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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 19:10

Iran, la confrontation

 

Par Aldo-Michel Mungo

Analyste en géostratégie

Directeur de la rédaction du magazine militaire Carnets de Vol

 

Négociations ou sanctions, et si rien ne fonctionne, l'option de dernier recours, celle de frappes aériennes contre les installations nucléaires et militaires iraniennes, est toujours à l'étude au Pentagone, en Israël et au Shape. Il y a trois mois, une réunion dont rien n'a filtré s'est tenue à Paris entre les chefs d'Etat-major des armées américaine, israélienne et française, et ce n’était certainement pas pour évoquer la culture des bégonias.

 

Deux options sont évoquées. Un raid unique avec une frappe ciblée, à l'instar du bombardement israélien sur la centrale irakienne d’Osirak, en 1981, mais qui ne ferait que retarder de quelques années le programme nucléaire iranien, pour autant qu’elle atteigne ses objectifs. Ou une campagne aérienne lourde et longue destinée à détruire complètement le potentiel iranien.

Autre solution : que la communauté internationale se résigne à vivre avec un Iran nucléaire. Le danger serait alors de voir d'autres pays de la région se lancer dans la course à l’arme atomique. «La possession de l'arme nucléaire par l'Iran serait le coup d'envoi de la prolifération nucléaire dans l'ensemble de la région», prévient Frédéric Tellier, spécialiste de l'Iran à l'International Crisis Group.

L'atome a un pouvoir égalisateur, il permet au faible de jouer dans la cour du fort. C'est la raison pour laquelle, l'Iran souhaite s'en doter.

Certains prétendent que les Iraniens n'emploieront jamais la bombe. Mais, face aux Pasdaran et aux Bassidji qui hurlent leur haine de l'Occident, et alors que la faction messianique au pouvoir est omniprésente, ceux qui parient sur la dissuasion le font à nos risques et périls. Et c'est faire fi de la conséquence d'un Iran nucléaire : l’effondrement du système de non-prolifération.

Il n’y a qu’une chose plus dangereuse qu’une confrontation militaire avec l’Iran, c’est l’Iran disposant de l’arme atomique.

Festina lente, hâte-toi lentement, disait l’empereur Auguste. L’état actuel de l’Amérique ne permet pas ce luxe au président Obama. S’il n’agit pas rapidement, il sera bientôt trop tard.

Pour le Moyen-Orient et pour le monde entier.

Mais que faire maintenant qu’il est clair que la négociation ne fonctionne pas ?

L'heure tourne, les centrifugeuses aussi.

Que va-t-il se passer ? Personne n'est en mesure de le dire. Une chose est certaine, nous sommes arrivés à un carrefour où tout reste possible. La Paix ou la Guerre. C'est ce que les Grecs anciens appelaient le Kairos : le moment de vérité, lorsque le temps se densifie et que chacun doit choisir une voie et renoncer aux autres.

Etat des lieux et des options.

 

Le programme nucléaire iranien

 

Les ambitions nucléaires de l’Iran créent l’inquiétude depuis plusieurs années. Si le programme civil a une histoire quasiment ouverte, son pendant militaire est l’objet de toutes les interrogations.

Le programme civil est lancé avec la coopération des États-Unis dans les années ‘50, peu après l’Opération Ajax qui dépose le premier ministre Mossadegh, le régime apparait suffisamment amical envers l'Occident pour que la prolifération nucléaire ne devienne une menace. En 1959, est créé le Centre de Recherche National de Téhéran (CRNT), géré par l’Organisation de l’Énergie Atomique d’Iran (OEAI) dans le cadre du programme Atoms for Peace. Un premier réacteur de recherche fourni par Washington, d'une puissance de 5 MW, fonctionne au CRNT dès 1967 à des fins de recherche avec de l'uranium hautement enrichi ; il est alimenté d’abord par les USA, ensuite par la France et l’Argentine.

Le Shah Mohammed Reza Pahlavi acquiert très vite de grandes ambitions concernant le développement de l’atome, puisqu’il vise le nombre de 23 centrales de 1.000MW à l’horizon de l’an 2000 et la volonté de faire de l’Iran la quatrième puissance économique et militaire de la planète. Le Shah assure que le seul but du programme est de développer une capacité de production d’électricité, l’Iran possédant d’importants gisements de minerais d’uranium. En 1968, l’Iran signe le TNP (Traité de Non Prolifération) et, en 1975, les Allemands de Siemens remportent le projet de construction de la première centrale nucléaire à Bouchehr sur le Golfe Persique, soit deux réacteurs à eau pressurisée d’une puissance d’un peu plus d’un gigawatt. En 1974, la part suédoise de 10 % dans Eurodif (European Gaseous Diffusion Uranium Enrichissement Consortium) revient à l'Iran à la suite d'un accord franco-iranien qui prévoit la vente par la France de cinq centrales américaines sous licence Framatome; l'approvisionnement de l'Iran en uranium enrichi ; la construction d'un centre nucléaire comportant trois réacteurs de recherche; l'exploitation en commun des gisements d'uranium découverts en Iran; la formation des scientifiques iraniens, ainsi que l'accès de l'Iran à l'industrie d'enrichissement de l'uranium. Parallèlement, les deux pays créent la Sofidif (Société franco-iranienne pour l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse) qui doit opérer une usine d’enrichissement basée en France. En retour, la Sofidif acquiert une part de 25 %  dans Eurodif, ce qui donne à l'Iran une minorité de blocage dans cette dernière. Le reste des 75% étant répartis entre la France (27,8%) et trois actionnaires minoritaires (l'Italie, l'Espagne et la Belgique). Le Shah prête un milliard de dollars US pour la construction de l'usine Eurodif au Tricastin, afin d'avoir le droit d'acheter 10 % de la production d'uranium enrichi du site. Cette usine d'enrichissement est absolument indispensable pour alimenter les 58 réacteurs nucléaires que la France va construire et que ses autres partenaires vont également mettre en service dans les années suivantes.

En 1976, le Shah et le président Gérald Ford signent un accord pour la livraison d’une usine de retraitement permettant l’extraction du plutonium dans le combustible nucléaire usagé. L'accord permet à l'Iran de parvenir à maîtriser le cycle complet de l'atome. Très vite le Shah ne cache plus qu’il s’agit pour lui d'acquérir la bombe atomique et simultanément le statut de grande puissance. Les USA, bienveillants jusque là, changent d'avis et aident, avec la France, la révolution islamique à renverser le régime en soutenant activement l’Ayatollah Khomeiny que très opportunément Saddam Hussein a expulsé d’Irak.

La révolution de 1979 met un coup d’arrêt provisoire au programme, qu’il s’agisse de la construction de Bouchehr, de l’acquisition de combustible ou de capacités de retraitement: le Guide Suprême, Khomeiny est hostile à l’énergie nucléaire, ce que ses amis de circonstance savaient. Il rompt tous les contrats de fourniture de centrales nucléaires, suspend les paiements et réclame le remboursement du prêt d’un milliard de dollars à Eurodif.

Les Occidentaux, USA, France et Allemagne (Siemens se retire du chantier de Bouchehr en 1979, alors que le projet est inachevé), reviennent sur leurs engagements et refusent d’honorer leurs obligations. Les alliés sont devenus ennemis. S’ensuit durant plus de dix ans la pire campagne terroriste que l’Occident ai connu, avec en toile de fond la récupération par l’Iran des remboursements et indemnités qu’elle réclame, ce qui sera normalisé en 1991/1992. A ce jour, l'Iran est toujours actionnaire d’Eurodif. Selon les termes de l'accord de 1991, l'Iran n'a aucun droit à enlever de l'uranium enrichi, ni accès aux technologies nucléaires. Seuls les gains financiers de sa part dans le consortium lui reviennent. Mais, en raison de la Résolution 1737 du Conseil de sécurité de 2006 qui gèle les avoirs de l'Organisation Iranienne à l'Energie Atomique, les fonds dus sont actuellement bloqués ; une cagnotte pour le prochain régime iranien.

La guerre Irak-Iran de 1980 à 1988 joue également le rôle de facteur bloquant pour le programme nucléaire, Bouchehr étant bombardé par l’aviation de Saddam Hussein.

La mort de Khomeiny en 1989 marque un regain de volonté perse. Les Iraniens s’adressent aux Russes car l’embargo les empêche de solliciter à nouveau Siemens. En 1995, un accord prévoyant la reconstruction d’un réacteur (sur les deux initiaux) à eau pressurisée d’un gigawatt à Bouchehr est signé pour un montant d’environ 1 milliard de dollars. Une somme non négligeable pour la Russie de Boris Eltsine et pour son économie chancelante. Mais les Russes vont devoir effectuer la transformation sans aucun document technique ni plan directeur, car les Allemands ne les ont pas fournis aux Iraniens dans les années ‘70. Devant initialement se terminer en 2000, le projet est cependant marqué par des problèmes techniques, (incompatibilité des infrastructures originelles de Siemens et du réacteur russe, transfert de compétences vers les Iraniens…) mais surtout géopolitiques. La Russie, qui ne veut pas se mettre à dos les Américains et les Européens inquiets de voir l’Iran développer en parallèle des capacités militaires, ralentit les travaux. Pour apaiser la situation, Vladimir Poutine impose que le réacteur utilise de l'uranium enrichi importé de Russie et que cette dernière récupère le combustible usagé pour garantir qu'il ne sera pas retraité en plutonium. Une mesure visant à ôter à Téhéran toute justification pour enrichir lui-même son uranium. D’année en année l’annonce de la mise en route de la centrale est reportée, alors que la Russie a commencé ses livraisons d'uranium à l'Iran en 2007, Bouchehr devrait finalement être mise en service en mars 2010. La Russie affirme que la centrale ne peut être détournée de son usage civil car elle sera placée sous supervision de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA). Mais cela n'éliminerait pas tout risque de détournement, car le combustible irradié passerait plusieurs années à refroidir dans des piscines, avant de quitter le pays. En outre, comme la Russie contrôle mal les matériaux et les techniques nucléaires, la circulation d'équipements et de techniciens augmente le risque que l'Iran ne se procure du plutonium. De plus, le projet de Bushehr donne à l'Iran des raisons légitimes de poursuivre les recherches et des formations dans le domaine du nucléaire, ce qui lui permet de mieux dissimuler un programme militaire.

 

La filière militaire

 

Au-delà des suspicions de la communauté internationale et des provocations à répétition des dirigeants iraniens, y a-t-il un programme militaire caché derrière son pendant civil ? Les installations d’enrichissement d’uranium et de retraitement que l’Iran a longtemps dissimulées et dont la finalité reste largement opaque, sont-elles utilisées pour servir à la fabrication d’une bombe ? En bref, l’Iran cherche-t-il à se doter de l’arme nucléaire ?

En 1984, face à l’armée de Saddam Hussein mieux équipée et préparée, Khomeiny change d’avis sur le nucléaire. D’autant que depuis 1974, la France aide l’Irak à maitriser le cycle nucléaire. Si Saddam Hussein n'a pas réussi à fabriquer de bombes atomiques, ce n'est pas faute d’avoir essayer. Mais, au début des années ‘80, personne ne sait s’il va réussir ou échouer.

En 1983, un accord de coopération est signé entre l’Iran et l’Argentine qui vient d’abandonner son projet de se doter de l’arme nucléaire, mais qui garde une excellente connaissance de la technologie. L’Argentine fournit l’uranium hautement enrichi nécessaire au réacteur de recherche de Téhéran.

Mais à l’époque, le plus court chemin pour se doter d’un programme militaire est de solliciter le Pakistan du général Zia et du fameux Abdul Qadeer Khan. Alors que Les Iraniens se demandent si la centrale de Bouchehr pourrait être utilisée pour produire du plutonium en plus de celui récupéré sur le réacteur de recherche, Khan les persuade de s’engager sur la voie de l’uranium hautement enrichi. Un accord de coopération est signé en 1987, et ce malgré les rivalités régionales entre les deux états. Du côté iranien, les Pasdaran (Gardiens de la Révolution) mènent la danse, alors que chez les Pakistanais, Khan et son réseau international sont au cœur du programme, assurant la fourniture des plans de centrifugeuses et des composants nécessaires à la fabrication de plusieurs milliers d’entre elles. Il semble bien que Khan soit allé au-delà du mandat officiel que lui avait accordé Zia, soucieux de ne pas trop en faire pour l’Iran.

Après la mort de ce dernier en 1988, Benazir Bhutto, premier ministre, refuse aux militaires pakistanais l’autorisation d’exporter des technologies sensibles vers la Perse. Ils vont dès lors agir de leur propre chef, d’autant qu’en face, le nouveau président iranien, Rafsandjani est très favorable au programme. Nommé en 1990, le successeur de Bhutto, Nawaz Sharif, est lui aussi réticent au partenariat étendu qu’essaient de lui vendre les militaires, c’est la fin de la première phase de coopération entre Iran et Pakistan sur le nucléaire militaire.

La défaite de l'Irak, en 1991 à l’issue de Desert Storm, finit de convaincre le gouvernement iranien que le pays ne peut compter sur ses seules forces conventionnelles pour dissuader une intervention des Occidentaux dans la région du Golfe : les armes nucléaires permettraient d'éviter les ingérences Occidentales et, aussi, de lutter contre des ennemis plus proches. La deuxième guerre contre l’Irak, en 2003, finira de convaincre les dirigeants iraniens qu’il leur faut l’arme totale, d’autant qu’à ce moment là naît un véritable complexe d’encerclement, suite à l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak par l’Amérique et ses alliés.

En 1991, Téhéran achète à la société belge Ion Beam Applications un cyclotron pour son Centre de médecine nucléaire de Karaj. Dès cette époque les services de renseignements s’interrogent sur la possibilité que l'Iran lance un programme de recherche sur l'enrichissement de l'uranium. Karaj dispose également d'un petit calutron fourni par la Chine. Aucun de ces accélérateurs ne peut produire des quantités militaires d'uranium très enrichi, mais tous deux peuvent servir à la recherche et à la formation en matière de séparation d'isotopes.

Mais au début des années ‘90, l’Iran a du mal à avancer dans son programme d’enrichissement, malgré une coopération avec la Chine et une tentative avortée avec la Russie: approvisionnement problématique en pièces détachées et difficultés techniques s’accumulent.

En 1991, le président argentin Carlos Menem, sous pression de Washington, met fin unilatéralement à la coopération nucléaire irano-argentine, entamé en 1983. Néanmoins, l'Argentine continue à fournir de l'uranium enrichi à l'Iran, qui attend 1996 avant de déclarer qu'il prendra des mesures pour rupture de contrat, ce qui se concrétisera par des attentats.

Le contact est rétabli avec la filière pakistanaise, mais rapidement, en raison de la guerre civile en Afghanistan, les relations entre l’Iran, qui s’est tourné sans succès vers l’Afrique du Sud, et le Pakistan se tendent. Cette fois, le réseau de Khan agit de manière autonome et fournit des centrifugeuses et le  plan d’une arme. Le  programme militaire iranien prend son envol.

Mais dès la fin des années ’90, sous la présidence Clinton, les Etats-Unis prennent très au sérieux la menace d’un Iran militairement nucléarisé. Dans son ouvrage State of War, James Risen mentionne une opération clandestine de la CIA dénommée Merlin qui vise en 2000 à tromper l’Iran et retarder son programme militaire en lui fournissant les plans erronés d’une ogive. Cependant, l’opération est un échec, les Iraniens sont informés des erreurs volontaires par un intermédiaire russe. Merlin aurait même accéléré les choses car l’Iran en aurait extrait des informations capitales, notamment en comparant les plans à ceux fournis par Abdul Qadeer Khan.

D’autres opérations indirectes de ce genre (sabotages, fausses informations…) visant à ralentir le programme ou à l’égarer dans de fausses directions, ont été menées depuis, notamment grâce au retournement de certains membres du réseau Khan.

En 2002, des photos satellites révèlent l’existence de l’usine d’enrichissement de Natanz (centre du pays), dont une partie est enterrée, et de la centrale à eau lourde d’Arak (sud-ouest de Téhéran), dont la mise en service doit intervenir entre 2011 et 2013.

L’Iran a donc utilisé Bouchehr comme «honey pot» pour attirer et focaliser l’attention en disposant d’installations nettement plus sensibles et dangereuses ailleurs.

Le jeu du chat et de la souris autour de l’enrichissement commence dès cette époque.

Les techniques d'enrichissement telles que la centrifugation ne servent pas uniquement à la fabrication d'armes; elles peuvent également produire du combustible pour des réacteurs nucléaires. Cependant, tant d'uranium enrichi est disponible sur le marché mondial, à la suite du recyclage des ogives déclassées par la Russie et les USA dans le cadre des accords Salt et Start, que l'on comprend mal pourquoi l'Iran veut produire lui-même le combustible de ses futures centrales. Le développement d'une telle capacité d'enrichissement est extrêmement coûteux pour un pays non industrialisé qui, de surcroît, possède un des principaux gisements de gaz naturel du monde.

L'Iran justifie son site d’enrichissement de Natanz par le projet de construire une centrale de 360 mégawatts à Darkhovin, dans la province du Khuzestan (sud-ouest), qui fonctionnerait avec du combustible produit dans le pays et qui possède des mines d’uranium. Cette deuxième centrale est présentée comme de conception totalement nationale sans aide extérieure et dont les travaux doivent commencer en 2012 pour se terminer en 2017. Une gageure et un bluff.

Il n’en reste pas moins que la seule centrale nucléaire destinée à la production d’électricité est celle de Bouchehr toujours pas en service et alimentée par du combustible russe. Se pose la question de savoir à quelles fins les Iraniens tiennent-ils tellement à enrichir de l’uranium dont ils n’ont aucun usage.

En février 2003, l’AIEA visite les installations de Natanz et découvre des particules d’uranium hautement enrichi, les soupçons d’un programme militaire secret se confirment.

En 2004, l’Iran met en service l'usine de conversion d' Esfahan (centre de l'Iran) qui permet de transformer du Yellowcake (poudre de minerai d'uranium concentré) en tétrafluorure puis en hexafluorure d'uranium (UF4 et UF6). La même année l’Iran échappe aux sanctions en acceptant de cesser ses activités d’enrichissement.

L’ancien Pasdaran, Mahmoud Ahmadinejad arrive au pouvoir en 2005 et annonce la reprise des activités d’enrichissement en dénonçant l’injustice des propositions des puissances européennes. Toujours en 2005, pour justifier l’existence de la filière d’enrichissement, le parlement iranien ratifie la proposition de loi sur la construction de 20 centrales nucléaires d'une puissance globale de 20.000 MW. Un coup de bluff supplémentaire pour un pays incapable de financer et de concevoir une industrie de raffinage du pétrole alors qu’il en est le quatrième producteur.

La tension connaît une apogée en 2006 lorsque la Russie se joint aux autres membres du Conseil de Sécurité pour voter des sanctions dures contre l’Iran d’Ahmadinejad. La même année, l'ISIS (Institute for Science and International Security) publie une série de photos satellites des installations nucléaires iraniennes. Ces photos montrent un nouveau tunnel d'entrée dans l'installation de conversion d'uranium à Esfahan, et une construction contigüe au site d'enrichissement de Natanz. L’ISIS vient de révéler de façon encore plus nette la réalité du programme nucléaire militaire iranien: la situation se tend donc à nouveau. De plus, les images, comparées avec celles de 2002 montrent que les bâtiments sont progressivement couverts par de la terre et du béton. Les Iraniens s’enterrent. Les différents centres nucléaires sont par précaution dispersés dans le pays et situés près de régions à forte densité de population pour rendre plus délicat d’éventuels bombardements.

Vont suivre trois années de longues et fastidieuses discussions et plusieurs résolutions du Conseil de Sécurité qui exigent l’arrêt de l’enrichissement. Mais rien n’avance et l’Iran joue la montre en installant chaque mois de nouvelles centrifugeuses à Natanz.

Pour calmer le jeu à la fin 2007, le gouvernement iranien annonce qu’il va lancer un appel d'offres (un de plus) pour la construction de 19 centrales nucléaires de 1.000 MW. Car tout le monde pose la même question : s’il n’y a pas de programme militaire clandestin, à quoi sert d’enrichir de l’uranium quand on ne possède pas de centrale de production d’électricité ?

Toujours pas de preuves formelles d’un programme secret, mais des incertitudes qui reposent sur des découvertes «étonnantes» réalisées par les inspecteurs de l’AIEA : des documents décrivant comment constituer des hémisphères d’uranium dont l’application unique est la fabrication d’une arme. Mais également sur le suivi assez scrupuleux des avancées réalisées par l’Iran, comme le projet censé permettre l’adaptation d’une arme nucléaire sur le missile Shahab-3. Tous les indices semblent démontrer que l’Iran cherche à se rapprocher du seuil nucléaire.

Pourquoi ces recherches iraniennes sur des têtes de missiles balistiques qui ne sont pas configurés pour des explosifs normaux ? Pourquoi ces travaux sur l'usinage des hémisphères d'uranium métal qui forment le cœur d'une bombe atomique ?

En trois ans, les dirigeants iraniens vont avoir une attitude parfois conciliante avec les Occidentaux, mais c’est pour gagner du temps et permettre l'avancement de sa technologie nucléaire. Rien n'indique pourtant que la crise entre Occidentaux et Iraniens puisse se dénouer. On continue dans un jeu du chat et de la souris, même si Pékin et Moscou, traditionnellement plus tolérants avec Téhéran, sont de plus en plus impatients.

 

Le double jeu dévoilé

 

L’année 2009 va être celle de tous les rebondissements et de la fin du théâtre d’ombre.

En avril de cette année, le président Amhadinedjad inaugure une usine de fabrication de combustible nucléaire à Ispahan, la deuxième étape du cycle après l’enrichissement. L’installation a une capacité de production de 10 tonnes de combustible nucléaire par an pour alimenter le réacteur de recherche à eau lourde de 40 mégawatts d'Arak, et de 30 tonnes de combustible pour de futurs hypothétiques réacteurs à eau légère dont les Iraniens ne possèdent aucuns plans et dont le premier coup de pioche n’est pas programmé. Cette nouvelle crispe un peu plus les Occidentaux.

Le coup de tonnerre va éclater en septembre, lorsqu’est révélé l’existence d’une deuxième usine d’enrichissement à Fordoo, près de la ville sainte de Qom. L'installation secrète, creusée dans une montagne sur une base militaire relevant des Pasdaran, a été détectée depuis des années par les services de renseignements Occidentaux. Ce site destiné à l'enrichissement d'uranium constitue une violation flagrante des obligations de l'Iran au regard des normes de non-prolifération. Paris avait pressé Washington de dénoncer l'existence de ce site clandestin, mais l'administration américaine n'y consent que lorsque les Iraniens avouent d’eux-mêmes. Moscou a été tenu dans l'ignorance de la découverte de ce site. Pour les Russes, les révélations constituent un choc à plus d'un titre. Tout cela trahit au minimum un "trou" dans le renseignement russe en Iran, alors que, depuis les années ‘90, Moscou a ses entrées dans le secteur nucléaire de la République islamique. La Russie n'était pas consultée, de peur qu'elle ne renseigne les Iraniens. Téhéran indique que le premier coup de pioche de cette usine date de 2007, mais l'AIEA détient la preuve que les fondations du bunker ont été coulées en 2002. La capacité prévue de l'usine de Qom, soit 3.000 centrifugeuses, la rend inapte à enrichir de grandes quantités d'uranium, nécessaires à l'alimentation d’une centrale électrique fonctionnant 24 heures sur 24. En revanche, elle pourrait enrichir, à un degré militaire, de petites quantités d'uranium pour une ou deux bombes atomiques par an. La révélation tardive de cette usine soulève la question de l'éventuelle existence d'autres installations secrètes du régime islamique.

Alors que se prépare une ultime proposition à l’Iran pour sortir de la crise, un rapport secret de l’AIEA, divulgué en octobre, révèle aux grandes puissances que les Iraniens ont procédé à des tests de détonateurs à très haute intensité, pièces ultrasophistiquées indispensables pour mener à bien une explosion atomique. Cette technique, connue sous le nom de «Two point implosion» («amorçage en deux points»), consiste à provoquer simultanément deux détonations aux extrémités d'une ogive de forme ovoïde, composée de deux demi-sphères abritant la matière fissile dont le rapprochement par compression déclenche la réaction en chaîne et l’explosion thermonucléaire. Cette technologie permet de réduire la taille de l’arme et facilite son adaptation aux missiles balistiques. L’Iran affirme que toutes ses expérimentations ont des applications purement civiles, sans pour autant indiquer lesquelles. Les diplomates avalent la couleuvre, comme d’habitude. Les militaires affinent les plans.

Les inspecteurs de l’AIEA ont également découvert que l'Iran a enrichi en octobre 2009 de l'uranium avec encore plus de centrifugeuses à Natanz, qui en comptait 8.692 ce mois là. Selon le dernier décompte de l'AIEA, Téhéran y a déjà produit (novembre 2009) un total de 1.763 kilos d'uranium faiblement enrichi à 3,5%, soit 255 kilos de plus que le chiffre cité en août par l'agence, chaque mois donc ce sont 85 kilos qui s’ajoutent aux stocks iraniens et la progression est exponentielle avec la mise en service de nouvelles centrifugeuses. Cette quantité est suffisante pour produire la quantité d'uranium enrichi à plus de 90% nécessaire pour fabriquer une bombe atomique.

Autre source de préoccupation, pour les experts de l'AIEA, les activités minières de Téhéran semblent redoubler : d'après des photos satellites prises en avril et octobre 2009, la mine d'uranium de Gchine et le centre de Bandar Abbas, qui produit du Yellowcake tourneraient désormais à plein régime.

Désormais, preuve est faite du double jeu de Téhéran et de ses réelles ambitions

A Moscou et à Pékin, en cette fin 2009, c’est le sort de l’Iran qui se joue dans les coulisses du pouvoir. Ces deux pays vont basculer de camps.

 

L’escalade iranienne

 

Les 6 grandes puissances qui négocient depuis des années avec l’Iran (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Chine, Russie, Allemagne) font à cette dernière une proposition qui va mettre à plat les incertitudes sur les intentions réelles de l’ancien Empire Perse.

L'offre prévoit que l'Iran se sépare de la majeure partie de son stock déclaré d'uranium enrichi (1.200 kg), qui serait enrichi à 19,5% en Russie puis transformé en France en combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran. Cela priverait l'Iran, pendant environ un an, de la capacité à fabriquer de la matière fissile utilisable dans l'arme atomique, le temps de relancer des négociations sur le fond ; car dans les chancelleries, tout le monde sait que le temps presse. Ce schéma de circuit d'uranium, conçu durant l'été par les Etats-Unis, puis endossé par l'AIEA, vise à répondre à une demande iranienne transmise en juin à l'Agence de Vienne. L'Iran demandait en effet d'être fourni en uranium enrichi pour son réacteur de recherches à Téhéran ; à défaut de quoi, la main sur le cœur, les Iraniens se verraient obligés à l’enrichir à près de 20% eux-mêmes.

L'Iran pose ses propres conditions, accepte de transférer seulement une partie de son stock d'uranium, et au coup par coup, vers la Russie et souhaite en plus pouvoir se fournir en uranium auprès d'un pays tiers de son choix. Il veut le beurre et l'argent du beurre.

Face au refus des six puissances, le 29 novembre Mahmoud Ahmadinejad annonce qu'il compte lancer la construction de 10 usines d'enrichissement d'uranium supplémentaires à des emplacements déjà mis à l'étude. Deux jours plus tôt, l’AIEA, avait adopté une résolution dénonçant le programme nucléaire iranien. Ahmadinejad annonce que les futurs sites auront tous les mêmes dimensions que l'usine de Natanz destinée à recevoir 50.000 centrifugeuses.

L’Iran franchi une nouvelle étape dans la provocation envers la communauté internationale

Cette décision de démultiplier son programme nucléaire prend de front la planète entière.

L'Iran fait en outre une deuxième annonce, susceptible d'aggraver considérablement la crise autour de ses activités. Il envisage de produire de l'uranium enrichi à 20 %, la limite entre le nucléaire civil et le nucléaire à caractère militaire, en dépit des engagements pris précédemment, ce qui constitue une fuite en avant technologique. Jusqu'ici, officiellement, l'Iran n'a jamais dépassé le niveau de 4,8 %.

Selon le président iranien, l'Iran a besoin de 500.000 centrifugeuses semblables à celles de Natanz, et il évoque aussi l’utilisation d'appareils plus sophistiqués qui permettraient d'enrichir l'uranium à plus grande vitesse.

Pourquoi, cette annonce de dix nouveaux sites d'enrichissement, alors que l'Iran n'a pas une seule centrale nucléaire pour brûler ce combustible ?

Pourquoi l’Iran fait-il cela? Parce qu’elle a l’œil dans une seule direction: la bombe. Sachant que dès qu’elle la possèdera, elle sera la superpuissance régionale et aura l’hégémonie sur le Golfe persique.

La fin de 2009 aura vraiment été riche en évènements, le 16 décembre les Iraniens testent, pour la troisième fois de l’année, une nouvelle génération de missiles balistiques, le Sejil-2, dérivé (ou nouvelle appellation) du Shahab-3, d’une portée de plus de près de 2.500km et comportant deux étages avec des moteurs à combustible solide, ce qui le rend moins détectable. Cet essai survient au lendemain du vote par la Chambre américaine des représentants d'une loi prônant des sanctions contre les entreprises étrangères qui participent à l'approvisionnement en carburants de l'Iran.

Les Iraniens ne sont plus sur la recherche unique de pouvoir frapper Israël distant de 1.000km. Installé sur des lanceurs mobiles, la portée du nouveau missile balistique lui permet d’atteindre le territoire de l’Union Européenne (donc de pays membres de l’Otan), des villes comme Bucarest, Sofia et Athènes sont à portée. La Russie est sous le feu et Moscou à la lisière de portée. L’ouest de la Chine est sous la menace. Au sud, c’est Djibouti et son complexe militaire. En Asie du sud, le Pakistan et le nord-ouest de l'Inde, dont les villes de New-Dehli et de Bombay. La menace est d’autant plus réelle à moyen terme que sa précision étant nulle (erreur circulaire de 5km), puisque n’ayant aucun système de guidage terminal, son utilisation est sans intérêt pour des charges conventionnelles, sa seule finalité ne pouvant être liée qu’aux armes de destructions massives. Il s’agit d’une arme stratégique. Dans le même temps les services de renseignements annoncent que l’Iran travaille ardemment, avec l’aide active des nord-coréens, à un missile de 4.000km de portée, un cauchemar pour tous les stratèges de la planète : Londres, Paris, Bruxelles, Berlin, Moscou … sous la menace du feu nucléaire des illuminés de Téhéran…..

Les masques sont tombés, l’Iran a bel et bien un programme nucléaire militaire.

Dans toutes les chancelleries, désormais, chacun sait que la confrontation est inévitable.

 

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Quelques données complémentaires pour mieux maîtriser la problématique iranienne

 

 

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Un vecteur nécessaire

 

Si l’on exclut le cas de la valise nucléaire, il faut pour transporter l’arme un vecteur, avion ou missile. Et c’est là que depuis peu l’on est arrivé au point de bascule dans la crise iranienne. L’Iran possède bien quelques bombardiers capables de transporter l’arme nucléaire, encore faudrait-il qu’ils soient câblés pour cette mission et dotés des logiciels spécifiques au tir d’armes nucléaires. On se souvient des tentatives de l’Iran à se procurer les MiG-29 nucléarisés mis en vente par la Moldavie en 1997 et qui seront finalement rachetés par les USA (voir Carnets de Vol N°14, octobre 2009). L’état de la flotte iranienne d’avions de combat est tellement déliquescent que la menace du vecteur aérien est minime. En tout état de cause, compte tenu de la situation tactique locale, aucun raid iranien ne serait envisageable sérieusement contre l’un de ses voisins et certainement pas contre Israël. La moindre tentative verrait les agresseurs immédiatement repérés et détruits. Ne reste à l’Iran qu’une seule option pour transporter et délivrer l’arme : le missile balistique.

 

 

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Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

 

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) a été conclu en 1968 et vise à réduire le risque que l'arme nucléaire se répande à travers le monde. Son application est garantie par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Dès le début des années ‘50, la communauté internationale, commence à prendre conscience du risque de voir proliférer les armes nucléaires à travers le monde. C'est ce qui l'incite à créer l'AIEA en 1956, afin de promouvoir l'usage du nucléaire civil. L'élaboration d'un traité visant à garantir la non-prolifération des armes nucléaires est la suite logique de la création de l'AIEA. Il est élaboré à l'initiative des États-Unis et de l'Union Soviétique.

Le principe du TNP repose sur la discrimination opérée entre les États dotés de l'arme nucléaire ayant fait exploser un engin nucléaire avant le 1er janvier 1967 (EDAN), et les autres États, non dotés de l'arme nucléaire (ENDAN) : les premiers (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, France, Chine), également membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, s'engagent à ne pas aider un autre pays à acquérir des armes nucléaires; les seconds s'engagent à ne pas fabriquer d'armes nucléaires et à ne pas essayer de s'en procurer. Le traité est censé favoriser les usages pacifiques de l'atome, en affirmant le droit inaliénable de toutes les parties au traité à développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Tous les pays signataires, et notamment les États les plus avancés dans le domaine nucléaire civil, s'engagent ainsi à faciliter un échange aussi large que possible d'informations, d'équipements et de matières nucléaires pour les utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire. Le dispositif du protocole additionnel du 22 septembre 1998 complète les mesures de l'accord de garanties fondé sur la vérification par l'AIEA de la comptabilité des matières nucléaires déclarées, 58 des 189 États membres du TNP appliquent le protocole additionnel. La conférence d’examen du TNP prévue en mai 2010 constitue un rendez-vous crucial.

 

 

 

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Le combustible des centrales nucléaires

 

Après enrichissement, l’hexafluorure d’uranium est converti en oxyde d’uranium sous la forme d’une poudre noire. Celle-ci est comprimée puis frittée (cuite au four) pour donner des petits cylindres d’environ 1 cm de long et gros comme des petits morceaux de craie, appelés pastilles. Chaque pastille, qui ne pèse que 7 g, peut libérer autant d’énergie qu’une tonne de charbon (1 million de grammes). Les pastilles sont enfilées dans de longs tubes métalliques de 4 m de long en alliage de zirconium, les gaines, dont les extrémités sont bouchées de manière étanche pour constituer les crayons de combustible. Pour une centrale, plus de 40.000 crayons sont préparés pour être rassemblés en fagots de section carrée, appelés assemblages ou cartouches. Chaque assemblage contient 264 crayons. Le chargement d’un réacteur nucléaire de 900 mégawatts nécessite 157 assemblages contenant en tout 11 millions de pastilles. La livraison de ces énormes cartouches ne comporte aucune difficulté technique car le combustible est faiblement enrichi. Une fois cette opération de livraison achevée, pour mettre en marche la centrale, les ingénieurs doivent introduire une par une ces cartouches de presque 2 tonnes dans le réacteur. Une centrale nécessite un entretien permanent surtout au moment du remplacement du combustible usager du réacteur et son acheminement vers les caissons de stockages, car le combustible est hautement radioactif.

 

 

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Les laboratoires secrets iraniens

 

En avril 2007, le régime des mollahs crée un centre de commandement opérationnel pour les activités nucléaires. Ce site, dénommé Mojdeh, est situé à Lavizan et est dirigé par Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi, un ingénieur nucléaire placé sous l'autorité directe du ministre de la défense, Mostafa Mohammad Najar. Le centre Mojdeh coordonne l'activité d'autres installations, dont celle de Khojir, une zone militaire ultra secrète de 120 km² située à une trentaine de kilomètre au sud-est de Téhéran et qui est dédiée à la production d’ogives. Le principal site de recherche en armement nucléaire est camouflé au sein du campus universitaire Malek Ashtar de Téhéran sous la direction des Pasdaran. Une douzaine d'unités différentes travaillent à élaborer l'arme nucléaire. Les noms de code des programmes et le nom des scientifiques spécialisés dans la robotique, les nanotechnologies, l'enrichissement de l'uranium, les radiations, l'informatique et qui œuvrent au programme nucléaire sont connus des services de renseignements. Des techniciens nord-coréens sont également impliqués dans le projet. Ils sont logés dans une Guest-house à Khojir repérée sur images satellites.

 

 

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La filière du plutonium iranien

 

 

Deux réacteurs iraniens peuvent produire du plutonium. L'un est le réacteur de recherche Amirabad à Téhéran. En plus du réacteur, le Centre dispose d'un petit laboratoire permettant de séparer le plutonium combustible irradié qui est récupéré à la sortie du réacteur. Cependant ce laboratoire ne peut séparer que 600 grammes de plutonium par an, alors qu'il faut cinq à sept kilos de plutonium pour construire une bombe (à titre de comparaison, les réacteurs de Bushehr produiront plus de 180 kilos de plutonium par an). Les ingénieurs du Centre nucléaire d'Amirabad pourraient accumuler secrètement assez de matériau pour une bombe, mais un tel détournement ne serait pas facile, car Amirabad est surveillé par l'AIEA. Le seul autre réacteur iranien capable de produire du plutonium ne fournirait que des quantités insignifiantes. Situé au Centre de recherche nucléaire d'Esfahan, il a été commencé vers 1975 par une entreprise française et terminé après le renversement du Shah, grâce à la Chine. L'activité intense du centre a incité l'AIEA à y effectuer des inspections régulières, dont aucune n'a toutefois démontré qu'un programme clandestin était en cours. Mais les Iraniens sont passés maîtres de la dissimulation ; l’existence d’un petit stock de plutonium militaire n’est donc pas à exclure.

 

 

 

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Et si l'Iran avait déjà l'arme nucléaire?

 

Un nombre grandissant d'experts militaires considère que l'Iran a sans doute déjà quelques armes nucléaires rudimentaires dans son arsenal. Les gesticulations iraniennes pourraient être un leurre. Les rodomontades et provocations permanentes de Téhéran n'auraient pas pour objectif principal d'intimider Israël. Elles sont une constante sur laquelle se fonde le régime des Mollahs. Et surtout en se posant en rival mortel d'Israël, l'Iran peut faire accepter progressivement au monde arabe le fait qu'il possède déjà, ou qu'il possèdera bientôt, l'arme nucléaire. Téhéran ne peut confirmer son appartenance au cercle nucléaire sans générer une réaction incontrôlée de la part des pays arabes, de l'Inde et du Pakistan qui ne peuvent évidemment pas tolérer de se faire menacer par un Etat voisin prosélyte et agressif. L'hostilité entre Arabes, Perses et Turcs et entre les Sunnites et les Chiites est une constante historique. Elle s'est traduite, entre autre, par la guerre Irak-Iran et la guerre civile en Irak après l'invasion américaine de mars 2003. Voilà notamment pourquoi l'Iran se sent en permanence menacé et cherche depuis des décennies à se doter de l'arme nucléaire. Les Iraniens poursuivent aujourd'hui deux buts: d'une part faire progressivement admettre l'existence de leur arme de destruction massive sans s'attirer les foudres proche-orientales et d'autre part faire comprendre à Israël qu'ils sont à présent à égalité de moyens: le propre de la dissuasion.

 

 

 

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La production d’électricité en Iran

 

Malgré ses atouts énergétiques, l'Iran manque cruellement d'électricité. Sa capacité de production actuelle est d'environ 20.000 mégawatts, dont 78% sont produits par des centrales au gaz, le reste l’étant au charbon et au fioul. L'augmentation de la demande est de six à huit pour cent par an. On imagine souvent que l'énergie nucléaire est moins coûteuse que l'énergie fournie par les centrales thermiques, mais, en Iran, l'abondance du gaz naturel rend les centrales thermiques bien plus rentables que les centrales nucléaires. Le choix iranien d'une solution antiéconomique rend le pays d’autant plus suspect sur ses intentions réelles. Dans le cas de l'Iran, le nucléaire lui coutera 2 fois plus cher que le gaz. L’Iran peut s'éviter les dépenses exorbitantes d'un programme nucléaire... si ses intentions sont vraiment pacifiques.

 

 

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L’enrichissement de l'uranium

 

L'uranium à l’état naturel est composé à 99,3% d'uranium 238 et à 0,7% d'uranium 235, le seul permettant de produire de l'énergie nucléaire. Le processus d'enrichissement permet d'augmenter le taux d'U235 en le séparant de l'U238 par centrifugation. L'uranium à l'état gazeux est introduit dans la centrifugeuse. La centrifugeuse permet de séparer, grâce à la différence de masse, l’U235 des autres isotopes d’uranium (des atomes ayant le même nombre de protons mais un nombre de neutrons différent). L'U235, plus léger remonte tandis que l'U238, plus lourd descend et est enlevé. Le gaz enrichi en U235 est envoyé dans une deuxième centrifugeuse et ainsi de suite. Le processus est répété dans une cascade de centrifugeuse jusqu'à obtention du taux d'enrichissement désiré. L'utilisation civile requiert de l'uranium enrichi à 4,5% pour le carburant des centrales électriques nucléaires; tandis qu'une utilisation militaire requiert un uranium enrichi à 90% nécessaire à la fabrication d'armes atomiques.

 

 

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Les énormes stocks d’uranium enrichis

 

Depuis la fin de la Guerre froide, les Russes et les Américains ont signé plusieurs traités sur la réduction de leurs arsenaux nucléaires: les traités START I, START II et SORT de diminution des armes stratégiques. La mise en œuvre de ces accords de désarmement a entraîné une réduction considérable du nombre de têtes nucléaires. Le démantèlement de ces  ogives a conduit à la constitution d'importants stocks de matières fissiles excédentaires, de l'uranium hautement enrichi et du plutonium de qualité militaire. Des deux matériaux clefs utilisés pour la fabrication des armes nucléaires, c'est l'uranium qui pose le moins de problème puisqu'il peut être transformé par dilution en uranium faiblement enrichi, utilisé dans les réacteurs nucléaires. En 1993, les États-Unis se sont engagés à acheter, en 20 ans, 500 tonnes d'uranium russe hautement enrichi à 90% (sur un stock de 1.000 tonnes), diluées en Russie, pour être utilisable comme combustible pour réacteurs. Afin de ne pas déstabiliser trop fortement le marché de l'uranium déjà abondant et bon marché, la mise en œuvre de cet accord se fait lentement. Des quantités importantes d'uranium d'origine militaire sont donc stockées pour des périodes relativement longues. Ces stocks vont encore augmenter avec le nouveau démantèlement qui va intervenir à la suite du nouvel accord négocié entre les USA et la Russie et qui doit prendre le relais de START 1, conclu en 1991 et arrivé à échéance le 5 décembre 2009. Le recyclage civil des stocks mondiaux d’uranium militaire permettrait de produire l’équivalent de 3 fois la production mondiale d’électricité en 2009, tous circuits confondus.

 

 

 

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Le recyclage du plutonium nucléaire

 

Le plutonium n’étant pas une matière naturelle, mais le résultat de l’activité humaine, le recyclage du PU239 militaire ne peut s’effectuer par dilution l’uranium. Il doit donc être transformé en combustible pour les réacteurs nucléaires de production électrique. Pour ce faire, il est converti en oxyde, mélangé à de l'oxyde d'uranium et transformé en pastilles de combustible céramique. Le combustible MOX (Mixed uranium OXyde) ainsi formé peut être chargé dans les réacteurs comme substitut partiel ou complet du combustible à l'uranium actuellement utilisé. Il est à noter que le plutonium civil n'a pas les mêmes caractéristiques que le militaire. En 2002, les États-Unis ont sollicité la Belgique pour réaliser, dans les installations de la Belgo-Nucléaire de Dessel (Limbourg), quatre assemblages de démonstration de MOX utilisant du plutonium de qualité militaire plutôt que le plutonium séparé du combustible usé des centrales nucléaires. Le gouvernement belge a refusé sous la pression des écologistes agissants pour des raisons idéologiques. Les quantités de plutonium militaires, à transformer en combustible, permettraient de produire à bas prix deux fois la production électrique annuelle de la France, toutes filières confondues.

 

 

 

 

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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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