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Autant le Canard Enchaîné sert avec la maestria d’un chef étoilé les derniers cancanages, babillages et pipelettages de la buvette de l’assemblée ou des alcôves de la République, autant ses analyses moyen-orientales sentent le réchauffé et le complot en boîte. Question de culture d’entreprise peut-être. Il paraît que chaque fois qu’une porte claque au Canard, la rédaction sursaute: “ciel mon Mossad!”. 

Plus sérieusement, dans sa dernière livraison (**), le palmipède se met en chasse d’un bon scoop. Au menu le virus Stuxnet et l’explosion de l’usine de missiles en Iran. Enfin, se dit-on un travail journalistique fouillé va nous éclairer sur deux bien grands mystères de l’actualité récente. Foin des égarements de blogueurs, des déraillements télévisuels, place à la presse d’investigation.

Malheureusement, le Canard fidèle à son habitude, sort les rations de combat et l’ouvre-boîte.  Passons sur la date de péremption car  Stuxnet a défrayé la chronique fin septembre et tout ce qui était communicable semble avoir été dit.  Voyons tout de même ce que nous sert maitre Canard. Verbatim : «après une première attaque en juin, quelque 30 000 ordinateurs iraniens en fonction dans les sites industriels et nucléaires, la plupart équipés de logiciels Siemens, sont tombés en rideau le 25 septembre dernier. Tous victimes d’un virus baptisé Stuxnet”.

Et là on reste bouche bée face à l’ampleur de la révélation. Des milliers d’ordinateurs commandant les centrales iraniennes sont tombés en rideau s’il vous plaît le même jour (on ne révèle pas l’heure et la minute car le canard sait protéger ses sources). Et on se dit là, chapeau, celui qui a fait cela, ce n’est vraiment pas un amateur. Bingo, car le Canard, fine plume, enchaîne : “une opération que n’ont pu mener des amateurs même très experts en virus”.  

Nom d’un petit bonhomme,  se dit-on, qui donc peut-il bien être derrière pareil exploit ? Mais le Canard poursuit : “plus perfide encore, trois explosions ont endommagé le 12 octobre, une usine enterrée dans les monts de Zagros” situés en Iran. Et là bien sûr c’est le déclic, le virus, les centrales iraniennes, l’usine d’armement enterrée…Bon sang mais c’est bien sûr. Et le Canard fanfaronne “à l’Etat Major des armées le doute n’est guère de mise: une action plus que plausible des Israéliens”. 

Alors là si c’est l’Etat Major qui le dit, circulez simples mortels et puis « plus que plausible », ça en impose franchement. C’est archi-signé qu’on vous dit. Et si vous ne lisez pas les romans à frissons, on vous souffle le nom du coupable: c’est le Mosssad (ciel!) et mieux encore pauvres  profanes, c’est le « Komemiut » (prononcer Komemiout) la branche action. Alors là,  si l’on est debout on s’assied. Komemiout, on ne sait pas très bien ce que c’est, ni d’où ça sort, mais le côté Komintern, Khomeiny, et  puis un zeste de iout qui fait un peu parapluie bulgare. Franchement terrifiant. On ne veut pas en savoir plus, c’est vrai, cela foutrait presque les chocottes ce truc: si tu ne manges pas ta soupe, j’appelle Komemiout.

Bon reprenons. Les faits maintenant. Le virus “Stuxnet” est un cheval de Troie en circulation depuis 2009. Il a été découvert en juin par une petite société d’antivirus paragouvernementale biélorusse qui travaille avec l’Iran. Presque tous les pays du monde dont les USA ont été touchés, avec une proportion élevée d’infections mesurée  en Iran, Inde, Indonésie qui ne sont pas des modèles (surtout l’Iran) en protection antivirus. Il n’y a pas eu d’attaques et encore moins de pannes synchronisées le 25 septembre. Ni avant, ni après cette date d’ailleurs, pour la bonne raison que le seul dégât que peut commettre le “virus” est de dérégler un processus industriel donné, très ciblé, en fonction d’un code de programmation précis, de préférence connu à l’avance.  Aucun expert sérieux au monde ne valide aujourd’hui la thèse ciblée spécifiquement sur l’Iran. Aucun expert ne peut dire non plus quel système industriel en particulier était visé.

 Rien de concret ne permet d’établir que l’infrastructure nucléaire iranienne a été touchée et les seules supputations concernent Natanz et portent sur une baisse éventuelle de production mesurée l’an dernier sur la fois d’un document wikileaks. Les 30 000 ordinateurs dont parle le Canard sont des ordinateurs situés en Iran sans aucun lien pour la plupart avec quoi que ce soit de stratégique. Ils ont été contaminés par Stuxnet comme des millions d’ordinateurs dans le monde.

Bref tout l’argument du Canard est du grand, du très grand n’importe quoi. On est étonné d’ailleurs que les experts ne tombent pas sur le Canard pour lui clouer le bec, tant le mur du çon est cette fois pulvérisé.  On reviendra  juste un instant sur l’affaire de l’usine souterraine pour souligner l’indigence des arguments: les éléments de preuve se résumant à “plus que plausible” et plus loin “avec sans doute une forte assistance des services américains” ben voyons, les américains ne sont jamais bien loin.

Ce nouveau dérapage du Canard prêterait à sourire, s’il ne s’inscrivait dans une petite campagne de déstabilisation qui dure depuis des années et vise à peu près tout ce que la France compte d’alliés hors Europe. Au premier plan desquels: les Etats-Unis et Israël.

(*) L’agence de Presse iranienne « Fars News » fait figure de modèle de rigueur journalistique en comparaison de notre hebdo satirique national, l’homonymie est donc totalement fortuite.

(**) Canard Enchaîné du 27 octobre 2010, p. 3 “Sabotages barbouzards en Iran”.

 

DB.

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