L’EUROPE DES DROITS DE L’HOMME RENONCE A SES PRINCIPES ET AUX REGLES DU DROIT INTERNATIONAL
par Bertrand RAMAS-MUHLBACH
pour http://lessakele.over-blog.fr et www.aschkel.info
En cette première semaine de décembre 2009, l’Europe des Droits de l’Homme semble avoir perdu l’ensemble de ses repères. Tout d’abord, la décision des citoyens suisses (le 29 novembre 2009) d’interdire la construction de nouveaux minarets sur le territoire helvétique, a provoqué un tollé général. Localement, les associations de défense des Droits de l’Homme ont estimé qu’une telle interdiction violait la liberté de religion. Cet avis est également partagé par le gouvernement fédéral, pour qui cette interdiction est de nature à ouvrir une brèche dans les lois anti discriminations. Notons à cet égard que dès avant l’issue du référendum, le Président du Conseil suisse des religions et du Conseil de la Fédération des Églises protestantes de Suisse avait affirmé : « Cette campagne contre les minarets est dangereuse parce qu’elle affirme que les différentes religions ne peuvent pas vivre ensemble et quelles doivent se battre entre elles. Mais nous devons nous rapprocher et devons apprendre à nous parler les uns et les autres. C’est ça le vrai défi ». Pour justifier leur position, les détracteurs de l’interdiction de construire des minarets se sont placés sur le terrain de l’article 72 de la Constitution fédérale suisse qui garantit la liberté des différentes communautés religieuses de la confédération.
Pour ce qu’il en est des Institutions Européennes, le Conseil de l’Europe (présidé par la Suisse depuis le 18 novembre 2009) estime que « l’interdiction de construire des minarets viole les Droits de l’homme». Pour sa part, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) considère que «ce vote aboutira à une discrimination envers les musulmans et portera atteinte à leur liberté de religion». Cet organe a même invité les autorités suisses «à examiner attentivement les conséquences de ce vote » et à faire ce qui est en leur pouvoir pour trouver une solution qui soit conforme au Droit international (sic). Notons enfin la position de la Ligue Arabe qui espère, elle aussi, une remise en cause du résultat du vote par des voies légales «en faisant appel aux autorités responsables et aux instances judiciaires comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme» (sic).
Ces débats illustrent en réalité l’égarement le plus complet des institutions internationales concernant la notion même des Droits de l’Homme. En effet, l’interdiction de construire des minarets ne s’oppose en rien à la liberté religieuse puisque les musulmans peuvent pratiquer leur religion dans leur domicile ou leurs mosquées. Les minarets n’ont jamais été un support de la spiritualité musulmane mais simplement un élément des mosquées ayant pour fonction de fournir un point élevé au muezzin pour appeler les fidèles à la prière cinq fois par jour (désormais, les minarets sont dotés de hauts parleurs à leur sommet).
Ainsi, non seulement l’interdiction de construire des minarets n’est pas de nature à porter atteinte à la liberté religieuse des musulmans mais encore, dans une société multiculturelle, c’est le minaret lui même qui porte atteinte à la liberté religieuse des non musulmans. De nombreuses personnes de la cité ne se sentent pas concernées par le système de foi musulman (et plus généralement par aucun système de foi). Aussi, se sentent-elles importunées (toujours au nom de la liberté religieuse ou de la liberté tout court) par des appels publics à la prière d’un groupe dont elles ne font pas partie. Sur ce point, l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme prévoit que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ». Les adeptes non musulmans doivent donc être respectés dans leur liberté individuelle, tout comme les personnes athées pour qui le mécanisme religieux doit nécessairement ressortir de la sphère privée.
En réalité, et au delà de l’interdiction de construire des minarets, c’est le respect du principe démocratique qui est remis en cause. Le peuple suisse est souverain et nul ne saurait critiquer son choix sauf à remettre en cause son droit à l’expression. Or, en cherchant à imposer la construction de minarets à un peuple qui n’en veut pas (au nom de sa liberté religieuse), les institutions européennes violent les Droits de l’Homme tout en refusant d’admettre que le vrai problème est celui d’un Islam qui fait peur.
L’Europe redoute en effet d’une part une radicalisation des musulmans en Europe et dans le monde (comme cela avait été le cas lors de la publication des caricatures de Mahomet au Danemark), et d’autres part des répercussions financières internationales compte tenu de la puissance économique des pays du Golf persique. Pour autant, en renonçant aux principes philosophiques élaborés au fil des siècles, l’Europe prend le risque de perdre son âme et à terme, de disparaître.
D’ailleurs, le mutisme dont a fait preuve la Commission des Droits de l’Homme la semaine précédente est tout à fait surprenant : une jeune fille soudanaise âgée de 16 ans a été condamnée dans son pays à une peine de 50 coups de fouet (sans avoir pu contacter parents ou avocat) pour avoir eu l’outrecuidance de porter une jupe qui laissait apparaître ses mollets (cette jeune fille était pourtant de confession chrétienne et ne relevait théoriquement pas de la Charia). De même, une journaliste soudanaise a été condamnée quelques mois plus tôt à une peine de 40 coups de fouets pour avoir porté un « pantalon indécent ». Personne ne s’en est pourtant ému (pas même la Ligue Arabe si attachée aux Droits de l’Homme) alors que l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme interdit « la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »...
Dans cet esprit de renoncement généralisé (et toujours pour maquiller les mêmes craintes), la Présidence suédoise de l’Union européenne a proposé de soumettre aux Etats membres le 7 décembre 2009, un document concernant le conflit israélo-palestinien dont l’objectif est d’aboutir à la création d’un Etat de Palestine « indépendant, démocratique, continu et viable qui comprend la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem Est pour Capitale ». Bien évidemment, l’Europe ne peux déposséder Israël de sa capitale éternelle ni violer sa souveraineté. Elle doit simplement favoriser la création d’un Etat palestinien souverain conformément au principe du Droit des Peuples à disposer d’eux même, c'est-à-dire sur les territoires sans souveraineté situés en Cisjordanie et à Gaza.
Pour l’heure, l’Europe est rongée par sa mauvaise conscience. En 1916, la Grande Bretagne a promis au Chérif de la Mecque Hussein de favoriser la création d’un grand royaume arabe indépendant, dirigé par la famille du chérif Hachémite en contrepartie de son aide pour renverser l’empire Ottoman. Dans le même temps, elle complotait avec la France pour se partager le Moyen Orient avec les accords secrets de Sykes-Picot du 16 mai 1916. En 1917, la Grande Bretagne allait encore trahir le monde Arabe en promettant la fondation d’un foyer National juif en Palestine (Déclaration de Balfour 2 novembre 1917). Enfin, l’Europe a achevé son ingérence au Moyen Orient en décidant de la partition de la Palestine le 29 novembre 1947.
Aujourd’hui, l’Europe doit comprendre qu’il n’est plus possible de revenir sur ce qui a été fait. Elle doit donc s’en tenir aux règles du Droit International et notamment l’interdiction de détruire une unité nationale et une intégrité territoriale (résolution 1514 et 2625 Onu) voire encore l’obligation de respecter le principe de non-ingérence, défini la Charte des Nations unies (Chap I, Arti 2.7). Israël n’a certainement pas à régler ses problèmes de conscience.