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19/02/2010
20/02/10
[C’est avec raison que l’association France Israël a mis en ligne, sous le titre "La campagne mondiale de diabolisation est une véritable guerre qui menace Israël", la chronique radiophonique de Claude Weill-Raynal, qui se fait l’écho d’un rapport récent du Reout Institute, de Tel Aviv. Il m’a paru utile de mettre en ligne, ci-après, une première traduction française du résumé de cette étude, non encore disponible en anglais. On se reportera également avec profit à l’article de Amir Mizroch, sur un sujet connexe, "Les inquiétudes d’Israël face à une intense guerre juridique" (7 juillet 2009).]
Sur cette thématique brûlante, voir les articles que j’ai rassemblés sur mon site, dans la rubrique "Délégitimation d’Israël".
Sur le site du Reout Institute
Texte original anglais : "The Delegitimization Challenge: Creating a Political Firewall", 14 février 2010
Traduction française : Menahem Macina pour debriefing.org
Ce rapport analyse et l’érosion du statut diplomatique d’Israël au cours de ces dernières années, lequel a atteint son apogée avec la publication du rapport Goldstone, et propose une réponse conceptuelle. Cette attaque a une signification stratégique, et peut devenir une menace existentielle mondiale en l’espace de quelques années.
Résumé analytique
1. Durant l’année écoulée, Israël a été la cible d’une sévère critique mondiale, qui a atteint son apogée avec la publication du rapport Goldstone qui a enquêté sur l’opération « Coulée de plomb ». L’érosion de la position diplomatique d’Israël, à la suite de ce rapport, est devenue, en certains endroits, un cri de nature à miner son droit à exister.
2. L’institut Reout voit un lien direct entre ces événements récents et les résultats de la Deuxième Guerre du Liban et de l’opération « Coulée de plomb ». Nous croyons que les déceptions militaires et politiques récentes reflètent une crise dans la doctrine de sécurité nationale d’Israël. Il y a deux moteurs principaux des attaques contre la légitimité d’Israël. Le Réseau de Résistance - qui agit sur la base de l’idéologie islamiste et compte en son sein l’Iran, le Hezbollah et le Hamas -, et le Réseau de Délégitimation - qui agit dans l’arène internationale afin de dénier à Israël le droit d’exister, et qui compte en son sein des individus et des organisations du monde occidental, instrumentalisés par la gauche radicale.
3. La conséquence de cette infériorité stratégique est qu’Israël n’a pas de réponse efficace au défi auquel il fait face. Il est donc probable qu’il continuera à subir des revers dans ses tentatives de s’assurer un statut d’Etat juif démocratique.
4. La diplomatie d’Israël et sa stratégie de politique étrangère exigent une action urgente pour combattre le défi auquel est confrontée sa légitimité. Les conséquences de l’infériorité stratégique actuelle d’Israël se traduisent par l’espace réduit dont dispose l’Etat juif pour déployer sa force militaire, par l’ingérence internationale accrue dans les affaires intérieures israéliennes, et par l’utilisation de la "compétence universelle" des tribunaux pour agir à l’encontre des officiels israéliens.
5. L’institut Reout affirme que l’érosion de la position internationale d’Israël résulte de la confluence de deux processus parallèles :
a) Le Réseau de Résistance, qui milite pour la « stratégie d’implosion », dont l’objectif est de hâter l’effondrement interne d’Israël par une politique de "surextension" : Pour y parvenir, le Réseau de Résistance accroît le fardeau de l’"Occupation", délégitime Israël, et développe une doctrine d’usage asymétrique de la force, en portant le combat sur le front arrière d’Israël. Ces groupes s’inspirent de l’effondrement de l’ex-Union Soviétique et de l’Afrique du Sud de l’apartheid.
b) Le Réseau de Délégitimation, qui vise à faire d’Israël un Etat paria en minant sa légitimité morale dans l’espoir d’une élimination finale de l’"entité sioniste".
6. La confluence de ces deux processus tire son origine et se nourrit du piège dans lequel Israël est englué dans l’arène palestinienne :
a) Le Réseau de Résistance recourt à des moyens militaires pour saboter toute initiative ayant pour but la séparation entre Israël et les Palestiniens, ou la réussite de la solution de deux Etats.
b) Le Réseau de Délégitimation flétrit la réputation d’Israël, l’empêche de se défendre contre des attaques militaires, et favorise la solution d’un "Etat unique".
7. Cette attaque contre le modèle politique et économique d’Israël est efficace ; il a une signification stratégique, et il peut devenir une menace existentielle mondiale en quelques années.
8. Un signe avant-coureur d’une telle menace serait l’effondrement de la solution de deux Etats en tant que cadre consensuel pour résoudre le conflit israélo-palestinien, et le ralliement à la solution d’un "état unique" comme nouveau système alternatif.
9. Il n’y a aucune preuve que la stratégie mentionnée ci-dessus se soit traduite en objectif, en délais, et en étapes importantes. D’ailleurs, il y a une grande divergence de vues entre les deux groupes et à l’intérieur de chacun d’eux. Toutefois, l’institut Reout distingue un système d’idées qui a beaucoup évolué, mûri et est parvenu à une lucidité et une consistance internes.
10. Simultanément, les hypothèses de travail sur lesquelles repose la sécurité d’Israël, et sa doctrine de politique étrangère, sont demeurées plus ou moins inchangées depuis 1947-48. On considère que la seule menace existentielle à laquelle fait face le pays est militaire, et que l’establishment sécuritaire constitue le mécanisme fondamental de réponse. Les budgets sont répartis en conséquence.
11. Le Réseau de Résistance et le Réseau de Délégitimation instrumentalisent la question palestinienne au profit de leurs objectifs. Cependant, la création d’un Etat palestinien et la "fin du conflit" ne mettraient pas un terme à leur activité, et on s’attend à ce qu’ils fusionnent autour d’une nouvelle question "pendante".
12. L’institut Reout prétend que la question des citoyens arabes d’Israël peut devenir la prochaine question "pendante", à l’ordre du jour de ces groupes. En fait, le Réseau de Résistance a déjà essayé de mobiliser cette communauté, quoique avec un succès très mitigé.
13. Tandis que dans les sphères de la politique formelle, la position diplomatique d’Israël demeure relativement stable, la menace qui mine sa légitimité provient d’un réseau d’ONG de par le monde, dont le rôle à l’échelle mondiale est de plus en plus influent. Israël n’a pas de réponse à cette menace, que ce soit au niveau conceptuel, organisationnel, ou en matière de la budgétisation.
L’establishment de politique étrangère agit sans "propriétaire" : il n’est prévu aucune responsabilité claire susceptible de traiter les questions centrales de politique étrangère, et donc aucune politique claire. En outre, l’establishment de politique étrangère est organisé par régions géographiques, il est conçu pour agir en fonction des pays, et n’a pas la capacité de mener une campagne mondiale. Finalement, en dépit du changement impressionnant des menaces auxquelles Israël est confronté, il n’y a eu aucun changement crucial de l’étendue des ressources.
Options politiques
14. La doctrine sécuritaire d’Israël doit garantir des "Victoires Synchronisées" sur nombre de fronts simultanément : militaire, politico-diplomatique, front arrière et médias. Puisque ces fronts sont liés dans de nombreux contextes, ils devraient être considérés comme un tout.
15. La menace décrite ci-dessus peut s’avérer de nature existentielle. Il est impératif de la traiter en tant que telle : Israël doit faire fond sur la communauté du Renseignement, développer un nouveau savoir, utiliser tous les organismes appropriés, et créer une stratégie adéquate.
16. Il faut un réseau pour combattre un réseau - afin de faire face au Réseau de Delégitimation, Israël doit agir selon une logique adaptée au fonctionnement d’un réseau:
a) D’une part, Israël doit détecter les pôles mondiaux de délégitimation (tels que Londres, Toronto, Madrid, et la région de San Francisco), et centrer ses efforts sur eux. Dans ce contexte, Israël devrait saboter les catalyseurs de réseau et enfoncer un coin entre les éléments qui le composent, principalement entre les critiques softs de la politique israélienne et ceux qui délégitiment son existence.
b) D’autre part, Israël doit cultiver son propre réseau sur la base de l’establishment diplomatique et en s’appuyant sur un réseau d’"ambassadeurs informels", consistant en individus et Organisations Non Gouvernementales (ONG). Israël doit donner du pouvoir à ces catalyseurs et atteler ces ONG à contrecarrer les ONG qui promeuvent sa délégitimation. De plus, le département international de la Histadrout devrait être revigoré.
17. Image de marque d’Israël - La perception d’Israël comme un pays violent qui viole le droit international permet aux forces de délégitimation de dépeindre le pays comme un Etat ségrégationniste et paria. Restaurer l’image de marque d’Israël peut procurer des bénéfices stratégiques qui amélioreront sa capacité à faire passer son message et à réduire l’aptitude du Réseau de Délégitimation à réaliser ses buts. Dans ce contexte, l’importance de l’aide internationale devrait être soulignée (en plus, bien sûr, de son évidente valeur morale).
18. Une diplomatie basée sur les relations avec des élites et des personnalités d’influence – Un obstacle efficace à la délégitimation est un réseau de relations personnelles. Travaillant à l’intérieur de pôles identifiés, Israël devrait aspirer à entretenir des milliers de liens personnels avec des élites politiques, financières, culturelles, médiatiques, ayant des accointances avec les milieux de la sécurité et des personnes d’influence.
19. Utilisation des communautés juives et israéliennes de Diaspora - Il existe un nombre important d’Israéliens à l’étranger, tels des universitaires, des hommes d’affaires et des étudiants. Ces communautés devraient être impliquées dans la cause d’Israël avant qu’elles entament leurs activités internationales. De plus, Israël devrait investir de manière concertée dans les communautés juives, sans considérer leur engagement comme acquis.
20. Relever le défi de la délégitimation requiert une réorganisation de l’establishment de politique étrangère. Il est clair que les impressionnantes demandes actuelles de budget augmentent en raison de l’émergence de nouveaux besoins (Souhaits de Budget). Il est également capital de procéder à une vaste réforme au sein du ministère des Affaires étrangères, ainsi qu’au sein des organes de l’establishment de politique étrangère, en termes de recrutement, de gestion, de culture et de déploiement de ressources humaines.
Le rapport circonstancié sera disponible dans les prochains jours.
[On peut consulter le texte hébreu intégral (en pdf) de ce rapport : "Etgar ha-delegitimatsiah shel Israel – Yetsirat homat esh medinit".]