D’une théologie de la substitution à une politique de la substitution, les conflits entre christianisme et judaïsme et entre Israël et monde arabe naissent les uns et les autres de la position d’antériorité du judaïsme et d’Israël.
Devant se référer au judaïsme ou à Israël pour déclarer leur identité, christianisme et palestiniens ont commencé par choisir la voie de la substitution.
Affirmer son existence au prix de la disparition de l’autre semble être un passage obligé d’une identité en constitution.
Le christianisme ne peut ni se construire ni s’établir sans admettre que:
Qu’il appelle les juifs « ancêtres » ou « frères aînés »(1), il n’en reste pas moins qu’il est obligé d’établir son identité par rapport au judaïsme.
Il naît de cette constatation incontournable que le christianisme a besoin du judaïsme pour élaborer sa doctrine en cohérence avec ses dogmes principaux: Jésus est l’incarnation du Dieu de la Bible juive, du Dieu Créateur, il ne peut l’être que parce qu’il est le messie annoncé par les prophètes juifs et qu’il s’inscrit dans le cadre de l’histoire du peuple juif.
Sans judaïsme, sans les juifs, Jésus n’existe pas.
Un peuple juif vivant, après que le christianisme ait évangélisé l’Occident est comme un démenti de la réalisation de la promesse messianique par Jésus. Le peuple dont il est issu ne saurait ne pas croire en lui !
Face à ce paradoxe gênant, l’Eglise ne trouve que le mythe du Juif errant qui vient se greffer sur l’accusation de déicide pour justifier la pérennité du peuple juif.
Ce mythe se régénère au fil des siècles, et s’accompagne de dénigrement, d’expulsions, de massacres et de conversions forcées.
Impuissante à expliquer le refus du judaïsme à accepter Jésus dans le cadre de ses dogmes, l’Eglise s’enferme dans l’enseignement du mépris, le revers de la médaille « verus Israël » évoqué au fronton des cathédrales par la synagogue aux yeux bandés.
Ainsi pendant 2000 ans, l’Eglise reste historiquement et théologiquement lié au judaïsme tout en favorisant en toute époque l’antisémitisme.
De son côté, le judaïsme ignore superbement Jésus, dont il n’a nul besoin pour exister.
Il a fallut la Shoah pour que le christianisme s’interroge sur une place différente du judaïsme au sein de sa théologie, une place qui ne conduise plus à l’enseignement du mépris.
L’idée simple que le christianisme n’existe pas sans le judaïsme, alors que le judaïsme existe sans le christianisme est une remise en question douloureuse, l’Eglise a commencé à l’entamer avec Vatican II.
L’islam est aussi l’héritier du judaïsme, mais il a choisi une stratégie moins violente que celle du christianisme en terme d’exactions et de confrontation avec les juifs (même s’il ne s’agit pas de les minimiser, en particulier les massacres du Prophète).
Par une ré-appropriation de l’histoire juive non pas à partir de l’époque de Mahomet, mais carrément à partir d’Abraham, l’islam a évité de se trouver confronté au paradoxe de la pérennité du peuple juif après la révélation du Coran.
Ainsi les grandes figures du judaïsme ont été récupérées par l’islam qui reconnaît sa filiation avec celles-ci, mais pas avec le peuple juif qui les aurait trahies. L’islam échappe alors à l’écueil d’un peuple juif qui aurait eu pour seul pêché de ne pas reconnaître le fondateur de la nouvelle religion (comme pour Jésus). Celui-ci a tout simplement renié depuis des temps immémoriaux les enseignements de ses prophètes. Autre variante d’une théologie de la substitution qui évite la confrontation directe.
Mohamed n’est pas plus nécessaire au peuple juif que Jésus, mais au moins n’est il pas une figure qui a trahi son peuple et perverti son enseignement. Pour l’islam, l’existence du peuple juif ne pose pas problème, pas plus que celui des chrétiens qui lui sont également antérieurs. Le statut de dhimmi (2) suffira à régler la place des uns et des autres dans la société.
Il semblerait donc que le monde de l’islam ait évité d’avoir à se confronter au problème de son origine, ce qui expliquerait que, sans idéaliser le moins du monde la réalité, les juifs ont vécu dans un univers moins hostile en milieu musulman qu’en occident chrétien.
Pourtant, aujourd’hui, les peuples arabo-musulmans qui semblaient avoir échappés à la difficulté d’avoir à se créer une identité par rapport au judaïsme sont tombés par le biais du combat politique dans les mêmes travers que le Christianisme.
Au couple judaïsme-christianisme, ce n’est pas judaïsme-islam qu’il faut opposer, mais le couple sionistes-palestiniens.
Ce que l’islam a évité sur le plan religieux ressort sur un plan politique :
Comme le judaïsme est la doctrine du peuple juif sur le plan religieux, le sionisme est l’expression de la volonté politique de ce peuple.
Le sionisme ne se détermine pas par rapport à d’autres peuples, d’autres volontés politiques, mais exprime le désir pour le peuple juif de vivre sur une partie de sa terre ancestrale au rythme du calendrier et des rites juifs et selon ses traditions.
Le sionisme existe de façon intrinsèque, de manière indépendante de toutes autres expressions nationales. Il ne se rapporte qu’aux juifs. Il ne fait référence à aucun autre peuple. Il est auto-suffisant. Comme le Judaïsme.
De son côté, le peuple palestinien n’est que l’émanation tardive de revendications multiformes autant arabes que musulmanes, qui, dans son expression actuelle, est une fabrication ad hoc :
Ce peuple ne se construit pas de façon autonome, mais uniquement en réaction à l’existence de l’Etat sioniste.
C’est tellement vrai que jamais les palestiniens ne réclament le territoire correspondant à la Palestine ottomane, ou à la Palestine mandataire, mais seulement celui qui correspond à Israël.
Le peuple palestinien n’existe QUE parce qu’Israël existe.
Comme pour le christianisme on se retrouve devant le même paradoxe:
Les palestiniens n’ont d’existence que par rapport à Israël.
S’il n’y avait pas eu Israël, il n’y aurait jamais eu qu’une grande Syrie de Damas à Gaza en passant par Beyrouth.
A moins qu’il y ait eu un grand royaume de Jordanie de Amman à Jaffa.
Israël dans son essence, ne se préoccupe pas de l’existence de ses voisins qui peuvent avoir le régime et les frontières qu’ils veulent.
Sans Israël pas de palestiniens, sans palestiniens Israël existe.
C’est donc bien la même problématique qui se retrouve à la fois à l’origine de l’antisémitisme chrétien et dans la confrontation sionisme-palestiniens.
Depuis 40 ans, les palestiniens ne se déterminent qu’en fonction d’un seul objectif: la destruction de l’Etat d’Israël.
Leur Charte constitutive mentionne explicitement cet objectif comme prioritaire.
Les discours palestiniens sont tout entiers tournés vers cet unique accomplissement.
La constitution de la société chrétienne s’est faite en éliminant les non-chrétiens au lieu de construire une véritable société basée sur les enseignements de l’Evangile, de la même façon, les palestiniens construisent leur nation par la volonté de se débarrasser d’Israël, au lieu de se consacrer à l’établissement d’une société démocratique soucieuse du bien-être de ses citoyens.
Comme si le bien-être des palestiniens ne pouvait passer QUE par l’élimination d’Israël.
Quel que soit le bout de Terre sur laquelle les palestiniens auront la souveraineté à l’issue des négociations de paix, il faudra qu’ils considèrent que c’est là leur Terre, et leur seule Terre. Il faudra qu’ils construisent leur société sans avoir pour seule motivation l’élimination ultérieure d’Israël.
Instrumentalisée par les mouvements nationalistes arabes, puis par les mouvements islamistes, la politique de substitution des palestiniens est aujourd’hui entrée dans l’inconscient des foules musulmanes.
Espérons qu’il ne faudra pas 2000 ans aux palestiniens pour comprendre, comme le christianisme, qu’ils leur incombent de se créer une identité qui ne soit pas bâtie sur la disparition d’Israël.
Il n’y aura pas de Paix sans cette prise de conscience.
©Adam HaRishon 2013
(1) appellation favorisée par Jean-Paul II en référence à l’échec des ainés dans la Genèse.
(2) http://www.veroniquechemla.info/2012/03/lexil-au-maghreb-la-condition-juive.html