L'armée syrienne a encerclé lundi la ville de Banyas, à 280 km au nord-ouest de Damas, au lendemain d'affrontements qui se seraient soldés par le mort de neuf militaires et de quatre manifestants réclamant des réformes politiques.
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Photo: AFP/Télévision syrienne La télévision d'état syrienne a montré lundi des images des funérailles des membres de sécurité qui auraient été tués dimanche à Banyas. |
Dans la capitale, Damas, des étudiants de l'Université de Damas ont organisé un rassemblement en témoignage de leur solidarité avec les manifestants qui ont été tués à Deraa et à Banyas au cours des derniers jours. Selon Reuters, des centaines d'étudiants se sont regroupés sur le campus de la faculté des sciences.
Un des organisateurs de la manifestation de Banyas, Anas Al-Shouri, indique que la ville est « assiégée par plus de 30 chars ».
« Les sbires du régime et les forces de sécurité ont pris position dans le quartier d'Al-Qoz, d'où ils tirent sur nos quartiers, ajoute-t-il. Trois des morts d'hier ont été tués par des tireurs embusqués ».
L'électricité est coupée depuis hier, les gens sont terrifiés. [...] L'armée est déployée dans les rues et il y a des barrages dans tout le secteur.
— Anas Al-Shouri
Une source de Reuters confirme que la ville est coupée du reste du monde. « Nous avons essayé de rejoindre Banyas à partir de l'autoroute longeant la côte, mais la police secrète bloquait la sortie principale et forçait les voitures à faire demi-tour. Les routes voisines étaient également bloquées », a-t-il dit.
Un militant des droits de l'homme, Abdel Karim Rihaoui, a pour sa part déclaré à l'AFP que deux proches de l'ancien vice-président syrien Abdel-Halim Khaddam, en exil à Paris après être entré en dissidence, ont été arrêtés dans la nuit de dimanche à lundi. Ahmad Moussa et Mohammad Alaa Bayati seraient soupçonnés d'organiser les manifestations à Banyas.
13 morts dimanche (32 vendredi...)
Selon l'agence de presse officielle Sana, neuf soldats, dont deux officiers, ont été tués dimanche dans une embuscade tendue par un groupe armé. Plusieurs autres militaires auraient été blessés dans cette attaque.
Selon des témoins, quatre personnes ont aussi été tuées dimanche, à Banyas, au lendemain d'une manifestation organisée dans les rues de la ville. L'AFP dit que les victimes ont été abattues par les forces de sécurité; Reuters impute ces meurtres à des miliciens alaouites, les chabbiha.
Selon cette dernière version, ce sont ces miliciens qui ont circulé en voiture dans la ville, ouvrant le feu à l'arme automatique sur des habitants. Les alaouites sont une secte dont les croyances sont dérivées du chiisme. Le président syrien Bachar Al-Assad est alaouite.
« Les chabbiha sont descendus des montagnes voisines. Les habitants de Banyas savent qu'il s'agit de voyous agissant sur ordre et que des divisions confessionnelles conduiraient à des destructions pour tout le monde », a dit un défenseur des droits de l'homme qui a préféré garder l'anonymat.
« Les rues de la ville se sont vidées après ces meurtres. Les gens ont peur. Les chabbiha tirent de manière aveugle et on peut voir les impacts de balles sur les bâtiments », ajoute-t-il.
Selon un médecin et un professeur d'université, ces chabbiha ont notamment attaqué un groupe de personnes gardant la mosquée sunnite Abou Bakr al Siddiq. « Quatre personnes ont été touchées aux pieds et aux jambes. Une cinquième personne a subi des blessures plus graves, une balle d'AK-47 ayant pénétré dans le côté gauche de sa poitrine », raconte le médecin, qui se trouvait alors sur les lieux.
Selon l'ex-diplomate français Ignace Leverrier, les chabbiha sont des bandes criminelles « capables de tout en raison de l'impunité que leur assurent les membres de la famille Al-Assad pour lesquels ils travaillent ». Depuis l'arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad, écrit-il dans le quotidien Le Monde, ils répondent notamment à un lointain cousin du chef de l'Etat, Noumeïr Badi Al-Assad, et à un autre « seigneur de la montagne », Haroun Al-Assad.
L'assaut allégué des chabbiha est survenu au lendemain d'une manifestation pacifiste tenue samedi à Banyas, une ville de 50 000 habitants qui abrite l'une des deux raffineries de pétrole de la Syrie.
Ces informations sur l'embuscade et sur l'attaque des manifestants ne peuvent être vérifiées auprès de sources indépendantes, le régime syrien empêchant les journalistes de travailler librement dans le pays.
Une contestation sans précédent
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Les villes syriennes où ont eu lieu des manifestations |
Depuis le début des troubles en Syrie, au début du mois de mars, des dizaines de personnes ont été tuées, principalement à Deraa, à 100 km au sud de Damas.
Au moins 26 personnes auraient été tuées dans cette ville, vendredi, après que les forces de sécurité eurent ouvert le feu sur des milliers de manifestants, après la prière du vendredi.
Le mouvement de protestation constitue un défi sans précédent pour le président Bachar Al-Assad, arrivé au pouvoir il y a 11 ans. Dans un discours prononcé devant le Parlement le 30 mars, le président Al-Assad l'a attribué à une « conspiration » visant à détruire la Syrie.
Il n'a cependant pas annoncé l'abrogation de l'état d'urgence, en vigueur depuis 1963, ni d'autres mesures spécifiques visant à calmer la grogne des manifestants, comme la libéralisation de la presse ou l'instauration du pluralisme politique.
Le président Al-Assad a cependant admis que certains griefs de la population étaient légitimes et que des réformes étaient nécessaires.
Radio-Canada.ca avecAgence France Presse et Reuters