Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
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Le 7 février 2013, des arabes israéliens ont insulté, maudit et jeté des pierres sur les soldats de Tsahal qui installaient des Dômes de Fer dans le nord, pour protéger les villages environnant des roquettes susceptibles d’être lancées du Liban ou de la Syrie. Leur message était clair : empêcher Israël de se protéger et de parer aux agressions en provenance de l’extérieur. Le 5 février 2013, c’est une importante cache d’armes qui a été découverte dans un village arabe à proximité de Nahariya dans le nord d’Israël à proximité d’une école maternelle comprenant notamment des missiles antichars, des grenades, des explosifs, des détonateurs, des centaines de cartouches…Il arrive également que des arabes israéliens soient poursuivis pour intelligence avec l’ennemi en temps de guerre, lorsqu'ils participent au transfert des armes au profit du Hezbollah, alors que cette organisation prônent la lutte armée contre Israël. Il ne faut donc pas se voiler la face : une partie de la population arabe israélienne est résolument hostile à l’Etat juif, et agit pour le déstabiliser, le fragiliser ou le défaire.
S’agissant de l’opinion générale au sein de la population arabe israélienne, un sondage apprend que 80 % de la jeunesse ne souhaite pas effectuer de service civil en Israël. Ainsi, et bien qu’ils se considèrent discriminés, jouissant d'un traitement défavorable en matière de logement et d’emploi, les jeunes personnes arabes, en Israël, ne souhaitent pas s’impliquer dans les obligations civiques qui sont le corollaire des avantages procurés par la citoyenneté israélienne. Un autre sondage (tout aussi riche d’enseignement), indique que 80 % des arabes israéliens blâment les juifs pour la Nakba, 63 % considèrent qu’il n’est pas juste que le pays soit à majorité juive et 73 % se considèrent comme des citoyens de seconde zone (même s’il sont 70 % à préférer vivre sous autorité israélienne plutôt que dans n’importe quel autre pays).
La question se pose donc de savoir si, à terme, la population arabe d’Israël a bien vocation à intégrer le pays dans le cadre d'une nationalité commune, et non dans une citoyenneté égale, comme voulue par David Ben Gourion à l’origine. La réponse, bien évidemment, est négative. Les arabes israéliens participent à l’évolution d’un Etat qui ne représente pas leur valeur, qui n’est pas associé à leur symboles, et qui reste la marque d’une dépossession historique. Il est donc inadmissible pour eux qu'ils se prêtent au jeu normal des institutions israéliennes alors qu’elles sont à l’origine d’une substitution de leur statut.
En ce sens, les arabes israéliens ne sont pas sans rappeler la situation de ces juifs qui sont devenus marranes dans la péninsule ibérique au XV ° siècle ec. A cette époque, l’Espagne puis le Portugal, radicalisés à l’égard de la population juive, ont obligé les juifs à se convertir au christianisme, sauf, conformément au décret de l’Alhambra du 31 mars 1492, à s’exiler en abandonnant les biens à l’Inquisition. Si certains juifs se sont convertis spontanément pour conserver leur statut social ou pour poursuivre leurs activités professionnelles, d’autres, les marranes, ont fait le choix de se convertir tout en poursuivant la pratique secrète de leur religion. Ce faisant, les juifs refusaient la modification imposée de leur identité cultuelle. De façon voisine, les arabes israéliens adoptent une attitude semblable car s'ils ont obtenu un statut de l'Etat juif, ils ne s'y reconnaissent pas. Aussi, s'accrochent-ils au statut de palestinien qui était le leur, avant que la région ne passe sous souveraineté israélienne.
Autrement dit, affirmer leur identité palestinienne constitue, pour les arabes israéliens, un acte de refus et de résistance tout comme les marranes se sont accrochés à leurs valeurs ancestrales pour refuser de se fondre dans le nouvel ensemble avec lequel ils n’avaient aucune communauté de destin. L’intégration au sein de l’Etat juif est, pour les arabes israéliens, à l’origine, d’un sentiment d’égarement et d’une nécessité de se réapproprier leurs racines, sauf à prendre le risque de se perdre définitivement, tout comme d'ailleurs, les marranes des générations suivantes, ont vu leur lien avec la judaïté se distendre compte tenu de l’absence de contact avec la communauté juive, de l’absence de rabbinat, de la confusion des rites juifs et chrétiens et de la christianisation du calendrier.
Pour les arabes israéliens, historiquement palestiniens, il est inacceptable de se considérer comme membre de l’Etat juif. Israël s’était imaginé que l’octroi aux arabes israéliens des droits civiques, civiles, et de famille aux palestiniens, suffirait à permettre leur intégration au sein de l’Etat. C’était une erreur, tout au moins si Israël continue de nier leur identité palestinienne. D’ailleurs, dans la presse, dans les communications audio visuelles, les arabes israéliens ne manquent plus de s’appeler eux même les palestiniens d’Israël pour éviter de se considérer comme des renégats qui auraient abandonné leur histoire pour se fondre dans un groupe humain avec lequel il n’ont rien en commun.
L’islam vient encore alimenter ce sentiment anti-israélien en reniant la judaïté de l’Etat d’Israël et en agitant le spectre de voir la destruction des lieux saints de l’Islam qu'organiserait Israël pour permettre la construction du 3° temple juif au temps messianiques (les travaux entrepris par Israël autour de l'esplanade des mosquées amènent les dignitaires musulmans à dénoncer chaque semaine les projets de reconstruction du temple de Salomon et les atteintes portées aux lieux saints de l'Islam).
Les arabes israéliens imaginent donc, dans une large majorité, que pour reconstituer la Palestine historique, il suffit de respecter les étapes et le mode opératoire employé par les juifs dans leur reconquête de la terre (où ils vivaient il y a de cela deux mille an), avant d'y fonder leur Etat : une expulsion, le rêve d'un retour, la victimisation et le droit au retour.
Les juifs ont avancé avoir été chassés de cette terre au début de l'ère chrétienne; il suffit donc pour les arabes israéliens de soutenir que les palestiniens en ont été expulsés en 1948. Leur expulsion serait la conséquence de l'application par l'Agence Juive et la Haganah du plan « Daleth » en mars 1948 (visant à sécuriser les zones juives), mais également du massacre perpétré par l’Irgun et le Ledit à Deir Yassin le 9 avril 1948 (120 victimes). Naturellement, les arabes israéliens feignent d’oublier la responsabilité de la Ligue Arabe qui a exhorté au départ des populations arabes de Palestine au cours des premiers mois de 1948, pour ne pas gêner les pays arabes impliqués dans la guerre contre le jeune Etat d'Israël (qui ne devait durer que quelques semaines).
Les juifs n’ont jamais oublié Jérusalem en dépit de leur dispersion et cultivé le rêve d’y revenir (pendant 2000 ans). De même, les arabes israéliens rêvent de reconstituer la Palestine historique et éduquent leurs enfants dans ce projet, en s’imaginant que l’histoire va se répéter à leur profit.
Les juifs se sont vus accordés par la communauté internationale, la possibilité de fonder l’Etat d’Israël en Palestine à la suite de l’émotion suscitée par les massacres perpertrés lors de la seconde guerre mondiale. Il suffit donc aux arabes israéliens, de se plaindre du statut défavorable que leur impose l'Etat d'apartheid israélien et d'exploiter des images de militaires israéliens armés jusqu'au dents, déambulants parmi la population civile palestinienne ou qui combattent des enfants palestiniens dont les cailloux constituent le seul moyen de défense. Le message justifierait l'illégitimité d'Israël et la nécessité de reconstituer la Palestine historique.
Enfin, les juifs ont institué un droit tout à fait romantique, à savoir « le droit au retour » qui offre à chaque juif le droit de revenir sur sa terre d’origine. De la même manière, les Chartes palestiniennes ont institué un droit au retour pour les palestiniens, qui se transmet de manière transgénérationnelle et qui fonderait le droit, pour les descendants des familles palestiniennes, de revenir vivre sur les terres de la Palestine historique.
L'Etat juif doit cesser d'entretenir cette frustration de la population arabe israélienne, en reconnaissant aux arabes israéliens le bénéfice de la nationalité palestinienne, c'est à dire le droit de recevoir une carte nationale d'identité que leur remettrait l'Autorité Palestinienne, à côté de leur titre de séjour dont ils sont titulaires en Israël, puisqu'ils sont en situation régulière. C'est d'ailleurs ainsi que le droit international gère les questions d'extranéité. L'avantage serait considérable pour les arabes israéliens qui se verraient enfin reconnaître dans leur historicité et dans leur identité d'origine, mais également pour Israël qui ne serait plus tenu de leur accorder le droit de vote.