Diplomate, ancien ambassadeur d’Israël et écrivain, Freddy Eytan est un fin analyste des relations entre la France et Israël. Depuis 2005, il dirige le Centre des Affaires Publiques et de l’Etat de Jérusalem (Cape). Il nous livre ses observations au lendemain de l’élection de François Hollande.

Le P’tit Hebdo / JSSNews : Que vous inspire l’élection de François Hollande ?
Freddy Eytan : Il va de soi que dans les milieux diplomatiques israéliens, il aurait été préférable que Nicolas Sarkozy soit réélu.
Lph : Pourquoi ?
F.E : Il avait réussi avec sagesse à ne pas conditionner les relations bilatérales entre la France et Israël à des avancées dans le processus de paix. Sa politique pragmatique a permis d’entretenir de bonnes relations entre les deux pays. Elle a fait ses preuves dans des domaines fondamentaux tels que l’Iran ou le combat contre le terrorisme international.
Je ne crois pas que François Hollande continuera sur la voie que Nicolas Sarkozy a initiée.
Inscrivez-vous à la newsletter de JSSNews
Lph : Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?
F.E : François Hollande a déjà annoncé qu’il mènerait une politique étrangère beaucoup moins solidaire des pays occidentaux. Preuve en est sa décision de retirer les troupes françaises d’Afghanistan. Par ailleurs, pour des raisons économiques pures, la France pourrait redevenir un marchand de canons : du pétrole contre des armes.
Lph : On parle de Laurent Fabius au Quai d’Orsay. Qu’en pensez-vous ?
F.E : Laurent Fabius est un ami d’Israël. En 1988, alors qu’il était premier ministre, il a reçu son homologue israélien, Shimon Peres. En fait, les gouvernements de gauche en France ne se sont jamais entendus avec les gouvernements de droite en Israël. Netanyahu ayant toutes les chances d’être reconduit en septembre, il y aura inévitablement des incompatibilités avec le gouvernement français.
Par ailleurs, François Hollande n’étant pas expérimenté en politique étrangère, c’est le Quai d’Orsay qui jouera le rôle principal.
Lph : Comment voyez-vous la politique française au Proche-Orient dans les prochaines années ?
F.E : Il n’y aura pas de changement fondamental dans la politique. Je pense, en revanche, que le climat, les priorités, le ton ne seront plus les mêmes. Les Socialistes feront tout pour faire avancer la création d’un Etat palestinien, ils auront une démarche beaucoup moins tournée vers la sécurité et les intérêts d’Israël. Le programme du Parti Socialiste formule des demandes très inquiétantes pour Israël : Jérusalem, capitale du futur Etat palestinien; arrêt de la »colonisation » et positionnement d’une force internationale dans la vallée du Jourdain.
Poussés par l’extrême-gauche, ils pourraient même, je le crains, reconnaître le Hamas. On a vu de quoi cette partie de l’échiquier politique était capable : flottille, envoi de personnalités anarchistes, etc.
Lph : Vous êtes plutôt pessimiste ?
F.E : Je dirais réaliste. Il faut aussi être conscient que la France ne jouira apparemment plus de l’influence qu’elle avait jusqu’à maintenant, ni au Proche-Orient, ni en Europe d’ailleurs où Merkel et Cameron ont affiché leur soutien à Sarkozy pendant la campagne.
La politique française s’annonce très mesurée, plus repliée sur les problèmes internes et fortement dépendante de ses intérêts économiques.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay – Le P’tit Hebdo –