Un point de vue sur les évènements qu'on pourra trouver bien optimiste.
LE SENS HISTORIQUE DES REVOLUTIONS DANS LE MONDE DE L’ISLAM
Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach
Pour
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En ce début février 2011, la révolution de Jasmin menée en Tunisie (janvier 2011) est en passe de se généraliser dans l’ensemble des pays islamiques, où les mouvements de protestations populaires devraient créer une situation irréversible dans la perception de la religion de Mahomet et de sa vocation dans le monde. L’expression populaire musulmane, par son choix démocratique, modifie la projection théocratique que livrent les théoriciens de l’Islam, religion qui devrait cesser d’être le seul repère dans les pays musulmans, supplantée par la volonté individuelle amenée à devenir prépondérante.
Cela concerne bien évidemment l’Egypte où le Président Hosni Moubarak est pressé par son peuple, de renoncer au pouvoir. Le Président Américain Obama s’est depuis de nombreuses semaines déclaré en faveur de ce départ, et une nouvelle fois le 4 février 2011. Il en est de même de l’Union Européenne ou encore du Haut commissaire aux droits de l’homme Navi Pillay, qui se sont exprimés pour une transition démocratique immédiate dans le pays.
S’agissant de la Jordanie, le roi Abdallah a dissous le gouvernement du Premier ministre Samir Rifai le 1er février 2011, et nommé à ce poste Maarouf Bakhit (qui avait déjà occupé cette fonction entre 2005 et 2007), le chargeant de former un nouveau gouvernement, et de mettre le pays sur la voie de «réelles réformes politiques» afin de répondre aux demandes des manifestants «en faveur de la démocratie». Une fois encore, la décision a été prise à la suite des multiples manifestations et protestations populaires contre la hausse des prix, le chômage et la pauvreté dans la capitale Amman comme dans les villes de Maan, Karak, Salt et Irbid...
La Syrie est également touchée par ce mouvement de grogne générale du monde arabe avec un appel à manifester, ce 5 février 2011, à Damas devant le siège du Parlement, à Alep, deuxième ville du pays, ainsi que devant les ambassades de Syrie des capitales arabes et européennes. Les groupes d'opposition protestent une fois encore contre l´oppression, la tyrannie et la corruption du régime syrien (même si la date choisie vise à rappeler le souvenir des bombardements du 5 février 1982 de l'armée syrienne contre les Frères musulmans dans la ville de Hama, qui ont fait plus de 30 000 morts).
Le Yémen n’est pas non plus en reste. Des manifestations lancées par les partis d’opposition et les activistes des droits de l’homme dénoncent la pauvreté, la corruption, l’illettrisme, la faiblesse de l’économie et l’éducation catastrophique. Le Président Ali Abdallah Saleh (au pouvoir depuis plus de 32 ans) a ainsi décidé de ne pas briguer un nouveau mandat aux prochaines élections en 2013 (d’autant que la Constitution lui fait interdiction de se représenter une troisième fois consécutivement). Le Président yéménite a également assuré mettre en place des élections au suffrage universel direct pour les gouverneurs des provinces, ce qui donnerait à la population un plus grand poids dans la politique régionale.
La révolution est également en marche en Algérie même si elle peine à se mettre en place. Des dirigeants de l'opposition, des groupes de défense des droits de la personne, des syndicats, des étudiants et des chômeurs ont appelé à une manifestation le 12 février 2011 (pour l’heure, interdite par le gouvernement). L’objectif est de mettre fin à l'état d'urgence en vigueur depuis 1992, et d’amener le gouvernement à autoriser de nouveaux partis politiques et à faire preuve d’une plus grande transparence. Une fois encore les revendications dénoncent la souffrance et la misère de la population, en dépit de la fortune amassée par l’exportation des hydrocarbures.
On peut également citer l’Irak qui n'est pas à l'abri du vent de révolte qui souffle sur les pays arabes avec les dignitaires religieux qui appellent à une plus grande justice sociale. Le représentant de l’ayatollah Ali al-Sistani, le plus influent dignitaire chiite irakien dans la ville chiite de Kerbala (au sud de Bagdad) a averti : « Nous ne pouvons affirmer que ce qui s'est passé dans les pays arabes n'arrivera pas en Irak, même si le régime est démocratique ».
Cette évolution devrait (théoriquement) s’étendre prochainement à l’Iran où la situation économique est désastreuse : réduction des investissements (en particulier dans les domaines pétrolier et gazier), chômage, institutions économiques au bord de la faillite, retard dans le paiement des salaires, baisse de la production, absence d'organisations indépendantes de travailleurs, répression violente des manifestations apolitiques, pouvoir d’achat en baisse…Lors de son premier mandat, Ahmadinejad avait dissous l'organisation de la planification et du budget pour éliminer les institutions chargées de surveiller les dépenses du gouvernement, au profit des Gardiens de la révolution qui exercent un rôle prépondérant dans l’industrie et les services, étouffant la concurrence dans l'économie iranienne. Les conditions sont donc réunies pour un renversement populaire prochain, d’autant que le niveau d’instruction de la population est très élevé…
Bien évidemment, les révolutions menées par la jeunesse musulmane ne sont pas uniquement politiques mais également culturelles et cultuelles. Muslim (musulman) signifie « soumis à Dieu ». Or, les mouvements de révoltes dans la jeunesse musulmane sont un moyen de s’extraire du carcan intellectuel et dogmatique de l’Islam dans la mesure où, en Islam, il n’y a pas de dissociation entre le sacré et le profane. Sur ce point, le mouvement de la jeunesse musulmane est à rapprocher de la décision, dans de nombreux pays catholiques, de séparer l’Eglise et l’Etat, il y a de cela un siècle. Par ailleurs, les révolutions musulmanes sont individualistes. Les jeunes musulmans réclament des libertés, du pain, du travail et de la démocratie. Ils sont souvent instruits, accèdent aux médias par satellite, naviguent sur internet, communiquent dans le monde entier par l’intermédiaire du support facebook. Ils réclament donc des prérogatives comme celles dont jouissent les populations de la jeunesse dans le monde occidental. Enfin, la jeunesse musulmane prend conscience de son rôle social et politique et de ses potentialités. Elle peut ainsi déterminer ce qui est bien pour elle, et ce, en dehors de toute influence surnaturelle, transcendantale ou divine. Le seul inconvénient, tient à l’absence actuelle de références morales ou éthiques comme fondement de la révolution, ce qui peut faire craindre des tentatives de récupération par les mouvements islamistes. Pour autant, et comme les jeunes musulmans découvrent les vertus de la tolérance, de l’indépendance, de l’ouverture d’esprit, de la curiosité, du libre arbitre, ils pourront utilement s’inspirer de la Convention Internationale des Droits de l’Homme pour fixer les normes éthiques de leur société future.
S’agissant d’Israël, le Premier Ministre palestinien Salam Fayyad a reconnu le 4 février 2011 (à Paris) que la stabilité dans le monde arabe passait par une évolution vers la démocratie. Les voisins de Cisjordanie et de Gaza devraient donc bientôt comprendre que leur problème n’a rien à voir avec les juifs ou les américains, mais tient uniquement à leurs dirigeants. Enfin, lorsque l’Iran et la Syrie auront achevé leur révolution démocratique, le Hezbollah n’aura plus de soutiens idéologique et financier et disparaitra le plus naturellement du monde.