REFLEXION : LE PRINTEMPS DES PEUPLES FACE A LA LEGITIMITE DU POUVOIR POLITIQUE. LE COUPLE INFERNAL DICTATURE-RADICALISME RELIGIEUX S’ABOLIRA DÉFINITIVEMENT POUR LE PLUS GRAND BIEN DE TOUS
Par Samuel Nathan
Rubrique: Culture et tradition
Publié le 23 mars 2011
Depuis le mois de février avec la révolution tunisienne jusqu’aux tout derniers développements de l’affaire libyenne, ce qu’il est convenu d’appeler « le printemps des peuples arabes » pose avec une particulière acuité le problème de la légitimité du pouvoir dans un pays et invite à une réflexion élargie sur les événements de ces dernières semaines.
D’après le « Dictionnaire alphabétique et analogique de la Langue Française » de Paul Robert, est légitime, (du latin legitimus, de lex, legis, « loi »), ce « qui est fondé en droit, en équité ». Et la définition d’ajouter : « Légitime évoque l’idée d’un droit fondé sur la justice et l’équité, droit supérieur que le droit positif peut contredire. Dans ce cas, légitime, synonyme de « juste », s’oppose à légal. »
Au regard de cette définition, seules une monarchie constitutionnelle de type britannique ou espagnol ou une démocratie à la française inspirée par la notion rousseauiste de contrat social et articulée autour de la pratique de la séparation des pouvoirs et d’élections libres sont des régimes à proprement parler légitimes.
Une légitimité politique se construit et s’établit en effet autour d’un consensus complexe entre un peuple et son gouvernement au sein desquels entrent en ligne de compte des dispositions législatives et juridiques, des considérations politiques et économiques mais aussi une dimension historique, culturelle et religieuse qui forgent l’âme et la sensibilité d’une nation autour de quelques grandes valeurs morales ou spirituelles sur lesquelles personne ne transige et qui permettent d’affronter les problèmes du présent.
Lorsqu’un peuple est convaincu, par son éducation, de la nécessité de construire ou de préserver et d’entretenir un cadre législatif et juridique destiné à la sauvegarde du bien commun et de l’intégrité de tous et de chacun selon des principes de justice et d’équité, il choisit démocratiquement, à intervalles réguliers, des représentants au mandat forcément limité pour gérer les affaires du pays qui jouissent alors de la pleine légitimité populaire.
En revanche, lorsqu’un ou plusieurs individus, au mépris ou en l’absence de tout cadre législatif et juridique, s’arroge le pouvoir par la force ou institue après une transition généralement très brève un régime autoritaire ou dictatorial, le peuple n’est pas éduqué, les élites ne sont pas formées, les pouvoirs ne sont pas séparés, les masses méprisées, spoliées et privées de perspectives d’avenir ne sont jamais représentées et l’exécutif toujours corrompu et jamais renouvelé par des élections libres s’impose durant des décennies par l’arbitraire et la terreur. De tels dirigeants – qui évacuent de fait toute idée de droit fondée sur la justice et l’équité – ne jouissent d’aucune légitimité populaire.
C’est exactement le cas, avec bien sûr des variantes locales, des pays qui sont et auront été au cours de ces dernières semaines, et désormais pour l’Histoire, les fers de lance de l’insurrection contre des régimes autoritaires, dictatoriaux, autoproclamés, injustes, corrompus, irrespectueux des Droits de l’Homme et dont les dirigeants instrumentalisaient leurs peuples au lieu de les servir.
Faut-il l’avouer, depuis le temps que cette situation durait, d’aucuns en Occident, par l’effet d’un curieux fatalisme d’importation, avaient fini par s’y habituer et inclinaient dangereusement à penser que, décidément, les Droits de l’Homme, par ailleurs si vilipendés dans la pratique comme dans l’esprit, n’étaient après tout qu’un bricolage idéologique d’Européens exigeants et gâtés qui ne pouvaient pas convenir à certains pays d’Afrique et d’Orient. Pourtant, les plus lucides d’entre eux, parce qu’ils souffrent dans leur âme et pour leurs frères du fanatisme religieux émanant de masses manipulées dont ils sont les boucs-émissaires, se disaient en leur for intérieur que de telles situations ne pourraient pas durer éternellement.
Et tout d’abord parce que les différences de civilisation, qui avaient fini par faire douter certains, ne viennent jamais à bout, comme l’a montré ce printemps 2011, de cette grande et belle Nature Humaine, une et indivisible dans ses aspirations à la liberté, au bonheur et au respect. De plus, les flux migratoires, la multiplication des voyages, la possibilité de faire des études à l’étranger et d’obtenir des diplômes, l’évolution exponentielle des moyens de communication permettent une diffusion rapide des images et des informations, une comparaison criante des modes de vie et une envie impérieuse, de la part de masses souvent très jeunes, de secouer les jougs ancestraux, de refuser les frustrations, d’élargir le champ des possibles et de s’inventer un avenir meilleur. Au cours de ces trente ou quarante dernières années, on a vu des populations entières quitter, parfois fuir, leurs pays d’origine et on se disait bien qu’un choc en retour, dû à la prise de conscience d’un différentiel énorme relatif notamment aux niveaux de vie et à la jouissance des libertés fondamentales entre le nord et les pays du sud ne manquerait pas tôt ou tard de toucher ces derniers.
C’est ce qui vient d’avoir lieu par le jeu d’une double contamination, l’une lente, tellurique, produit de la conjugaison d’une infinie souffrance intérieure et d’une puissante fascination extérieure telle que décrite ci-dessus et l’autre fulgurante, irrépressible et enivrante, joyeuse et violente, de proche en proche et de pays en pays, certes prévisible mais dont le déclenchement ne fut prévu par personne. Le vieil Hugo, par la bouche de ses pauvres gens aurait dit : « C’est l’affaire du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds. »
L’avenir, pétri de grandes espérances mais aussi d’incertitudes et d’angoisses est loin d’être scellé pour tous les peuples de la région et il suscite de multiples interrogations. Il réserve sans nul doute de belles avancées dans de nombreux domaines, mais aussi, comme pour toute révolution, des atermoiements voire des reculs. Il est cependant intéressant de remarquer qu’en dehors du fait de demander le départ du dictateur et des mesures concrètes destinées à améliorer leur vie quotidienne, les peuples en lutte rédigent et votent de nouvelles lois qui garantiront la légitimité de leur vie publique et individuelle.
Enfin, last but not least, il est peut-être permis d’espérer qu’avec la chute des régimes autoritaires et corrompus et avec une amélioration progressive du niveau de vie des populations, le couple infernal dictature- radicalisme religieux s’abolira définitivement pour le plus grand bien des nations et pour la paix du monde.
Samuel Nathan