Stéphane Hessel est en train d’être traduit en chinois. Un texte sur « l’invincibilité de la non-violence » accompagnera cette nouvelle édition de son opuscule indigné qui sera en outre augmenté du plaidoyer de Michel Rocard, Edgar Morin, Peter Sloterdijk et Richard von Welzsäcker qui était paru dans Le Monde et prétendait en faire un Prix Nobel de la Paix.
Depuis les années soixante, le pacifisme est devenu une valeur marketing qui sert à vendre des t-shirts et autres colifichets pour adolescents. Du politicien au chanteur, les camelots du bon sentiment cachent leur manque de réflexion politique derrière des dessins de colombe. Dans le même temps, on se rappelle qu’un terroriste revendiqué comme Yasser Arafat avait reçu un demi-Prix Nobel de la Paix. Shalom, shalom, ve eyn shalom… se lamentait Jérémie (VI, 14). L’incantation de la paix n’est pas la paix et ce n’est pas en appelant « processus de paix » les agressions politiques, idéologiques et militaires envers l’état d’Israël que l’on œuvre véritablement à la paix. On se demande d’ailleurs quel sens le mot « paix » peut avoir pour l’hégémonisme politico-religieux du monde arabo-musulman. Reste que le mot lui-même est porteur de valeur : il suffit à ranger son proférateur parmi les hommes de vertu. Il est certes confortable de s’identifier à la vertu. Et sur le plan narcissique, le désir altruiste d’épopée collective — surtout par procuration — est souvent plus fort que la capacité à discerner. Pourtant, en s’y mettant à quatre, le fan-club Rocard-Morin-Sloterdijk-Welzsäcker devrait savoir lire ce que Hessel écrit sur la paix dans sa brochure.