Repris avec excellence par Aschkel
Le “Croissant chi’ite”, brisé à Damas, tente de maintenir l’objectif final : rayer Israël de la carte
Par Marc Brzustowski
Pour © 2011 lessakele et © 2011 aschkel.info
Dans une vidéo très explicite (lCl), le Député Hezbollah, Général Sakariya, définit le rôle de la Syrie dans l’entreprise de destruction d’Israël, planifiée par ses maîtres, les Ayattolah, pères des « Brigades al Qods ». Le projet date de l’ère Khomeiny : une fois un pouvoir « ami » installé à Bagdad et Bachar ayant écrasé son peuple, plus rien ne s’opposera à l’acheminement de troupes iraniennes sur le Golan ni à l'objectif de rayer définitivement Israël de la carte.
A l’heure qu’il est, ce fameux « Arc » ou « Croissant » chi’ite connaît plus de déconvenues que de réussites. Assad a bien écrasé dans le sang la ville sunnite de Hama, dès le 1er jour du Ramadan. Il s’est, ensuite, lancé à l’assaut de Deir al Zour, à l’Est, vers la frontière irakienne, et, presque simultanément, au Nord, sur la frontière turque. Mais les tanks entrent, bombardent, massacrent, écrasent, et les protestations reprennent :
Ce vendredi, les principales villes de Syrie, Alep, Latakiyeh, les faubourg de Damas, sont, à nouveau, entrés en éruption. 25 000 manifestants sont signalés à Qamlishi, bastion kurde, de larges mouvements à Selmiyah et Qalat al Madiq, périphéries de Hama, Harasta, Talbisa, encore Deraa, dans le Houran, etc.
En clair, aussi féroce soit-elle, la répression ne parvient jamais qu’à rouvrir la boîte de Pandore de la révolte, partout ailleurs, pendant que les centres touchés pansent leurs plaies béantes. Aucune mise à mort massive pour l’exemple ne frappe assez les esprits pour dissuader les insurgés permanents, depuis mars.
Pire, en détruisant villes et village frontaliers, comme Deir-al-Zour, l’armée syrienne chasse les populations des tribus locales qui doivent se réfugier chez de proches cousins, comme dans le Anbar irakien. La confédération tribale al-Baqara, dont le chef Al-Béchir est retenu en otage par le régime, comporte plus de 30 subdivisions et un million de membres très en colère. Cette tribu s’étend dans tout le Anbar irakien voisin. C’est avec elle que Bachar avait trouvé accord en enrôlant ses membres dans le Jihad contre les troupes américaines en Irak, à partir de 2003. C’est dans ce même Anbar, qu'ont émergé les Conseils de l’éveil sunnite, dans la négociation avec le Général David Petraeus. Ils ont éradiqué Al Qaeda dans cette province, puis contribué à la reconquête de toutes les autres. Certains résidents de Deir-Al-Zour ont prédit au New York Times, que si jamais Assad s’attaque à la ville, « toutes les tribus des autres provinces sortiraient se battre contre le régime ». D’abord rhétorique, cette prédiction semble se répandre comme une traînée de poudre, ne laissant jamais une seule journée de répit à une armée exténuée à courir en tous sens. Le principe de la fourmilière semble, chaque fois, reprendre le dessus sur la stratégie de l’éléphant dans un magasin de porcelaine civique et ethnique.
Même si les menaces de la Turquie et de l’Administration Obama sont sans effet sur le bourreau de Damas, celui-ci n’en est pas moins, confronté à une impasse. Elle ressemble fort à un projet d’autodestruction jusqu’au dernier syrien.
Le contrecoup sur le moral de ses alliés, Hezbollah et Iran, n’est pas de meilleur augure :
- Dans ce qui ressemble fort à une tentative de meurtre contre l’avocat Alain Sarhal, à Beyrouth, deux hommes de main du Hezbollah ne sont parvenus qu’à se faire déchiqueter menu par leur propre bombe, jeudi 11 août.
- Cette maladresse de plus s’ajoute à une longue série noire pour la milice chi’ite libanaise : arrestations internes au plus haut niveau du mouvement et de sa branche armée, depuis fin juin ; explosion mystérieuse en plein centre du fief du Hezbollah, il y a un plus d’une semaine ; inculpation par le Tribunal Spécial, du successeur d’Imad Moughniyeh, Mustapha Baddredine et de 3 de ses complices ;
- De son côté, l’Iran n’est pas en reste, dans ses velléités de conquête. Les Pasdaran d’Al Qods se sont lancés dans une entreprise d’éradication des rebelles kurdes des montagnes irakiennes, le 16 juillet. Moins d’un mois plus tard, les agences de presse officielles iraniennes reconnaissent à demi-mot, des pertes « importantes » et la mort de plusieurs officiers supérieurs, jusqu’au grade de général. Le PJAK kurde ne ménage pas la propagande panchi’ite : ce groupe annonce au moins 300 morts chez les Gardiens de la Révolution et donne les noms et grades des officiers supérieurs qui ont mordu la poussière, lors de cette aventure.
- Ajoutons que l’ingénieur en chef du Hamas, Abu Sisi, kidnappé en Ukraine, en février, révèle absolument tout ce qu'Israël veut savoir sur le Hamas sans jamais avoir osé le demander.
Sur le plan stratégique, l’Axe irano-syrien a, d’ores et déjà, perdu un aide de camp de poids dans la région : la Turquie. Ce qui n’en fait pas, pour autant, un allié d’Israël, disons simplement, une puissance ambivalente.
L’actuelle entreprise d’Assad pourra t-elle aller jusqu’à rendre son propre pays exsangue de tout contrepoids politique, interconfessionnel et ethnique, pour faire place nette, en vue de l’édification du pont Iran-Irak-Syrie-Liban, rêvé tout haut par le Général Hezbollahni Sakariya ? Déjà le Général-Ministre Ali Habir, Sunnite, a dû être remplacé par le Chrétien Saoud Rahja, dans la planification de la terreur contre la population syrienne. Les piêtres contre-performances des Pasdaran dans le Kurdistan irakien, contre une petite armée de rebelles, démontrent à l’envi que le contrôle de l’Irak, même avec l’aide d’Al Qaeda et des filiales locales du Hezbollah, n’est pas à envisager dans les temps à venir.
La « toile d’araignée » de l’Axe irano-syrien ne doit sa survie qu’aux compromissions répétées des Occidentaux, le Président Sarkozy en tête, lorsqu’il courtisait Bachar par l’entremise du marchand d’armes franco-libanais Takkiedine. L’Europe et les Etats-Unis sont en pleine panade économique et font rire les oppresseurs de toute la planète. Leurs alliés libyens assassinent leurs contradicteurs, comme le Général AbdelFatah Younès, sans jamais inquiéter les six petites brigades du tyran Kadhafi. La Turquie multiplie les rodomontades contre Assad, comme lors de la visite tragi-comique de son Ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu à Damas.
Il n’y a donc pas de réel contrepoids aux ambitions des Mollahs dans la région, exceptées les foules syriennes irréductibles, les aspirations à l’autonomie des minorités opprimées, comme les Kurdes et la capacité militaire d’Israël à faire front à la moindre alerte sérieuse. Le Moyen-Orient apprend à régler ses comptes dans le sang, à l’exception d’une Europe et d’une Amérique inconsistantes à brandir autre chose que des menaces verbales ou des escapades militaires aussitôt enraillées et embourbées dans les discordes tribales qui ne les regardent pas.
Par effet- boomerang, après l’invasion américaine de l’Irak, de 2003, c’est, désormais cet axe irano-syrien qui est soumis aux règles de la guerre contre-insurrectionnelle qu’il imposait hier aux troupes venues d’Outre-Atlantique. C’est l’envahisseur pan-chi’ite qui est contesté et contenu dans ses entreprises, incapable d’imposer sa loi aux peuples locaux.
Le projet tout entier de « l’Arc chi’ite » est confronté à l’effondrement de pans entiers du Mythe qui le constitue.
Pour Israël, c’est à la fois, la preuve qu’il vaut mieux un « petit chez soi, viable, qu’un grand chez les autres », et le signe patent que l’Arc peut être brisé, sans même avoir besoin d’un déploiement militaire énorme pour y parvenir. Y mettre un terme définitif requerra de l’audace et surtout, ne pas trop compter sur des Occidentaux pusillanimes, qui ont rencontré les limites de leur crédibilité, lors de ce « printemps arabe ». Les conseilleurs ne sont jamais les payeurs…