Manipulations du journal Le Soir sur les signes religieux : la polémique rebondit
Dans un article publié sur le site du R.A.P.P.E.L. (Réseau d’Actions pour la Promotion d’un État Laïque), Claude Javeau, Sociologue de réputation internationale et professeur de sociologie à l'Université Libre de Bruxelles, homme de gauche affirmé, revient sur l’étrange sondage du journal bruxellois Le Soir tendant à démontrer que les citoyens ne sont pas hostiles au foulard islamique.
Une manipulation destinée à être ultérieurement utilisée par les parlementaires hostiles à un bannissement des signes de l’Islam politique.
Un point de vue que nous relayons
Les Résistants
« Les Résistants » forment un réseau international d’intervenants laïques, soucieux de combattre l’intégrisme musulman sous toutes ses formes.
http://www.le-rappel.be/FR/spip.php?article90
Un sondage (très) tendancieux
A la une du Soir des 20 et 21 février derniers, un large titre, barrant la quasi-totalité de la page : « Le port du voile dérange moins de 10% des Belges ». Il s’agirait du principal enseignement d’un « sondage exclusif », commenté dans le sous-titre de la manière suivante : « Face au port des signes religieux, c’est la tolérance qui domine. Sauf pour la burqa, majoritairement rejetée ».
Voyons cela de plus près. Et d’abord du point de vue technique. Sous trois tableaux statistiques résumant les résultats de l’enquête, p. 4, un très court texte rédigé en petits caractères nous apprend que l’officine spécialisée Dedicated Research a mené du 12 au 18 janvier 2010 un sondage auprès de 1.205 personnes, chiffre non justifié, censées constituer un échantillon « représentatif » de la population belge de 16 à 75 ans, interrogées par téléphone. La population de référence n’est pas celle qui est qualifiée de « belge », mais celle des personnes ayant accès à un téléphone, que l’on suppose être du type « fixe » ! En outre, je mets au défi quiconque de m’indiquer comment prouver qu’un interlocuteur, au téléphone, est d’une nationalité donnée et appartient à une tranche d’âge donnée. Les déclarations des répondants ne peuvent évidemment servir de garantie. Peut-être la distorsion est-elle faible, mais le risque existe, qui empêche d’attribuer à ce sondage, comme à bien d’autres, un label de scientificité.
Le sondage a consisté en trois questions :
1. êtes-vous dérangé … par le port de signes religieux distinctifs ? (question posée à tous les sondés)
2. Affichez-vous des signes religieux distinctifs de votre religion ? (question posée à tous les sondés)
3. Pourriez-vous me dire le(s)quel(s) vous dérangent ? (question posée aux seuls sondés se déclarant dérangés par certains signes distinctifs).
Abordons une critique sémantique de ces questions. Tout d’abord, qu’est-ce qu’un « signe religieux distinctif » ? Le tableau reprenant les réponses à cette question ne propose aucune illustration de cette notion. Or, entre une petite croix ou une étoile de David pendant discrètement à un collier et une burqa, la variabilité est considérable. Il y a bien un item libellé « seulement certains signes distinctifs », mais sans aucune précision. Une kippa ou l’uniforme complet des Juifs ultra-croyants ? Un bandana en guise de voile ou un tchador ? Une croix au revers du veston, s’agissant d’un clerc catholique, ou une soutane ?
En second lieu, que signifie « être dérangé » ? Il en est, dont je suis, que le port du foulard dit islamique ne « dérange » pas dans la rue, mais dérange s’il s’agit d’une agente des services publics ou d’une élève dans l’enseignement obligatoire. Aucune nuance de ce genre n’est proposée par le sondage. Du reste, on peut être « dérangé » par d’autres signes que religieux, comme certains insignes politiques portés de manière provocante : croix gammée ou épinglette avec le portrait de Mao, par exemple.
Le dernier tableau reprend, pour les répondants s’étant déclarés « dérangés » (15% de l’échantillon, ce qui peut apparaître discutable), huit illustrations de « signes distinctifs », de la croix chrétienne à la burqa. Si la première n’est rejetée que par 2% de l’ensemble des répondants, la dernière l’est par 91%. Ce sont les personnes ayant déclaré ne professer aucune religion qui sont les plus hostiles à cet égard, avec 94% de leurs réponses. Notons que le niqab n’est rejeté que par 54% des répondants, et le hijab, par 24%. D’où la conclusion affichée de manière tonitruante par le quotidien : « le signe religieux dérange peu ». Est-il curieux de constater que c’est celui de ces signes qui est le moins souvent rencontré, en l’occurrence la burqa, qui est le plus rejeté ? Comme dans beaucoup d’enquêtes de ce genre, on a affaire à ce que les sociologues appellent des attentes normatives, sans doute couplées ici à une certaine dose d’ignorance.
Qu’est-ce que Le Soir a voulu prouver avec ce sondage mal ficelé, tant du point de vue technique que du point de vue sémantique ? On ne s’étonnera pas de constater que le signataire de l’article traitant dudit sondage est Ricardo Gutierrez, qui s’est souvent signalé par des prises de position communautaristes et anti-laïques. Est-il vraiment certain, comme il l’écrit, qu’en Belgique « la tolérance domine » ? Se référant à une enquête réalisée en 2007 par le Centre de psychologie de la religion de l’u.c.l., dont les résultats étaient fort différents (plus de la moitié des Wallons et Bruxellois s’y déclaraient hostiles au port du foulard islamique), l’auteur de l’article, que cette contradiction n’a pas l’air d’émouvoir, affirme que le racisme est le « facteur prédictif le plus déterminant du rejet du foulard. Ce qui ne signifie évidemment pas que tous ceux qui s’opposent au port du foulard islamique sont racistes ». Soulignons que le sondage du Soir ne propose aucune évaluation de positions racistes éventuelles. Cela dit, remercions Ricardo Guttierrez, tous ceux et celles qui, comme moi, sont parfois dérangés par le port de signes religieux très distinctifs, ne sont pas, selon lui, nécessairement racistes. Ouf !
Claude Javeau