Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
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Depuis le résultat des élections de la 19ème Knesset tenues le 22 janvier 2013, la question se pose de savoir ce qu’il adviendra des perspectives de paix avec les palestiniens. Le paysage politique israélien s’est considérablement modifié avec une expression polaire qui s’est davantage focalisée sur les besoins individuels immédiats en terme de logements, d’éducation, d’emploi, de protection sociale, de circonscription militaire…Benyamin Netannyahou, dont le parti a remporté le plus grand nombre de voix, dispose, depuis cette date, d’un délai de 28 jours pour composer son gouvernement.
S’agissant de la position à adopter à l’égard des palestiniens, les différentes composantes de la Knesset ont des avis divergents : le parti Likoud Ysrael beteinou de Benyamin Netanyahou (31 sièges) accepte, « du bout des lèvres », le principe d’un Etat palestinien mais refuse de négocier sur les « implantations ». Pour le parti centriste laïque « Yech Atid » (il y a un futur) de Yaïr Lapid (qui a fait une entrée fracassante avec le gain de 19 siège), un État palestinien doit être mis en place, les implantations juives en Judée Samarie annexées, la capitale Jérusalem rester indivisible, et ce qui est couramment appelé « le droit au retour des Palestiniens » radicalement exclu. Pour le Foyer juif de Naftali Bennet (12 sièges), il convient d’annexer la Cisjordanie sans pour autant qu’un Etat palestinien voit le jour, ce que partage le parti Shass d’Eli Yshai (11 sièges). Inversement, le Parti travailliste de Shelly Yachimovich (15 sièges) est favorable aux négociations qui emportent des concessions, tout comme le parti Hatnoua de Tsipi Livni ( 6 sièges).
S’agissant de la scène internationale, toute initiative visant à faire progresser le processus de paix est vivement encouragée : les États-Unis, parrain du processus de paix, n’ont pas manqué de réaffirmer leur attachement à une « solution à deux États », et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, regrette « l'intérêt assez mineur » accordé dans la campagne au conflit, souhaitant que l’année 2013 soit celle des négociations engagées avec les Palestiniens.
Bien évidemment, pour négocier, il faut être deux. Aucune mesure sur cette question ne pourra être prise sans consultation préalable de la partie palestinienne. Il est donc indispensable de s’en inquiéter. Yasser Abed Rabbo, secrétaire général du Comité exécutif de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine), a affirmé que les Palestiniens étaient «disposés à ouvrir un dialogue sur la prochaine étape avec les partis israéliens qui y sont prêts». Selon d’autres responsables du Fatah, les palestiniens « s'attendent à l'émergence ou à la résurgence d'une coalition de paix ou d'un camp de la paix » (même si l’intitulé de l’Organisation de libération de la Palestine est en parfaite contradiction avec toute négociation de paix avec Israël, tout comme l’est la Charte du même nom toujours en vigueur).
L’inconvénient résulte toutefois de ce que les palestiniens ne sont plus conviés à des élections depuis de nombreuses années (ce qui est d’ailleurs en parfaite violation avec les institutions palestiniennes). Il est donc impossible de connaître leur disposition d’esprit, et notamment s’ils se rangent plutôt du côté de Mahoud Abbas favorable à une reprise des négociations (même dans des conditions préalables inacceptables : partage de Jérusalem et une assiette « dites » des frontières de 1967), ou derrière le Hamas opposé à toute négociations de paix avec Israël.
Aussi, le seul moyen de prendre la température de la rue palestinienne consiste à analyser les déclarations des responsables politiques. Or, celles-ci ne militent hélas pas en faveur d’une reprise des négociations de paix. L’Etat juif peut donc raisonnablement faire preuve d’un certain scepticisme sur la question.
Pour s’en convaincre, il convient tout d’abord de reprendre les déclarations du Hamas dans son commentaire du résultat des élections israéliennes : « Malgré les grands changements sur la carte politique israélienne, ces partis s'accordent dans leurs programmes sur la poursuite de l'agression et de la négation de nos droits nationaux, et le Hamas y fera face en augmentant l'unité nationale et en activant l'option de la résistance ».
En réalité, non seulement le Hamas n’est pas disposé à engager des discussions de paix mais en outre, il est même persuadé de la fin prochaine de l’entité sioniste. Le 24 janvier 2013, le chargé des relations internationales du Hamas a affirmé que « le projet israélien (était) éphémère, et que la prochaine victoire (serait) pour le peuple palestinien et pour sa résistance, qui a sacrifié le sang de ses fils et résisté à la machine de destruction israélienne ». En terme de délai, il a même pronostiqué « ce qui reste de l’âge de l’entité ne dépasse pas les dix ans, notre prochaine rencontre aura lieu à Jérusalem, si Allah le veut, et nous préparons également les plans pour atteindre cet espoir, si Allah le veut ». Il a alors conclu son propos de la façon suivante : « la cause palestinienne est la cause de toute la nation et nous n’allons pas abandonner les principes et les constantes palestiniennes. Parmi nos constantes, le jihad est le seul moyen pour récupérer notre pays ».
On ne saurait être plus clair.
De même, le 26 janvier 2013, l'aile militaire du Mouvement du Jihad islamique dans la bande de Gaza a annoncé que « le sang des martyrs restera une malédiction qui chassera les envahisseurs occupants partout, et éclairera les Moudjahidins vers le chemin de l'honneur et de la dignité, mettant l’accent sur la poursuite de la résistance jusqu'à la libération de toute la Palestine bien-aimée » (même remarque).
S’agissant des arabes et des palestiniens résidant en Israël, citons les déclarations du 25 janvier 2013, du Cheikh Raed Salah, président du mouvement islamique dans ce qu’il considère être « les territoires palestiniens occupés depuis 1948 » (Israël). Dans son sermon lors de la prière du vendredi à proximité de Jérusalem, il a soutenu que l’occupation (était) injuste et qu’elle prendrait fin, en ce compris la ville de Jérusalem (el-Qods) et la mosquée d'Al-Aqsa, concluant : « L'injustice et ses pratiques vont cesser parce nous sommes les titulaires du droit, et l'occupation prendra fin, sans regret, malgré les forces militaires et de renseignements israéliens ». Diffusés sur le territoire israélien, ces propos n’encouragent pas à l’optimisme.
Enfin, le 25 janvier 2012, des militants palestiniens ont réussi à franchir la clôture de sécurité de l’implantation d’Eliezer au sud de Bethléem, y sont entrés et ont levé des drapeaux palestiniens, à l’origine d’affrontements avec Tsahal.
L’opinion palestinienne qui s’exprime en dehors des urnes, parfaitement constante, doit être prise en compte : le juif est un colon c'est-à-dire un occupant sans droit ni titre qui doit partir. Les forces de Tsahal sont reprises sous l’appellation de « force d’occupation » et Israël est considéré comme « la Palestine occupée depuis 1948 ».
Bien évidemment, les responsables politiques internationaux vont s’évertuer à encourager les négociations de paix sans tenir compte de la position locale, sans mesurer à quel point le principe de la paix avec Israël est incompatible avec la philosophie palestinienne, à l’origine d’une perte de temps, d’énergie, et d’illusions sans lendemain.