Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
Pour © 2011 lessakele
Au cours du mois de juin 2012, les actes antisémites se sont dramatiquement multipliés. Le 16 juin, le grand Rabin de France Gilbert Bernheim a fait l’objet de menaces de mort dans un croquis chargé de symboles cyniques et orduriers. Le 12 juin, une question dans le domaine humanitaire posée aux étudiants de la Faculté de Médecine de Bichat, portait sur la qualification des « soi-disant » crimes commis par Israël dans la bande de Gaza : les étudiants devaient se prononcer sur le point de savoir s'il s'agissat de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide. Le 8 juin, un jeune juif de Sarcelles a été provoqué, agressé et insulté de « sale juif », avant que son téléphone portable ne lui soit dérobé. Le 2 juin, 3 juifs âgés de 20 ans ont été agressés à Villeurbanne et frappés à coups de marteau et de barres de fer…
Dans le même temps, la délégitimation de l'Etat hébreu va bon train sur la scène internationale : depuis le 18 juin 2012, Israël est arrosé par une pluie de roquettes palestiniennes tirées depuis la bande de Gaza dans l’indifférence la plus totale de la communauté internationale. Celle-ci se borne à critiquer la politique d'implantation en Judée Samarie (qui serait un obstacle à la solution de deux Etats pour deux peuples), ou le blocus imposé à la bande de Gaza (justifiant à demi mot, les agressions palestiniennes). Ainsi, et en marge de la haine anti juive qui sévit en diaspora, on assiste à une banalisation des attaques contre Israël sans que personne ne trouve véritablement les moyens de prévenir ce fléau qu’est l’antisémitisme, ou ce que l’on nomme pudiquement, l’antisionisme.
La raison en est simple : le phénomène antisémite est abordé sur le terrain de la répression non sur celui de la prévention. Le système pénal français sanctionne outre les coups et blessures (parfois mortelles), les auteurs de provocations publiques ou non publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale ou religieuse, mais aussi les actes de diffamation publique ou d’injures de même nature. Il en est de même de l’Apologie de crimes contre l’humanité, de la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité, ou le port d’insignes ou d’uniformes et d’emblèmes rappelant ceux des responsables de crimes contre l’humanité. Est également sanctionnée pénalement, la Violation de sépulture à caractère raciste ou antireligieux.
Pour autant, le droit ne répond pas à la nécessité de prévenir le phénomène au regard des mobiles fondamentaux à l’origine de la commission des actes. En réalité, l’aversion chez certaines personnes, pour les juifs en général, et pour Israël en particulier, tient au principe de l’élection, tout à fait insupportable bien qu'il s'agisse d'un problème dont personne ne parle.
Le juif n’est pas seulement le membre d'une race, d'une ethnie, d'une famille religieuse, le juif n’existe qu’en considération d’un choix divin. Le juif appartient à la lignée d’Abraham, d’Isaac et de Jacob à qui D. a annoncé une descendance multiple comme les étoiles. De même, D. a choisi ce peuple pour lui transmettre son message universel. Il lui a également ordonné de se rendre sur la terre de Canaan. Autrement dit, le juif n'est pas français américain, européen, africain, ou australien, il est juif avant d'appartenir à la communauté humaine au sein de laquelle il vit. Dans le cas d’un racisme ethnique, l’aversion contre les intéressés résulte de la couleur de peau, de la provenance, des traditions familiales, ancestrales, ou culturerelles qui ne sont pas acceptés. De même, s’agissant de la discrimination religieuse, il est reproché à une communauté humaine ses choix relationnels avec le Ciel. Dans le cas du juif, rien de tout cela. Il est certes d'origine juive, ce qui signifie que sa mère l'était avant lui et qu’il a peut être adopté le judaïsme comme mode de foi, mais ce que l’on reproche aux juifs, c’est avant tout d’être juif. En effet, le fait pour un peuple d'exister en considération d’un choix divin est parfaitement inadmissible, pour les personnes athées, d’une part, mais également pour les religions monothéistes ultérieures, d'autres part.
S’agissant des personnes athées, si D. n'existe pas, la messe est dite (s'il est possible de s’exprimer ainsi). En effet, faute d’exister, D. ne saurait avoir choisi une nation, lui avoir transmis un message particulier, et encore moins l'avoir invité à se rendre sur telle ou telle partie du globe. Pour ces personnes, la compréhension du monde s'opère sans intercession divine et le concept de juif devient un non sens . Aussi, la destruction d’Israël et plus généralement celle du peuple juif serait un moyen de prouver l'absence de transcendance dans l'univers et ainsi, permetrait de trouver une cohérence entre leur mode de pensée et la réalité. Avec la disparition d’Israël, les juifs seraient coupés de leur base idéologique et leur disparition, non en tant que personnes mais en tant que membres d'un peuple choisi par le Ciel, pourrait s’accélérer. Il serait également prouvé que les convictions, les croyances et les certitudes des juifs n’etait finalement que pure comédie.
S’agissant des personnes religieuses, l'approche de l’antisémitisme et de l’antisionisme diffère suivant qu’il s’agit les chrétiens ou des musulmans.
Dans le christianisme,s'il est admis que D. a transmis les tables de la Loi aux juifs, il n'en demeure pas moins qu'il s'est trompé. Les antisémites chrétiens se fondent d’ailleurs sur des versets Bibliques pour l’établir. Dans le livre d’Isaïe il est indiqué : «Mes enfants se sont insurgés contre moi 1.2 », « Mon peuple n’a pas de discernement 1.3 », « c’est une nation pécheresse chargée d’iniquité 1.4 », « une Race de malfaiteurs et d’enfants dégénérés 1.4 », « les traîtres à l’éternel périront 1.28 », «Oui je me lèverai contre eux je détruirai le nom et la trace tout descendant toute postérité 14.22 ». De même dans le Lévitique (26, 14-46), il est prévu la domination des juifs par ceux qui les haïssent, les sanctions les plus graves étant la soumission à l’ennemi, la destruction des hauts lieux, la destruction du pays au point de stupéfier les ennemis...Dans le Deutéronome (28, 15-69), il est prévu l’envoi d’une nation lointaine et hostile qui « s’abat comme l’aigle » (Dt 28,49) et n’a point d’égard pour le vieillard ni de pitié pour l’adolescent (Dt 28,50), l’obligation de servir ses ennemis jusqu’à l’extermination (Dt 28,48), des survivants qui se consument (par leur faute) (Lv 26,39) et se voient réserver un traitement hostile au pays de leurs ennemis (Lv 26,25)...Les antisémites chrétiens trouvent dans ces textes tout les fondements pour s’en prendre aux juifs.
En Islam, il n’est pas indiqué que D. s’est trompé mais que les juifs ont falsifié les écritures après les avoir reçues (sourate 2 ; verset 75), et qu’ils ont été maudits (sourate 5 ; verset 78). Une fois encore, il n’existe aucun fondement religieux à la présence juive en Palestine, ce qui fonde le devoir de les évincer.
Bon nombre de personnes athées ou croyantes non juives, disposent de bonnes raisons pour s'en prendre aux juifs ou attendre calmement la destruction d'Israël. Néanmoins, et comme le Ciel s'amuse a brouiller les pistes, les antisémites et antsionistes se retrouvent également chez les juifs. Pour les juifs athées, la situation est trés delicate. Il s'agit de personnes juives au sens de la halakha qui ne sont pas animées de cette petite étincelle magique, de cette nechama juive au fond de leur être. L'identité juive devient alors un poids, une sorte d'étiquette qu'il faut gommer le plus rapidement possible ou enfouir au plus profond de soi. De même, pour les juifs religieux de la mouvance Netoure karta, les juifs ne doivent revenir en Eretz israël qu'à compter de la venue du Machiach. Avant cette date, l'existence d'Israël ne se justifie pas, ce qui explique leur proximité avec les grands ennemis d'Israël comme Ahmadinejad.
Ainsi, les ennemis des juifs se trouvent aussi bien dans les mondes juifs que non juifs. C'est cette discussion qui doit être abordée sur la place publique de sorte que la haine du juif soit parfaitement comprise par ceux pour qui elle est encore inconsciente.