Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
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Les discussions concernant l’absence de reconnaissance de la Palestine au sein de l'Onu, et celles relatives aux territoires sur lesquels les palestiniens pourraient exercer librement leur souveraineté, sont purement académiques. Dans les faits, il existe bien un territoire palestinien autonome sur lequel l'Autorité Palestinienne dispose d'une autonomie financière et sur lequel elle exerce des prérogatives fiscales et douanières. Le franchissement des frontières (loin d’être virtuelles), déclenche en effet le paiement des droits de douane au profit des palestiniens, à chaque importation de produits. C’est ce qui résulte du protocole signé à Paris le 29 avril 1994 par l’Olp et le gouvernement israélien, véritable consécration d’une union douanière entre les territoires israélien et palestinien.
L’Autorité Palestinienne est ainsi autorisée à fixer ses normes et tarifs pour certaines marchandises et à déterminer librement ses droits de douanes. En outre, ce protocole établit un système de collecte, par Israël au profit de l’Autorité Palestinienne, des taxes et impositions des revenus tout comme des droits de douane et autres taxes sur les produits à destination de la Cisjordanie et de la bande de Gaza qui transitent par les ports et aéroports israéliens. Enfin, l’Etat juif doit reverser l’impôt sur le revenu, les charges afférentes à la sécurité sociale et à l’assurance médicale payées par les Palestiniens travaillant en Israël, tout comme la taxe sur la valeur ajoutée payée par les Palestiniens dans le cadre de leurs transactions en Israël. L’Etat juif est il ainsi tenu de transférer des sommes substantielles à l’Autorité Palestinienne, qui alimentent une part importante de son budget (de l'ordre de 100 millions de dollar mensuels) servant notamment à payer les salaires des fonctionnaires palestiniens.
Les prérogatives israéliennes n'en restent pas moins considérables puisque dans l'hypothèse de manquements graves par les palestiniens à leurs obligations, Israël se réserve la faculté de procéder à un gel du transfert des fonds leur revenant. La mesure, régulièrement appliquée, l’a encore été récemment le 1er novembre 2011, lorsque la Palestine a été admise en qualité de membre de l'Unesco. Or, ce nouveau gel agace passablement la communauté internationale qui craint d’être mise à contribution, compte tenu du déséquilibre financier qui en découle.
Aussi, le 23 novembre 2011, le Quartette (Etats-Unis, Union Européenne, Russie et Onu) a, par la voix de Tony Blair, instamment demandé à Israël de débloquer les fonds dus à l’Autorité Palestinienne. La veille, c’est le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon qui en a fait la demande au premier ministre Benjamin Netanyahou tout comme il a appelé (une nouvelle fois) Israël à mettre un terme à la « colonisation des Territoires palestiniens occupés afin de créer un environnement propice à la reprise de négociations directes entre Israéliens et Palestiniens» et enfin, à lever le blocus de la bande de gaza conformément à la résolution 1860 du Conseil de Sécurité.
Israël n’est pas actuellement favorable au reversement des sommes à l’Autorité palestinienne, eu égard au rapprochement inquiétant du Fatah et du Hamas. Le 24 novembre 2011, le président Palestinien Mahmud Abbas et le Chef du Hamas Khaled Mechaal, se sont en effet rencontrés au Caire pour finaliser leur réconciliation et mettre en place un gouvernement d’union nationale le temps d’organiser des élections. Or, les déclarations palestiniennes à l’occasion de cette manifestation, augurent mal des relations futures avec les palestiniens, au regard notamment du processus de paix.
Les responsables palestiniens se sont en effet félicités de l’atmosphère positive et ont placé leurs espoirs pour « que notre peuple et toutes les organisations nous aident à réaliser ce qui est dans l’intérêt de notre cause ». Ils ont également déclaré : « Nous voulons réellement travailler comme des partenaires et nous avons une responsabilité commune envers notre peuple et envers la cause». Notons enfin que le document scellant la réconciliation prévoit de se concentrer sur la « résistance populaire» puisqu’il n’y a plus de différence entre eux et qu’il peuvent désormais travailler avec « une responsabilité unique ».
En dépit du caractère laconique de ces déclarations, les inquiétudes israéliennes sont légitimes. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les propos tenus au même moment (le 24 novembre 2011), dans la bande de Gaza par le chef du gouvernement Hamas Ismail Hanyeh lors de la réception d’une délégation du comité des savants (Ulémas) adeptes de la Sunna en Egypte. Il a tout d’abord confirmé le rôle des «ulémas » dans la libération de la Palestine comme ce fut le cas à l’époque du Sultan. Il a ensuite répété que « la Terre de Palestine était une Terre appartenant aux legs pieux islamiques, dont il n’est pas permis de concéder la plus petite partie, avec El-Qods pour capitale ». Il a enfin été très claire sur la stratégie à terme dans la relation avec Israël : « Lorsque nous disons que nous allons au devant d’un état avec les frontières de 1967 avec sa capitale El-Qods, c’est en fonction de deux conditions : la non reconnaissance de l’entité israélienne et le retour des réfugiés. Ceci est leur droit et leur cause est à la fois constante et sacrée ».
Par ailleurs, il a réitéré «son attachement à la Résistance, en tant que choix stratégique, incontournable pour la libération de la Palestine; ceci constitue un droit céleste et légal ». Le monde arabe s’est alors vu imputé une part de responsabilité dans cette libération : « La Palestine est islamique et arabe. Les arabes doivent s'aligner aux palestiniens s'ils ne cèdent rien de la Palestine islamique et refuser par contre ce que les palestiniens accepteront s'ils s'avèrent qu'il amenuise la Palestine ». Ismail Hanyeh n’en reste pas moins conscient du problème financier, déplorant sa dépendance financière à l’égard d’une entité ennemie. Il a donc réclamé des réformes dans le système fiscal en Palestine avec une alternative : « les fonds doivent provenir des pays arabes et musulmans ».
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que ce même 24 novembre 2011, Benjamin Netanyahou ait appelé Mahmud Abbas à stopper le processus de réconciliation avec le hamas. Selon son porte-parole Mark Regev : « Plus Abou Mazen s’approche du Hamas, plus il s’éloigne de la paix » alors que pour le Ministre du Développement régional, Sylvan Shalom : «Nous allons demander à la communauté internationale de ne pas parler à un gouvernement dont le Hamas serait une composante essentielle alors que cette organisation terroriste continue de prôner la destruction d’Israël».
Le Hamas et le Fatah doivent théoriquement se retrouver au Caire le 15 décembre 2011 pour fixer une date pour la tenue des élections. Toutefois, s’ils escomptent un dégel des fonds leur revenant, il leur sera certainement nécessaire d’abandonner leur programme consistant dans « la libération de la Palestine et ce, au moyen de la lutte armée ». Dans ce cadre, ils pourraient commencer par supprimer le nom de leur parti politique respectif. Le Fatah (organisation de libération de la Palestine), et le Hamas (Mouvement de Résistance islamique) pourraient utilement prendre les noms de PRIP (parti pour la réconciliation israélo palestinienne), MCJA (Mouvement pour la coopération judéo arabe) voire encore l’UEA (Union des enfants d’Abraham). Le seul souci serait alors pour les palestiniens d’admettre qu’ils se trompent depuis 63 ans et qu’ils ont fait perdre beaucoup de temps, d’énergie et surtout de vies.