LES FRAGILES FONDATIONS DE L’ETAT PALESTINIEN
Par Bertrand Ramas-Muhlbach
pour : http://lessakele.over-blog.fr et http://aschkel.over-blog.com
A l’occasion du cinquième anniversaire de la mort de Yasser Arafat célébré chez les palestiniens ce 11 novembre 2009, les annonces relatives à l’indépendance de l’Etat de Palestine ont fusé de toutes parts : Mahmoud Abbas a déclaré que l’Etat Palestinien était un fait établi pour le monde entier et que le combat à mener ne portait plus que sur la reconnaissance des frontières. La veille, soit le 10 novembre 2009, le gouvernement de l'Autorité palestinienne a décidé de « la création d'un comité de pilotage » pour aider à réduire sa dépendance vis-à-vis de l'aide étrangère et développer des piliers de l'économie nationale en vue de la création d'un état palestinien. Ce même jour, le gouvernement palestinien a imputé à la communauté internationale la responsabilité dans la stagnation du processus politique et lui a reproché son incapacité à atteindre des objectifs convenus. Enfin, il a décrété que le 15 novembre serait un jour férié marquant la « Déclaration d'indépendance palestinienne ».
Côté israélien, une certaine inquiétude était perceptible : le 10 novembre, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a confirmé qu'Israël était prêt à entamer immédiatement des négociations avec l'Autorité palestinienne, annonce précédée deux jours plus tôt par celle du responsable kadima Shaoul Mofaz. Celui-ci a proposé un plan diplomatique avec à la clé la formation d'un Etat palestinien provisoire sur 60 % de la Judée-Samarie et à gaza (où vivent 90 % des Palestiniens) et des négociations ultérieures sur les frontières définitives, les blocs d’implantations situés à l’est (sur lesquels résident 228 000 israéliens) n’ayant pas vocation à être évacués.
La notion « d’Etat de Palestine » n’est en réalité pas nouvelle. Elle date du 15 novembre 1988 lorsque le Conseil National palestinien a proclamé « l’établissement de l’État de Palestine sur notre terre palestinienne avec pour capitale Jérusalem ». La proclamation qui a pris soin de détailler les fondements de cet Etat de Palestine, a d’ailleurs fait l’objet d’une reconnaissance internationale. Dans sa 82e séance plénière, l’Assemblée Générale de l’Onu a, le 15 décembre 1988, « pris acte de la proclamation de l’Etat Palestinien » par le Conseil National Palestinien le 15 novembre 1988, affirmé « qu’il était nécessaire de permettre au peuple palestinien d’exercer sa souveraineté sur les territoires occupés depuis 1967 » (sic), décidé qu’à compter du 15 décembre 1988 la désignation de « Palestine » devait être substituée à celle «d’Organisation de Libération de la Palestine » et enfin prié le secrétaire Général de prendre toutes les dispositions pour appliquer la présente résolution (résolution 43/177 de l’Onu du 15 décembre 1988).
Il ressort en réalité de la proclamation palestinienne du 15 novembre 1988 que les fondements de l’Etat de Palestine sont particulièrement fragiles, quand bien même le texte s’est grandement inspiré de la déclaration portant fondation de l’Etat d’Israël par David Ben Gourion le 14 mai 1948.
Tout d’abord, le texte du 15 novembre 1988 débute par le postulat selon lequel « la Palestine est le pays natal du peuple arabe palestinien ». Cette affirmation qui est naturellement à rapprocher de l’acte du 14 mai 1948 (« Eretz Israël est le pays où naquit le peuple juif ») contient toutefois une contradiction. En effet, les invasions arabes de la Palestine (VII° siècle ec) n’avaient pas encore débuté lorsque l’empereur romain Adrien a baptisé la région de ce nom en 135 ec.
Le texte mentionne également : « c’est là qu’il (le peuple) a grandi, qu’il s’est développé, et qu’il s’est épanoui ». Or, le texte justifie la nécessité de créer un Etat Palestinien par l’affirmation d’un lien immuable entre le peuple palestinien et sa terre au moyen d’expressions habilement choisies : « Son existence nationale et humaine s’y est affirmée, dans une relation organique ininterrompue et inaltérée, entre le peuple, sa terre et son histoire », ou encore « Continuellement enraciné dans son espace, le peuple arabe palestinien a forgé son identité nationale, et s’est élevé, par son acharnement à la défendre, jusqu’au niveau de l’impossible », voire « l’attachement permanent de ce peuple à sa terre a néanmoins imprimé au pays son identité et au peuple son caractère national », ou enfin « le peuple arabe palestinien s’est développé dans une complète unité entre l’homme et son sol ».... En réalité, au début du XX° siècle, la volonté était de réunir la nation arabe dans un Etat arabe sur l’ensemble du pourtour méditerranéen.
Procession du "grand pardon" palestinien
Car c’est en fait le véritable problème des palestiniens : leur indépendance nationale ne sera pas fonction d’une auto persuasion quant à l’existence d’un cordon ombilical liant des individus à la terre, mais juste de leur capacité à vivre en harmonie avec leur environnement. Les palestiniens ont effectivement le droit à l’autodétermination puisqu’ils se présentent comme constituant une unité humaine sur un territoire donné. Toutefois, ils ne pourront jouir de cette prérogative que lorsqu’ils disposeront de la maturité politique pour y accéder. La guerre menée depuis des décennies contre les juifs et celle fratricide entre le Fatah et le Hamas, permettent tristement d’en douter.

