La nomination de l’Ambassadeur Ford à Damas payée en monnaie de Scuds
Par Marc Brzustowski
pour http://lessakele.over-blog.fr et www.aschkel.info
Jamais, de mémoire de diplomate, l’affectation d’un Ambassadeur dans une capitale du Moyen-Orient n’avait été l’occasion de gifles aussi cinglantes que répétées. Jamais le plus grand pays du monde n’avait baissé sa garde, au point de paraître couvrir un déploiement d’armes terroristes sans broncher.
Nous ne rêvons pas : aiguillé par une bonne dose de perversité, Bachar al Assad a trouvé la répartie à la Grand’messe de Washington sur la non-prolifération nucléaire : il a spécialement choisi ce timing pour alimenter le Hezbollah en missiles susceptibles d’atteindre la totalité du territoire israélien.
La question n’est plus de savoir s’il y aura une nouvelle guerre au Nord, mais plutôt : comment se fait-il qu’elle n’ait pas encore éclaté ?
La réponse à cette question est simple : la guerre asymétrique initiée contre Israël comporte autant des procédés terroristes que des composantes juridiques et diplomatiques aussi sophistiquées que les armes que délivrent les pays fournisseurs.
La seconde guerre du Liban, en 2006 a contribué à l’idée qu’on ne pourrait neutraliser l’armement du Hezbollah sans modérer la Syrie. GW Bush déléguait alors les Européens, dont Nicolas Sarkozy, pour tenter d’amadouer le cacique de Damas.
La manœuvre, bien entendu, n’échappait pas à Téhéran. L’Iran a calculé les bénéfices qu’il pouvait tirer d’un allié aussi choyé par ses pires ennemis. La Syrie est devenue la clé de voûte de la stratégie iranienne dans la région.
Ahmadinedjad peut ouvertement railler Obama, en lui disant qu’il a besoin de l’Iran pour rester au pouvoir. Il sait fort bien que lorsqu’Allaoui, l’Irakien ou Hariri le Libanais, prêtent allégeance au maître de Téhéran, c’est avec le plein consentement de la Maison Blanche. Derrière les déclarations de fermeté, une diplomatie de coulisses se donne libre cours. Bachar est intervenu, par exemple, pour désamorcer la tension houtie à la frontière saoudienne.
En octobre 2009, Bachar al-Assad a franchi une première étape-test : le magazineJane’s annonçait que la Syrie venait de fournir des roquettes M-600, variante syrienne du Fatah-110 iranien, au Hezbollah. Elles peuvent transporter une charge de 500 kgs sur une distance de 250 kms.
Une semaine après le passage de William Burns à Damas, Assad recevait Ahmadinedjad et Nasrallah. Le propos était clair comme le cristal : faire d’Hilary Clinton un objet de risée internationale.
En mars 2010, le Général Yossi Baidatz, a fait état du transfert de lance-missiles anti-aériens Igla-S, capables de détruire un engin israélien volant à faible altitude.
Cette fois, le Capitole bruisse de l’information selon laquelle Bachar a envoyé des cargaisons de Scud-D vers ses alliés chi’ites libanais. Ces engins peuvent couvrir une distance de 700 kms ; et leurs ogives sont conçues pour transporter des charges biologiques et chimiques.
Les pays impliqués vont-ils faire le bilan de leurs démarches diplomatiques désastreuses ? Au-delà de l’indignation feinte, c’est peu probable :
le Président américain est résolu à prendre le risque de perdre les élections au Congrès en novembre prochain, en accentuant les pressions contre Israël.
S’étant fortement impliqué comme protecteur de Bachar al Assad, il devient difficile, pour Sarkozy, de faire volte-face en reconnaissant s’être avancé précipitamment. Le Hezbollah devenu un parti de gouvernement, interfère désormais au plus haut niveau avec la politique française au Liban.
Deux clans se dégagent désormais à Washington : les sceptiques constatent que cette politique « de la main tendue » n’a conduit Assad qu’à exacerber les tensions. Désormais, envoyer l’ambassadeur Ford à Damas serait le pire signal que l’Amérique puisse émettre. Mais peut-elle se dédire ?
Les partisans du jusqu’auboutisme diplomatique pensent, au contraire, que son rôle pourrait être de calmer les ardeurs des futurs belligérants dans la prochaine crise qui s’annonce.
L’Iran, la Syrie, le Hezbollah sont plus près que jamais du point de non-retour.
Selon beaucoup d’observateurs, le conflit est devenu inévitable. Un Ministre israélien, dans le Sunday Times du jour, a fait savoir à Bachar el Assad que les infrastructures de son pays retourneraient à « l’âge de pierre », s’il prenait au Hezbollah d’utiliser un seul de ses missiles. La milice chi’ite n’est, désormais, plus considérée, à Jérusalem, que comme une « division de l’armée syrienne ».
Cette fois, Israël ne se contentera pas de bombarder préventivement les sites de missiles du Hezbollah. Tous les ports et aéroports syriens, les stocks de carburant, feront l’objet de pilonnages intensifs. L’infrastructure routière le long de la frontière poreuse entre la Syrie et le Liban sera rendue impraticable. La rupture de stocks entre les deux complices sera de durée variable.
Mais, il y aurait un avantage certain à neutraliser l’ensemble du matériel lourd du Hezbollah et de l’armée syrienne. La menace balistique réelle sur les villes israéliennes baisserait alors considérablement. L’opportunité serait alors créée pour permettre une frappe sur les installations nucléaires iraniennes.
Un tel scénario est certainement d’un prix élevé pour Israël. Mais à tout prendre, il ne doit guère être écarté de l’esprit de ses dirigeants, actuellement. Avec l’accroissement des efforts diplomatiques, un raid solitaire contre les installations nucléaires iraniennes paraît moins probable dans l’immédiat. La priorité pourrait donc être de desserrer le verrou du Nord.
Bachar souhaite continuer à initier la guerre chez ses voisins. Il n’acquitte aucun prix diplomatique pour ses provocations. Au contraire, il engrange d’autant plus de bénéfices.
A l’expérience, l’armée syrienne n’ayant pas combattu depuis 37 ans, elle pourrait bien s’avérer être le maillon faible de l’axe irano-hezbollahni. La logistique damascène éventrée, le Hezbollah se trouverait démuni de profondeur stratégique. L’Iran perdrait alors un atout-maître dans l’organisation du front du Levant contre Israël et l’Occident.
Le paradoxe reste qu’il n’y a, finalement, que l’actuelle diplomatie occidentale qui lui offre l’immunité suffisante pour concentrer son effort de guerre par procuration.