiaire de l’ISI pakistanais au milieu des années 90. Le but était de disposer d’un Afghanistan certes sous le joug talib mais stabilisé afin d’y faire passer des oléoducs. Malheureusement, ce beau plan a tourné court lorsque les taliban ont décidé de prendre leurs distances vis-à-vis d’Islamabad. Je ne vois donc pas vraiment ce que ces menaces ont de « nouvelles ». Quant à la révision des TTP propres aux opérations spéciales, elle n’a pas vraiment eu lieu après le 11 septembre 2001.


Tout ce que les forces spéciales ont eu à faire en Afghanistan et en Irak, elles savaient déjà le faire ou peu s’en faut. Au contraire : lorsque les premiers A-Teams de Bérets verts ont posé le pied en terre afghane, les généraux américains ont eu la surprise de constater que la structure de cette « brique de base » était parfaitement adaptée à la situation. Tout juste s’est-on contenté de rajouter un spécialiste de guidage aérien et un radio supplémentaire pour assurer le coup. Non, la véritable fracture dans le domaine des tactiques, techniques et procédures en ce qui concerne tant les forces spéciales que le renseignement militaire a été consécutive à la fin de le Guerre froide, pas au 11 septembre 2001. Par exemple, au niveau des TTP, quelle différence il y a-t-il entre appréhender un criminel de guerre en ex-Yougoslavie et appréhender le leader d’une cellule terroriste en Irak ?


L’évolution du 13e RDP est symptomatique à ce sujet : les structures de l’unité ont été adaptées au milieu des années 90, pas après 2001. Le cas des pays ayant appartenu au Pacte de Varsovie, puis ayant ensuite intégré le Partenariat pour la Paix voire l’OTAN fournit un autre exemple à l’appui du constat. En fait, le véritable problème des forces spéciales occidentales et tout particulièrement chez les Américains et chez les Britanniques, consécutivement à l’écroulement des tours du World Trade Center et du Pentagone a relevé du domaine capacitaire. D’où une politique d’augmentation des effectifs difficilement implémentée sous la pression que les sociétés militaires privées ont fait peser sur les responsables de la gestion des ressources humaines. Ces mêmes SMP qui ont trouvé dans le déficit capacitaire des forces armées occidentales un espace commercial à leur mesure…

 

L. : Vous avez évoqué l’utilisation par les militaires de logiciels conçus à l’origine au profit des policiers. Pouvez-vous nous donner d’autres exemples d’évolution dans le domaine du renseignement militaire ?

 

J.J.C : Oublions un instant, si vous le voulez bien, à quel point des événements de rupture tels que la chute du Mur bouleversent les certitudes et arrêtons-nous sur le rôle analogue joué par l’évolution sans cesse accélérée des technologies. Prenons le cas des drones aériens. Pendant la Guerre du Golfe en 1990/1991, les engins utilisés par les forces armées américaines sont primitifs, les images sont enregistrées sur des bandes vidéo, la dissémination se limitant au transport physique de celles-ci. Parfois en pure perte, les unités destinataires étant tout simplement démunies de magnétoscope. Aujourd’hui, les MQ-1 Predator et MQ-9 Reaper de l’Oncle Sam opérant au-dessus de l’Irak sont pilotés en temps quasi-réel par des spécialistes de l’US Air Force travaillant dans des shelters bénéficiant de l’air conditionné et implantés sur la base aérienne de Creech, non loin de Las Vegas. Distance entre les deux : un peu plus de 12 000 kilomètres. Toutes les informations, dans un sens comme dans l’autre, transitent par voies satellitaires. Et tout fantassin muni d’un ordinateur portable correctement équipé peut prétendre recevoir les images prises par les drones tactiques orbitant au-dessus de son unité d’appartenance. Malgré cela, il faut être conscient qu’en ce domaine, nous n’en sommes qu’à la préhistoire.

 

L. : Revenons aux forces spéciales. Lorsqu’il y a coopération entre un ou plusieurs Etats, toutes les tactiques, techniques et procédures sont-elles concernées ? Est-ce qu’il y a des choses que l’on accepte d’échanger tandis que d’autres sont jalousement gardées secrètes ?

 

J.J.C : La coopération tourne parfois en eau de boudin. Il y a un exemple que je cite souvent. Au début des années 80, à l’occasion d’une des deux manœuvres annuelles majeures dénommées Eugénie qui se tenait en l’occurrence dans le Limousin, le 13e RDP avait invité des équipes du SAS. Deux de ces équipes ont purement et simplement disparu. L’une d’elles a été retrouvée par la Gendarmerie en train de photographier sous toutes les coutures le plateau d’Albion qui était à l’époque le repaire des missiles nucléaires français sol-sol de l’armée de l’Air. Voilà les inconvénients auxquels une coopération trop étroite est susceptible d’aboutir.


Autant dire que la plupart du temps, les actions de coopérations ne s’effectuent que sur la base du plus petit dénominateur commun. Les forces spéciales britanniques mettent parfois à profit les installations de l’Ecole des troupes aéroportées, à Pau, pour former leurs chuteurs. A ma connaissance, les soldats français qui ont été admis à fréquenter Hereford ne l’ont été  que pour participer au stage SERE (survie, évasion et résistance aux interrogatoires).


En général, plus l’audience s’élargit, plus les échanges ont tendance à se rapprocher du minimum requis. En juin dernier, l’International Special Training Center, une école pour forces spéciales administrée par l’OTAN et implantée à Pfüllendorf, en République Fédérale d’Allemagne, a fêté ses trente ans d’existence. Neuf nations sont parties prenantes : Belgique, Danemark, Etats-Unis, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, République Fédérale d’Allemagne et Turquie. Cette affluence fait que les domaines abordés se limitent au niveau tactique ; cela reste relativement succinct et banal : reconnaissance profonde, médecine du champ de bataille, combat à très courte distance (Close Quarters Battle), tir de précision, survie, planification et identification.


Il y a par ailleurs certains « clubs » ou certaines amitiés particulières. SAS et 1st Special Forces Operational Detachment-Delta (la « Delta Force ») américain entretiennent ainsi des liens très resserrés. SAS australien, SAS britannique et SAS néo-zélandais constituent parallèlement une sorte de club partageant une culture ainsi qu’une histoire commune en matière de forces spéciales, cela favorise les synergies.

 

L. : Monsieur Jean-Jacques CECILE, merci encore et à bientôt!

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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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