Manfred Gerstenfeld
Les résultats des dernières élections en France et en Grèce ont embolisé deux situations de crise en Europe. Le nouveau Président français, François Hollande, a annoncé que la France n’adhérera pas à l'accord d’austérité que son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy, a préparé avec la chancelière allemande Angela Merkel.
En Grèce, des partis qui ont signé le même accord d’austérité avec l’Union Européenne ont essuyé une défaite sans précédent, aux élections pour les 300 sièges du Parlement. Ensemble, le Pasok socialiste et la Nouvelle Démocratie (ND) conservatrice n’ont obtenu que 32% des voix. Grâce au bonus électoral, en tant que parti le plus important, la ND conserve 108 sièges. Avec les 41 du Pasok, cela n’est pas suffisant pour constituer une majorité. Les cinq autres partis n’affichent aucune volonté de les soutenir et peuvent ne pas collaborer du tout. Plusieurs sont d’extrême-gauche. A l’extrême-droite, l’Aube Dorée, des fascistes de la ligne dure, ont remporté 21 sièges. De nouvelles élections sont probables.
Pour obtenir une vision d’ensemble des conséquences, pour l’Union Européenne, de ces évolutions en France en Grèce, on doit d’abord analyser les deux crises structurelles européennes, respectivement, celle de l’Euro et celle de l’Union Européenne elle-même. Il est aussi nécessaire de comprendre les problèmes passés autant que le grand nombre de nouvelles préoccupations qui, indubitablement, émergeront dans l’avenir.
La crise de l’Euro est structurelle. Dix-sept pays de l’UE partagent cette monnaie commune, bien que la configuration de leurs économies et leurs systèmes fiscaux soient très différents. Leurs propres cultures divergent aussi énormément. Les pays du Nord, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande font preuve d’une bien plus grande discipline politique que, pour ne citer qu'eux, la Grèce, l’Espagne et l’Italie. L’introduction de l’Euro comme monnaie unique en 2002 a rendu la dévaluation impossible. Pourtant, cela constitue le principal remède pour que des pays deviennent plus compétitifs.
L’aspect le plus aigü de la crise de l’UE découle de celle de l’Euro. Cela alimente l’activisme des partis anti-européens, que l’on peut, essentiellement, trouver à l’extrême-gauche et à l’extrême-droite. En France, c’était, jusqu'à présent, moins prononcé qu’en Grèce. Pourtant, au cours du premier tour de l’élection présidentielle française, Marine Le Pen, dirigeante du Front National (nationaliste), a obtenu plus de 18% des suffrages. Le fait qu’elle remise au placard l’antisémitisme de son père –l’ancien dirigeant du FN- l’a aidé à devenir beaucoup plus acceptable aux yeux de la société française.
Les problèmes structurels de l’Union Européenne, cependant, vont bien au-delà de la crise de l’Euro. L’idée originelle d’une Europe plus unie était juste. Les Européens devraient collaborer, plutôt que de s’entretuer, comme cela s'est produit, au cours des deux guerres mondiales. Mais, graduellement, l’UE a glissé vers une bureaucratie non-démocratique qui passe outre l’avis des parlements nationaux élus et qui est largement rejetée par les citoyens européens.
Les raisons pour lesquelles il sera difficile de surmonter les tensions françaises et grecques à l’égard de Bruxelles, diffèrent. Hollande ne peut pas trop s’aliéner sa plateforme électorale. Il s’oppose à des mesures d’austérité qui ne proposent pas de mesures assurant la croissance. Les prochaines élections législatives en France se dérouleront en juin. Hollande a besoin d’une majorité socialiste pour éviter de dépendre de ses alliés, tels que les Communistes, le Front de Gauche (Mélenchon) ou les Verts.
En Grèce, l’opposition aux mesures d’austérité imposées par l’UE est très large. Elle s’exprime de nombreuses manières. La violence et le fait de désigner les Allemands d’aujourd’hui comme des « Nazis » - comme on l'a fréquemment entendu, lors de manifestations à Athènes- affecte le tourisme, la plus grande source de devises étrangères du pays. Le nombre de touristes allemands a chuté d’environ 50% -1-. Cela aggrave encore un peu plus la situation économique du pays, déjà fortement dégradée.
Durant le même laps de temps, divers experts prennent, de plus en plus régulièrement, l’Eurozone pour cible. Quelques exemples : Thomas Meyer est le directeur et économiste sortant de la plus grande banque d’Allemagne, la Deutsche Bank. Il a déclaré que si l’Espagne et l’Italie ne pouvaient pas respecter leurs engagements, l’Eurozone devrait être dissoute. Mayer a ajouté que si la Grèce se comporte de façon irresponsable, elle irait à la banqueroute. Il a précisé que le destin de l’Euro se jouera dans l’année en cours -2-.
Franz Fehrenbach, Directeur exécutif sortant du plus grand fournisseur de pièces détachées pour l’automobile, Bosch, a affirmé que la Grèce ne rembourserait aucune de ses dettes -3-. Chaque jour, s’expriment toujours plus de doutes que la Grèce puisse se maintenir au sein de la zone Euro. Le membre du bureau directeur de la Banque Centrale Européenne, Jörg Asmussen a indiqué que si la Grèce ne veut pas respecter ses engagements, elle devrait quitter la zone Euro -4-. Otto Fricke, l’expert économique du Parti Libéral allemand, le FPD, qui fait partie du gouvernement allemand, a déclaré que le fait que la Grèce aille droit à la banqueroute n’effraie plus personne -5-. Le Ministre des finances allemand, Wolfgang Schauble a annoncé qu’il n’y aurait plus de financement supplémentaire de la Grèce, si elle ne se conforme pas à ses engagements -6-.
Au même moment, l’Allemagne et Merkel dominent la scène européenne. L’Euro a rendu le pays leader de l’E.U encore plus compétitif. L’Allemagne est également le plus grand fournisseur de garanties en direction des pays les plus faibles. Son rôle dominant en plein essor, cependant, conduit à de plus amples ressentiments de la part des autres pays européens. Cela sera une source supplémentaire de tensions croissantes au sein de l’Union Européenne.
Le Dr. Manfred Gerstenfeld préside le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem. Il a publié 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme
Adapté par Marc Brzustowski
“Deutsche meiden Griechenland,” Die Welt, 27 April 2012. [German]
Madeleine Nissen and Hans Bentzien, “Deutschland muss sich fragen, ob es den Euro will,” The Wall Street Journal.de, 2 May 2012 [German].
“Bosch-Chef schreibt Rückzahlungen der Griechen ab,” Die Welt,26 April 2012. [German]
“EZB spricht erstmals offen von Athens Euro-Aus,” Die Welt, 9 May 2012. [German]
“Pleite Griechenlands hat ‘Schrecken Verloren’”, Die Welt 10 May, 2012 [German]
“Griechen sollen sparen oder gehen,” Die Welt 10 May, 2012. [German]