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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 14:12

 

 

MEMRI Middle East Media Research Institute

Enquête et analyse n° 663

 

Chronique d´un échec annoncé : le soulèvement égyptien ou la volonté des classes moyennes de prendre part au pouvoir

 

Par Y. Carmon, T. Kuper et H. Migron*

 

Introduction

 

En janvier 2011, les populations du Moyen-Orient ont entamé la marche vers l´obtention d´une partie du pouvoir et des ressources de leurs pays, après avoir été, pendant des siècles, mises à l´écart par les diverses oligarchies régnantes.

 

Le soulèvement, qui a d´abord éclaté en Tunisie, s´est propagé en Egypte. Toutefois, comme en Europe, la campagne contre l´hégémonie totale de l´élite au pouvoir ne pourra se faire qu´en plusieurs étapes, avec ses crises et ses revers. Cette première étape, le soulèvement en Egypte, ne sera pas sans succès, mais se soldera au bout du compte par un échec, en ce que l´establishment militaire égyptien conservera sa mainmise sur le pouvoir et les ressources du pays. (1)

 

La situation en Egypte peut être considérée comme un microcosme du processus de changement qui intervient dans l´ensemble du monde arabe, les manifestations égyptiennes étant moins un appel à la démocratie et à la liberté qu´une tentative d´accéder au pouvoir par une classe moyenne privée de droits.

 

Les facteurs déclenchants et la cause sous-jacente du soulèvement égyptien

 

La vague de protestations en Egypte a été déclenchée par trois facteurs :

 

1)    Une détérioration de la situation économique générale, résultat de l´augmentation, à l´échelle mondiale, des prix de l´alimentaire (ce facteur, essentiel en Egypte, le fut encore plus en Tunisie)

2)    L´exclusion totale des partis d´opposition du parlement égyptien à la suite des dernières élections où le parti au pouvoir (PND) s´est accaparé 460 sièges, alors que l´opposition (pas seulement les Frères musulmans, mais tous les partis d´opposition) n´ont obtenu aucune représentation.

3)    Les manifestations en Tunisie, qui ont donné aux Egyptiens un exemple de soulèvement réussi

 

Un examen de la situation révèle toutefois l´existence de motivations sous-jacentes : ce soulèvement est e fait une tentative populaire pour ravir le pouvoir aux oligarchies militaires qui règnent sur l´Egypte et contrôlent ses ressources depuis des siècles.

 

A partir du Moyen-âge, l´Egypte est dominée par les oligarchies et dynasties militaires des Mamelouks. Au XIXème siècle, le gouverneur d´Egypte Méhémet-Ali, nommé par les Ottomans, remplace l´élite des Mamelouks et établit sa propre dynastie, qui domine le pays jusqu´au XXème siècle, exerçant le pouvoir même sous l´occupation britannique. Cette dynastie est renversée en 1952 par la Révolution des officiers libres, qui met en place sa propre oligarchie, en établissant une infrastructure mêlant le militaire et le civil. Cette oligarchie domine le pays et exerce un cont rôle total sur ses ressources jusqu´à ce jour.

 

Une classe moyenne émerge toutefois au fil des ans ; elle n´est pas présente dans les centres de pouvoir du pays et n´a aucune mainmise sur ses ressources. Aujourd´hui, cette classe moyenne est essentiellement constituée de jeunes gens, chômeurs pour beaucoup, ayant de faibles perspectives d´avenir, mais qui ont été scolarisés et connaissent le monde démocratique, notamment grâce à la révolution de l´information et des communications modernes.

 

Au vu des circonstances, ce soulèvement était, tôt ou tard, inéluctable.

 

Un échec annoncé

 

L´échec du soulèvement égyptien est, toutefois, lui aussi inévitable. Trois facteurs empêcheront sa réussite :

 

En premier lieu, la population se rebelle contre un establishment militaire uni et tout-puissant, qui contrôle tous les centres de pouvoir et les richesses du pays. En outre, son image auprès de la population est celle du "défenseur de la patrie" et ses vétérans sont considérés comme des héros de guerre. Les jeunes, pour la plupart, ne perçoivent même pas que le véritable adversaire n´est autre que l´armée, laquelle a placé la police en première ligne lors des affrontements avec les manifestants, s´octroyant ainsi l´image d´une armée solidaire du peuple.

 

Deuxièmement, les manifestants n´ont pas de véritables leaders. Si les événements avaient suivi un cours naturel, des leaders auraient peu à peu émergé de la classe moyenne et se seraient fait la main par d´éreintantes batailles contre la dictature du régime. Cependant, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, ainsi qu´à Al-Jazeera, qui a joué un rôle essentiel dans le soulèvement, les masses opprimées ont pu "sauter une étape", franchissant directement le pas vers la révolution. Ce n´est donc que maintenant, en plein soulèvement, que la population s´efforce de se trouver des leaders.

 

Certes, les adversaires du régime essaient de sauter dans le train en marche. Ils ne sont toutefois pas représentatifs des manifestants et ne font que saboter la révolution en se déclarant disposés à négocier avec le régime. Ceci est notamment vrai des Frères musulmans, qui cherchent à obtenir la légitimation qui leur a été refusée pendant des décennies. Il convient de noter que cette tentative de légitimation a été encouragée par les Etats-Unis, qui exercent des pressions sur le régime égyptien pour qu´il discute avec toutes les forces de l´opposition, y compris les "non-laïques".

 

Troisièmement, le soulèvement égyptien est voué à l´échec pour des raisons économiques et pratiques, vu qu´il est impossible pour une population de 80 millions de personnes de vivre dans l´interruption de toute activité économique pour une longue période de temps.

 

Les réussites attendues de cette phase initiale du soulèvement

 

Bien qu vouée à l´échec par rapport à ses objectifs déclarés (la destitution immédiate de Moubarak et la chute du régime), la phase initiale de ce soulèvement ne sera pas sans succès. Il est déjà évident que l´Egypte va connaître une plus grande liberté d´information et de manifestation ; on peut en outre s´attendre à des amendements constitutionnels et à une abrogation partielle de la loi d´urgence. A l´avenir, les élections conduiront à une meilleure représentation de l´opposition au parlement. Le président Hosni Moubarak ne se représentera pas ; il est même possible qu´il démissionne avant la fin de son mandat et ne sera pas en mesure de transmettre la présidence à son fils Gamal.

 

Mais malgré ces changements, un élément demeurera stable : l´hégémonie de l´élite militaire. Ceux qui pourraient être appelés "les vrais fils de Moubarak" – Omar Suleiman, Ahmad Shafiq, Sami Anan, Hussein Tantawi et plusieurs autres généraux représentant l´establishment militaire – demeureront au pouvoir et conserveront leur emprise sur l´Egypte et ses ressources. L´échec de la révolution ne pourra que conduire à de violents éclatements de la part des manifestants frustrés, mais l´establishment militaire saura comment traiter avec ses adversaires issus de la société civile – en recourant à des moyens démocratiques ou pas tout à fait démocratiques. Jusqu´au prochain soulèvement.

 

* Y. Carmon est président du MEMRI ; T. Kuper et H. Migron sont chargées de recherche au MEMRI.

 

(1) On peut considérer que la vague actuelle de manifestations n´est pas la première phase de la révolte dans la région, mais que les Intifadas palestiniennes contre l´occupation israélienne, en 1988 et 2000, ont amorcé le mouvement de révolte. Outre les attentats perpétrés par des organisations palestiniennes armées, le peuple a largement participé à la résistance contre l´armée israélienne. S´il est vrai qu´il s´agissait là d´une lutte pour la libération nationale, cela n´en a pas moins été une lutte pour l´hégémonie et les ressources contre le pouvoir israélien. Ces Intifadas ont contrait Israël à des concessions politiques ; Israël a toutefois conservé son hégémonie.

 

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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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