L’attaque menée par un commando libyen puissamment armé contre le consulat américain de Benghazi, la nuit dernière, et la mort de quatre diplomates américains dont l’ambassadeur en poste à Tripoli, qui se trouvait au consulat, serait une opération planifiée par Al-Qaïda pour venger Abou Al-Leith Al-Libi, l’ex-N°2 d’Al-Qaïda, tué dans un raid américain en Afghanistan l’été dernier.
Ainsi, l’opération de Benghazi devait coïncider avec le 11ème anniversaire des attaques du 11 septembre 2001 et de ce fait, elle ne serait pas liée directement à la diffusion d’un film jugé hostile à l’islam. Le bombardement du consulat américain à Benghazi vise de ce point de vue à prouver qu’Al-Qaïda, sous la direction d’Ayman Zawahiri, garde toutes ses capacités opérationnelles et de nuisance. D’autant plus que ces développements tendent à démentir le discours d’Obama qui vante les mérites de son retrait d’Irak et de son désengagement progressif d’Afghanistan.
De fait, la politique de repli de la scène internationale, imposée par Obama pour des raisons de politique intérieure, est très critiquée par ses adversaires, et ce qui vient de se passer au Caire et à Benghazi, risque de consolider les Républicains, à moins de deux mois des élections présidentielles. Obama et son administration s’efforcent de désamorcer la crise et multiplient les appels à la retenue en direction des musulmans, sans oublier de dénoncer la provocation que constitue le film incriminé.
Mais au-delà de cette lecture électoraliste, des intellectuels égyptiens regrettent d’ores et déjà « le manque de discernement chez les populations musulmanes qui ont bénéficié, au moins ces deux dernières années, du soutien américain et occidental pour se libérer de plusieurs décennies de dictature », et dénoncent cette violence aveugle qui s’abat sur les Etats-Unis en guise de remerciement !
Parmi ces intellectuels, plusieurs Coptes se sont désolidarisés avec les auteurs du film et les ont dénoncés, au même titre que le Vatican. Mais, contrairement aux Occidentaux, les Coptes égyptiens rappellent que « les musulmans ne ratent pas une occasion pour humilier les chrétiens ». Une plainte vient d’ailleurs d’être déposée contre le nouveau rédacteur en chef du quotidien égyptien Al-Ahram, un Frère musulman récemment nommé par le président Morsi. Il est poursuivi pour avoir critiqué les Coptes et leur dogme.
De plus en plus de Coptes estiment que « de la crise suscitée par le film anti-islam, et de l’attaque contre l’ambassade américaine du Caire, devra émerger un nouveau pacte entre les Musulmans d’une part, les Chrétiens en général et les Coptes en particulier d’autre part, basé sur la non agressivité mutuelle ». Mais pour y parvenir, ces intellectuels réclament que « les musulmans cessent de considérer leurs compatriotes comme des citoyens de seconde zone ». Les tenants de ce discours affirment que « caresser la bête dans le sens du poil, comme le fait l’administration américaine, ne fera qu’encourager les radicaux à poursuivre leurs agressions ».
Ces réactions violentes des musulmans contre les intérêts américains et la réaction des Coptes contre cette violence semblent ouvrir l’Egypte à une nouvelle ère. Une crise majeure d’une telle ampleur, touchant la religion, éclabousse sans nul doute Washington et plus particulièrement le président Obama, alors que ses détracteurs rappellent régulièrement ses origines musulmanes. Son soutien discret aux nouveaux régimes, sortis des décombres des dictatures, ne plaide pas en sa faveur auprès des électeurs américains. Bien au contraire, ces derniers dénoncent la façon dont les Etats-Unis ont été remerciés par ceux qu’ils ont soutenus.
De plus en plus d’Egyptiens croient en effet que « Barack Obama a non seulement appelé Hosni Moubarak à quitter le pouvoir au terme de trois semaines de contestations et quelques centaines de morts - ce qu’il n’a pas fait pour Bachar Al-Assad au bout de 18 mois et de plus de 25.000 morts - mais aussi il a exercé des pressions sur les militaires pour favoriser Mohamed Morsi face à Ahmed Chafiq ». Ils n’excluent pas un « retour de manivelle particulièrement périlleux pour la campagne d’Obama ».
Dario S.