La duplicité, une arme redoutable dans les relations internationales
Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
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Le 1er juin 2012, le Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu a voté une résolution visant à confier à la commission d’enquête indépendante sur la Syrie, le soin de mener une enquête spéciale sur le massacre de Houla (survenu le 25 mai 2012), afin de déterminer s’il constituait « un crime contre l’humanité » (108 personnes ont été abattues dont une cinquantaine d’enfants). Le but est de rechercher l’auteur de l’attaque (menée de manière délibérée et en toute impunité contre les civils), de lui faire assumer les responsabilités et d’examiner s’il existe bien une violation des Droits de l’Hommes. Or, les positions divergent entre les Etats-Unis et l’Europe d’une part, et celles défendues par le bloc formé par la Syrie, l’Iran la Chine et la Russie d’autre part, chez qui il apparait une certaine hypocrisie, voire de la mauvaise foi. Le régime de Bachar Al Assad affirme être parfaitement étranger à ces évènements et pour la Russie et la Chine (partenaires économiques, industriels, stratégiques de l’Iran), il n’est pas question de nuire au satellite syrien de l’Iran. La duplicité des divers responsables politiques apparait en fait, comme constituant une arme redoutable en ce qu’elle conduit à une paralysie complète de la situation, sans jamais tenir compte des aspirations de la population syrienne.
Pour se dédouaner, la Syrie a tout d’abord décidé de procéder elle-même, à une enquête gouvernementale. Sans surprise, les conclusions (solidement argumentées), exonèrent les militaires et les partisans du pouvoir et leur dénient toute implication dans les meurtres commis. L’enquête rappelle à titre liminaire que les victimes civiles ont péri par exécution à « bout portant ou par armes blanches » et non sous les bombardements des obus de l’armée, ce qui constitue une preuve de l’absence de responsabilité de l’armée qui utilise exclusivement des armes lourdes (sic). Le document mentionne également que le gouvernement syrien a, le 12 avril, décrété un cessez-le-feu, qui, s’il n’est pas respecté, c’est par l’ASL ou le CNS qui déchainent leurs attaques quotidiennes contre les militaires et les civils…De plus l’enquête se livre à un examen minutieux du nombre de personnes tuées et a pu se convaincre de ce que les corps enveloppés dans un linceul (dont la photo a fait le tour du monde) ne sont pas ceux de personnes froidement abattue à Houla ou Tolda mais ceux des membres de l’armée libre de Syrie qui ont été tués dans des combats avec l’armée ( la photo n’est qu’un montage truqué destiné à salir le gouvernement de Bachar Al Assad). Pour preuve « Le lieu du massacre se trouvait dans une zone infestée de gangs armés, où les forces de l’ordre n’ont pénétré ni avant, ni après le massacre ». L’enquête a enfin mis en lumière, un nombre important (parmi les victimes) de personnesappartenant à des familles « qui refusaient de s’opposer au gouvernement ou étaient en désaccord avec les groupes armés ». (En somme, ce sont des insurgés qui ont commis ces exactions contre les partisans du régime, non l’inverse). Conclusions : les auteurs du massacre sont bien les bandes armées, aidées par les Américains, les Européens, les Turcs et les « pétro-monarques » du Golfe, et ce, pour faire le jeu d’Israël, bien que Kofi Annan refuse de l’admettre (sic).
Pour leur part, les alliés russe et chinois de l’Iran ont voté contre la décision de mener une enquête sur les évènements de Houla en faisant également preuve d’une certaine hypocrisie dans l’analyse de la situation. Le Président Russe Vladimir Poutine conteste l’efficacité des sanctions qui seraient prises par le Conseil de Sécurité de l’Onu contre le régime syrien (et réaffirme son soutien à la médiation de Kofi Annan qu’il ne considère pas comme contre productif ni voué à l’échec. Aussi, et dès avant sa rencontre le 1 juin 2012, avec le Président François Hollande, Moscou avait confirmé par la voix du vice-ministre russe des Affaires étrangères Guennadi Gatilov être « catégoriquement opposée à toute intervention extérieure dans le conflit syrien qui ne ferait qu’aggraver la situation avec des conséquences incalculables pour la Syrie et le reste de la région ». Poutine a alors réitéré son refus de la proposition du Président français qui exige l’éviction préalable de « Bachar Al Assad », et toutes mesures contre la Syrie prises « à des fins déstabilisatrices et bellicistes ». D’ailleurs, le départ forcé de Bachar signerait le début d’un « processus de décomposition du pouvoir syrien, accéléré par tout ce que le pays compte de bandes armées islamistes ».
Bien évidemment, la position prise par la Russie l’est pour éviter de froisser son partenaire commercial privilégié qu’est l’Iran à qui il apporte son soutien et sa technologie en matière nucléaire (la centrale de bouchher a été inaugurée en septembre 2011). Par ailleurs, la condamnation du régime syrien eut été d’autant moins opportune que Moscou poursuit ses livraisons d’armes au régime de Bachar Al Assad (condamné par l’Ambassadrice a l’Onu Susan Rice qui a néanmoins précisé qu’aucun embargo n’avait été décrété contre la Syrie et qu’ainsi, cette livraison ne violait pas les dispositions internationales).
De même, la Chine est un partenaire commercial important de l’Iran qui l’approvisionne en gaz et pétrole et qui achète ses produits manufacturés. Aussi, et pour éviter de froisser Téhéran, il était donc logique que Pékin s’oppose à toute intervention militaire en Syrie, et qu’il ne soutienne « aucun changement forcé de régime » ni même n’expulserait de son pays l’ambassadeur syrien à Pekin. Une fois encore, et de façon bien hypocrite, la Chine a confirmé sa confiance dans le plan de paix d’Annan médiateur international pour la syrie…. (alors que chacun sait qu’il ne verra jamais le jour à défaut de décision concertée et unanime des acteurs régionaux puisqu’il réclame un arrêt des violences, la fourniture d’aides humanitaires aux zones touchées et la libération des personnes détenues arbitrairement…).
Enfin, Mahmoud Ahmadinejad a également livré son analyse de la situation qui transpire d’hypocrisie, même s’il dénonce à juste titre, les failles du système économique occidental. Dans un entretien sur France 24 (du 30 mai 2012), il s’est une nouvelle fois déclaré « l'ami de tous les peuples », mais également « attristé par la situation économique difficile en Europe », et a même proposé ses services pour changer la gouvernance mondiale, qui « va mal ». Concernant la Syrie, Ahmadinejad s'est dit « attristé » par le massacre de Houla d’autant que : « Cela fait deux ans que les peuples de la région sont sous pression. C'est le droit de tout peuple d'être libre et d'avoir accès aux élections libres, et cela ne doit pas souffrir d'exception. Celui qui a perpétré ce crime est condamnable, quel que soit son objectif ». Pour autant, le président iranien refuse l'idée que le régime de Bachar Al-Assad ait pu perpétrer ce massacre, ne se privant pas d’en imputer la responsabilité aux pays occidentaux (et certains pays de la région), qui, selon lui, tentent d'interférer dans les affaires de Damas. Dans un élan de compassion à l’égard du peuple syrien, le Président Ahmadinejad a même lancé : « Je trouve impensable qu'un gouvernement puisse tuer son propre peuple. Le gouvernement n'en tirerait aucun avantage » (sic).
Mahmud Ahmadinejad n’a pas l'intention de lâcher son fidèle allié syrien, instrument de son assise régionale, ni n'entend confier les rennes du pouvoir à l’islamisme sunnite radical qui lui ferait ombrage. La Chine et la Russie ne veulent pas d’un amoindrissement de l’influence du régime des mollah, et caressent même de proposer au monde, un mode alternatif de fonctionnement substitué au système occidental, mal en point. Alors, pas de vote contre la Syrie. Dans le doute, abstiens-toi ! Le peuple syrien peut bien attendre.