La semaine dernière, le Grand Rabbin israélien Yona Metzger a adressé une lettre à Geert Wilders, le dirigeant pro-israélien du Parti de la Liberté (PVV) en Hollande. Le programme du parti en vue des prochaines élections parlementaires, le 12 septembre, inclut, en effet, l’interdiction de l’abattage rituel -1-[1]. L’un de ses députés, Dion Graus, tente également, de poursuivre ses efforts passés, qui ont échoué jusqu’à présent, afin d’interdire l’importation de viande abattue de façon rituelle -2-.
Le Rabbin Metzger écrit que Graus a adopté la position antisémite classique, qui prend pour cible les rites juifs, comme cela a été le cas tout au long des siècles. Il a ajouté : « On ne peut pas être, en même temps, un ami d’Israël et du peuple juif et, d’un autre côté, soutenir une loi anti-juive et compter parmi les amis de M. Dion Graus -3-.
Wilders, le seul homme politique qui jouit d’une stature internationale, a acquis une réputation justifiée de soutien essentiel d’Israël. Il a fait entendre que le Jihad ne vise pas seulement Israël, mais qu’il vise l’ensemble du monde occidental -4-. Le programme actuel du PVV affirme encore que la Jordanie serait la véritable Palestine -5-. Pourtant, l’an dernier déjà, l’image de Wilders dans le monde juif a subi un sérieux revers de fortune. Concernant l’abattage rituel sans étourdissement, le PVV a soutenu les positions extrêmes du petit parti populiste, le Parti pour les Animaux. Au Parlement, Graus a désigné l’abattage rituel comme une « torture rituelle -6- ». Il a, par la suite, instrumentalisé les Juifs, en prétendant, par une pirouette, que son parti ne pouvait pas être anti-islamique, puisque la loi interdisant l’abattage rituel pénalisait aussi les Juifs -7-.
En juin 2012, une convention sur l’abattage rituel sans étourdissement a été atteinte avec grandes difficultés entre les Musulmans, les Juifs et le gouvernement hollandais -8-. Cela a conduit à de vives tensions, au sein de la communauté juive orthodoxe hollandaise, entre les dirigeants rabbiniques et laïcs. Pourtant, la majorité des Juifs a paru satisfaite que cette menace fondamentale contre l’identité juive semble levée.
L’interdiction de l’abattage rituel n’a pas été abordée dans le cadre des débats actuels pour les élections hollandaises. Pourtant, au cours des dernières semaines, ce problème a attiré plus d’attention de la part des médias aux Pays-Bas, en Israël, mais aussi au sein de la communauté juive organisée, aux Etats-Unis. La communauté orthodoxe d’Amsterdam a déclaré qu’elle considère Graus comme un « danger pour les communautés juives aux Pays-Bas et en Europe » -10-.
L’ancien député du PVV, Wim Kortenoeven a alerté les principales organisations juives américaines. Il a été le seul membre de son parti à voter, l’année dernière, contre la proposition de loi opposée à l’abattage rituel. Il a quitté le PVV au début de juin. Kortenoeven dit que plusieurs de ses collègues soutiennent sa position, mais qu’ils ont préféré céder aux pressions de Wilders.
Le Centre Simon Wiesenthal est la première organisation juive à défier, déjà en 2011, le PVV sur la question de l’abattage rituel. A présent, son doyen associé, le Rabbin Abraham Cooper, a à nouveau écrit à Wilders, en requérant qu’il retire ce thème du programme du PVV-11-. Dans sa réponse, Wilders a prétendu qu’il ne tolérerait pas d’antisémites au sein de son parti et que Graus n’en était pas un -12-. Il n’a pas convaincu le Rabbin Cooper, qui lui a renvoyé une seconde lettre, restée sans réponse -13-.
Ce conflit a fait la Une du plus grand quotidien hollandais, de Telegraaf -14-. Cet article prétendait également que les Juifs américains financent Wilders, du fait de ses positions pro-israéliennes et que ce financement n’était pas remis en question, alors même que le PVV attaquait l’un des rituels les plus fondamentaux du Judaïsme. Peu de preuves sont fournies démontrant que ce financement juif ait la moindre substance. Mais il est bien plus révélateur que Wilders ait été accueilli à bras ouverts dans les principales communautés chrétiennes évangélistes, aux Etats-Unis. Il est peu probable que cela continue ainsi, à présent.
Pourquoi Wilders choisirait-il de mettre en cause d’importantes relations aux Etats-Unis, en insistant sur une question aussi marginale que l’interdiction de l’abattage rituel? L’explication la plus probable, c’est qu’il s’agit là d’un indicateur de plus de la voie populiste qu’il a souvent empruntée.
Le succès originel de Wilders provient du fait qu’il a identifié deux questions cruciales pour l’avenir des Pays-Bas, qui sont restées négligées par les autres. Il a très bien perçu que l’avenir des démocraties est bien plus menacé par le monde islamique que par n’importe quelle autre religion. Wilders a aussi pris conscience que le déficit de démocratie, qui pénalise l’intégration européenne, dans des domaines sensibles s’est développé dangereusement, sans que personne n’examine précisément ce point. Il a traduit ces questions en slogans de campagnes populistes, qui ont apporté 24 des 150 sièges parlementaires au PVV, aux élections de 2010.
Le PVV, cela dit, ne s’est jamais élevé, comme il l’aurait dû,au niveau d’un parti professionnel. Il n’a pas encore d’organisation de recherche. Il détaille rarement ses propositions pour les approfondir. De temps en temps, Wilders lance à la cantonade une de ces remarques au ton extrémiste dont il a le secret, mais qui ne contribue d’aucune façon à faire avancer ses deux objectifs fondamentaux. Bien qu’on ait fréquemment tenté de l’alerter, il a préféré ignorer les problèmes que pourraient provoquer ses positions concernant l’abattage rituel, principalement, auprès de ses partisans à l’étranger.
Si Wilders avait professionnalisé son approche politique, il y aurait des chances sérieuses qu’il soit en mesure d’emporter les élections à venir. Les problèmes liés à l’intégration européenne sans contrôle, aussi bien que la violence dans le monde islamique se sont aggravés et sont aujourd’hui dans le champ de conscience de tout un chacun qui veut les voir. Plus l’attitude populiste de Wilders se poursuivra, sur bien d’autres thèmes, et moins ses positions pro-israéliennes seront précieuses pour Israël. En effet, on ne pourra pas, en même temps, négliger le fait que le PVV se trouve à l’avant-garde de propositions antisémites, sur une question cruciale.
Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.