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Rappel des faits : une flottille internationale d'aide humanitaire en direction de Gaza a été interceptée dans la nuit de dimanche à lundi par les soldats de Tsahal accueillis par une tentative de lynchage. Bilan : 9 passagers tués. Un épisode malheureux qui comprend plusieurs aspects stratégiques.
Tout d'abord, le Hamas aspire au libre-accès du port de Gaza pour la bonne et simple raison qu'il doit donner à la population palestinienne les avantages économiques qu'il lui a promis, en prenant le contrôle de la bande côtière en juin 2007, par un sanglant coup d'Etat militaire. Il a également besoin de matériaux pour reconstruire les infrastructures détruites pendant l'opération Plomb durci, déclenchée suite aux attaques de roquettes du mouvement terroriste. Mais surtout, le Hamas veut se doter de missiles à longue portée et d'autres armes pour viser Israël de plus belle.
En cela, il ressemble comme un jumeau au Hezbollah. Depuis la seconde guerre du Liban en 2006, non seulement le groupe terroriste ne s'est pas désarmé, comme exigé par la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU, mais il s'est renforcé et détient aujourd'hui plus de 40 000 missiles et roquettes. De quoi atteindre tout le pays. En outre, il a pratiquement violé le gouvernement libanais pour lui imposer (avec l'aide de la Syrie, de l'Iran et du Qatar) sa prétendue stratégie de "résistance" contre Israël.
Ni les forces de la FINUL au Sud-Liban, ni la marine allemande, ni EUROMARFOR - flottille composée de navires en provenance du Portugal, d'Espagne, d'Italie et de France - ne sont parvenus à s'acquitter de leur tâche onusienne d'empêcher la contrebande d'armes illégales au Hezbollah. Et pendant ce temps, la frontière syrienne reste incontrôlée et Téhéran et Damas persistent à soutenir l'organisation islamiste.
Soutien humanitaire ou activisme politique ?
Israël ne peut laisser une entité jumelle du Hezbollah manœuvrer à sa frontière Sud, à 60 km d'une région densément peuplée. C'est pourquoi la marine et l'armée ont contrecarré les tentatives qui veulent aider le Hamas à s'armer librement jusqu'aux dents.
Les organisateurs internationaux de la flottille d'"aide humanitaire" sont un savant mélange de groupes propalestiniens de défense des droits de l'Homme, d'intellectuels naïfs et de quelques Juifs antisionistes. Mais les véritables agents de cette opération consistent en quelques organisations proches du Hamas, comme l'IHH turque (fonds de secours humanitaire) - une organisation islamique radicale, affiliée aux Frères musulmans. L'IHH, déclarée illégale par Israël en 2008, soutient la lutte armée du Hamas. De son point de vue, l'opération sur la flottille constitue un énorme succès, en dépit du (ou pourquoi pas, grâce au) "martyrisme" de ses militants.
De son côté, le Mouvement islamique en Israël, représenté dans la flottille par le cheikh Raed Salah, avait diffusé de fausses informations sur les blessures sérieuses ou même la mort de Salah, déclenchant des mouvements de violence chez les Arabes israéliens. Le Mouvement islamique est en fait une faction des Frères musulmans, en grande partie responsable, avec le Hamas, du déclenchement de la seconde Intifada en octobre 2000, suite aux faux rapports sur l'"imminente" destruction de la mosquée Al-Aqsa par les Juifs.
Si certains de ses membres ont été impliqués dans des activités terroristes, il est bon de se rappeler que le Hamas était considéré comme un mouvement "pacifiste" de 1967 à 1987, période au cours de laquelle il préparait sa lutte armée religieuse, sociale et militaire.
La Turquie, nouvel acteur du conflit
Présentons à présent l'AKP turc (parti Justice et Développement) et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, les nouveaux acteurs dans ce drame régional. Au cours de son second mandat, l'AKP, parti islamiste soi-disant "conservateur", a quelque peu perdu son image de formation "modérée" pour accélérer son programme de lutte contre la laïcité.
L'un des signes de ce processus d'islamisation s'illustre par la politique ouvertement anti-israélienne du gouvernement Erdogan. Brève récapitulation : une visite officielle de la direction du Hamas en Turquie en février 2006, l'assaut d'Erdogan sur le président Shimon Peres à la conférence de Davos en 2009, le freinage de la coopération militaire entre les deux pays alliés et une crise diplomatique latente.
L'AKP et ses dirigeants se sentent proches du Hamas, au détriment de l'Autorité palestinienne.
En janvier, soumise à une forte pression diplomatique turque, l'Egypte avait autorisé des militants propalestiniens, majoritairement des Turcs, d'entrer dans la bande de Gaza par la frontière de Rafiah avec un convoi d'aide humanitaire mené par le parlementaire britannique George Galloway. Résultat de l'initiative : des affrontements à la frontière, la mort d'un soldat égyptien et l'expulsion d'Egypte de la plupart des protagonistes.
Cette fois, en dépit des tentatives politiques israéliennes de convaincre le gouvernement d'Ankara de faire passer l'aide humanitaire par la frontière israélienne, les leaders turcs ont préféré prendre le parti de la flottille provocatrice. Le gouvernement turc semble particulièrement intéressé par la levée du blocus sur Gaza et la fin de l'isolement international du Hamas. Dans la géopolitique turque, la question palestinienne représente un enjeu important : c'est du pain béni populiste pour les masses islamistes dans le contexte d'une récession interminable et de la montée récente du parti populaire républicain laïc (CHP), selon de récents sondages.
Mais la gestion de ce dossier par Erdogan et l'AKP contraste avec la politique turque sur le problème kurde. Erdogan n'est parvenu à aucun accord avec le PKK et son chef Abdoullah Ocalan, qui a abandonné toute tentative de dialogue. Le 20 mai, des avions turcs avaient même bombardé des dizaines de cibles rebelles kurdes au nord de l'Irak, et le 31 mai, le PKK avait riposté par une attaque à la roquette contre une base navale, qui avait fait sept morts parmi les soldats.
Le fait que l'AKP se soucie tellement de la "crise humanitaire" dans la bande de Gaza laisse perplexe, tout comme l'affirmation d'Erdogan selon laquelle "un Musulman ne pourrait jamais commettre de génocide", alors qu'il accueille à bras ouverts le président soudanais Omar Hassan el-Bachir, condamné par le monde entier pour avoir perpétré un génocide au Darfour.
D'ailleurs, quelle a été la réaction du gouvernement turc aux attaques du 28 mai contre les deux mosquées Ahmadi à Lahore, au Pakistan, où au moins 93 fidèles ont été tués et plus de 100 blessés ? Aucun pays musulman n'avait alors protesté contre le massacre, et nul n'avait osé demander une réunion urgente du Conseil de sécurité.