Iran, rien ne va plus ? : le Nuke frappé à la tête, plongeon de la monnaie, réduction des importations pétrolières indiennes et chinoises…
Par Marc Brzustowski
La série noire continue, pour Téhéran : après les missiles Sajil 2 qui explosent tous seuls, emportant dans leur course létale, le concepteur et grand ordonnancier du programme, le Général de Brigade Hassan Moghaddam et une partie importante de son Etat-Major, c’est le directeur exécutif du site d’enrichissement d’uranium de Natanz, Mostafa Ahmadi Roshan, qui figure comme cinquième victime de haut-rang dans le programme.
Son exécution s’est déroulée « au nez et la barbe » des services de renseignement iraniens, le Vevak, dont le QG est situé à moins d’1, 5 km de la scène. Même certains médias iraniens n’ont pu que reconnaître une « opération osée ». Le quartier était bouclé par de nombreuses forces de police et la moto des exécuteurs s’est faufilée à travers les mailles du filet. Elle atteste des failles dans l’armure sécuritaire des Gardiens de la Révolution, en plein cœur de Téhéran, quand on se souvient que les renseignements iraniens de l’Ancien Régime du Shah ont été formés par Israël. C’est sûrement la raison pour laquelle, à chaque mauvais coup porté, l’excuse pour incompétence des dirigeants iraniens consiste à pointer du doigt contre le seul pays qu’ils reconnaissent implicitement capable de leur infliger de telles déconvenues. Hommage du vice à la vertu. Si guerre de l’ombre il y a, elle épargne encore les masses pour ne frapper qu’à la tête. Et les Mollahs affichent qu’ils n’ont pas les moyens sécuritaires de préserver leurs intérêts vitaux…
Ce sont les « risques du métier » qui se retournent contre les arroseurs-arrosés atomiques : 1 mort contre des centaines de milliers de vies sauvées, est-ce si cher payé, quand on joue avec le feu de l’apocalypse ? Ces éliminations ont d’abord une incidence psychologique dissuasive sur les collègues, dont on peut imaginer que plusieurs aimeraient fuir leur condition, si la surveillance dont ils font l’objet leur en laissait le loisir. L’influx moral, l’ardeur au travail ne sont pas les mêmes et les familles savent que, malgré les gardes du corps, les surveillances et protections, la vie de ces grands professeurs besogneux ne pèse pas lourd dans la balance. La République Islamique ne peut pas garantir leur sécurité. C’est un facteur de défection potentiel. D’autre part, cela porte un coup dans la chaîne d’accomplissement des tâches et étrille les effectifs. Car, en cas de frappe contre les installations nucléaires, dont on évalue qu’elle ne retardera que de quelques années la production d’armes atomiques, il faudra bien reconstruire le programme.
Mais ce n’est là qu’un volet du bras de fer psychologique qui s’est engagé. Alors qu’on soupçonne que la Corée du Nord a pu fournir des aciers précieux nécessaires à la fabrication de bombes, c’est une de ces usines d’aciéries qui prend feu. La version primitive du ver Stuxnet semble en voie d’être maîtrisée ? Voilà que Duqu, d’une autre génération, fait son apparition.
Hu JinTao en compagnie d'Ahmadinedjad
La Chine, partenaire stratégique de longue date, garante de l’Iran et de la Syrie au Conseil de Sécurité, a commencé à réduire ses importations de pétrole, dans la perspective des sanctions de l’Administration américaine contre la Banque Centrale Iranienne, l’Europe lui emboîtant le pas. Ces importations ont chuté de 285 000 barils par jour, soit plus de la moitié du volume que Pékin fait venir d’Iran. Les responsables chinois ont signifié que cette réduction se poursuivrait en février et, sans doute au-delà. Cette pierre porte deux coups, à l’économie et aux fortunes iraniennes détenues par les dignitaires, mais aussi contre le programme nucléaire, dont la progression à marche forcée dépend surtout du soutien économique apporté par l’espoir de débouchés asiatiques, pour contourner l’embargo. La croissance économique chinoise est en passe de devenir la plus grande consommatrice de pétrole mondiale. Il y a trois ans, l’Iran fournissait plus de 15% de ces appétits d’or noir. L’an passé, ce taux se situait à 12%. Surtout, en échange de ce pétrole, la Chine est devenue le grand facilitateur des ambitions nucléaires iraniennes. Pékin a fermé les yeux sur ses sociétés commerçant directement dans l’intérêt du programme iranien et fait en sorte de diluer les pressions internationales. Les experts en prolifération estiment que si la Chine réprimait ces entreprises, le programme iranien serait effectivement paralysé, au moins à court terme. Cela n’a jamais été le cas jusqu’à présent. Mais Pékin redoute que des interdictions de marché américain ne frappent certains de ses chefs d’entreprises vitales. Ainsi, jeudi 12, Hillary Clinton a annoncé de fortes amendes contre Zhuhai Zhenrong Company (Zhenrong), Kuo Oil (S) Pte. Ltd. (Kuo), et FAL Oil Company Limited (FAL). Zhuhai Zhenrong est la plus importante compagnie chinoise fournissant du pétrolé raffiné à l'Iran, ayant livré pour 500 millions de $ d'essence à l'Iran, depuis juillet 2010. De plus, les menaces de Téhéran de fermer le détroit d’Hormuz ne semblent pas très prisées dans la Cité Interdite. Effectivement, elle n’est pas seulement cliente au Baazar de Téhéran, mais éprouve le besoin d’un approvisionnement régulier de son économie en plein boom. L’Iran serait-il en train de devenir un pays à risque, y compris pour ce grand commerçant qu’est la Chine ? Il est encore trop tôt pour le dire.
L’Inde est le second importateur de pétrole iranien : le gouvernement d’Union vient de demander à ses raffineurs de réduire le flux en provenance de la République Islamique, qui était, jusqu’à présent de 350 à 400 000 barils par jour. Ils sont priés de trouver des alternatives à ce circuit. Et il se pourrait bien qu’un jour prochain, ils aient l’occasion de se tourner vers le pétrole découvert, dans l’Est de la Méditerranée, par Israël et Chypre. D'ailleurs l'Inde est, peu à peu, devenue un partenaire stratégique de l'Etat hébreu...
Le rial iranien se déprécie de 20% par rapport au dollar, malgré l’intervention de la Banque Centrale du pays, peu à peu frappée d’ostracisme sur les marchés internationaux. Ceci traduit un énorme risque pour les prix à la consommation, dans un pays où l’inflation, jugée sous-estimée par les experts, est déjà officiellement de 20%. Le directeur de la chambre de commerce irano-chinoise, Asadollah Asgaroladi estime qu’elle sera, ce mois-ci, de 40% et qu’elle aurait dû être, au moins de 27%, sans la dévalorisation de la monnaie.
Cependant, toutes ces sanctions, à l’heure qu’il est, n’ont fait qu’enrager un peu plus les mollahs dans leur course effrénée vers le nucléaire et le désir d’en terminer par une politique du fait accompli : ils espèrent bien pouvoir procéder dans les mois à venir, courant 2012, au premier test souterrain d’une bombe d’un kilotonne. Ils savent aussi que s’ils n’y parvenaient pas ou, simplement hésitaient, le peu de crédit qu’il leur reste aux yeux de leur propre peuple, risquerait d’alimenter les désordres intérieurs, déjà susceptibles de se produire, du fait du marasme économique, dans lequel ils plongent l’Iran, à un train d’enfer…