Dominique BOURRA
“Le Monde” daté du dimanche 28 et lundi 29 novembre 2010, titre en une sur “les mystérieuses “pannes” dans le nucléaire iranien et s’interroge sur un éventuel sabotage. Le quotidien s’appuie sur un rapport des inspecteurs de l’AIEA indiquant un arrêt de l’alimentation de la moitié des 8400 centrifugeuses de Natanz qui produisent l’uranium enrichi.
Si les autorités iraniennes nient pour leur part toute difficulté, “Le Monde” parle d’une relance des spéculations sur l’éventualité d’un sabotage informatique par le virus (sic) Stuxnet. Le journal du soir souligne l’efficacité des sanctions appliquées à l’Iran qui auraient eu pour effet d’avoir tari méthodiquement toutes les sources d’acquisition par Téhéran de métaux spéciaux ou de matériel indispensable à son programme nucléaire. Last but not least cette “panne” interviendrait sur fond de “tiraillements entre les différentes factions du régime, accentués par les difficultés économiques du pays”. Voila pour l’accroche qui présente un Iran aux abois, frappé de plein fouet dans son programme nucléaire, par le virus et l’embargo. De quoi détendre l’atmosphère. En apparence en tout cas.
On apprend cependant en page 6 que l’interruption a duré 6 jours au maximum et que ni l’AIEA ni l’Iran n’ont fourni d’explications. “Le Monde” en profite pourtant pour remettre en selle l’hypothèse du sabotage des rotors formulée par l’expert allemand Langner ( Ndlr : Ralph Langner, s’est distingué à l’origine en faisant l’association entre le mot myrtus contenu dans le code de Stuxnet et le myrte de la Bible pour mieux montrer Israël du doigt . Cette hypothèse avait alors provoqué un sourire de consternation auprès de nombreux experts y compris israéliens. Le think tank Isis a pour sa part apporté de sérieux bémols concernant le sabotage potentiel des rotors de centrifugeuses). Le deuxième argument du Monde en faveur du sabotage repose sur les déclarations anciennes des iraniens eux-mêmes faisant état d’une attaque informatique contre leurs sites nucléaires menée “par des occidentaux”. Le troisième argument s’appuie sur des propos de Georges Bush datant de 2006 concernant la volonté des USA de contrecarrer le nucléaire iranien…Pas franchement convaincant. Encore moins un scoop. Autant dire que le dossier sabotage est plutôt léger et les soi-disant preuves toujours inexistantes.
Pourquoi alors raviver à coups de trompettes la thèse du sabotage en l’absence d’éléments scientifiques probants ? Il faut attendre la fin de l’article pour avoir le fin mot de l’histoire. Tout est dit en effet dans la phrase suivante appliquée à l’Iran: ” Mais les interrogations nouvelles sur ses capacités technologiques semblent apporter de l’oxygène à la diplomatie”. Voila qui a le mérite de la clarté et aurait pu faire un beau titre, pour le coup.
Les lecteurs attentifs auront cependant noté deux informations livrées incidemment au détour d’un paragraphe, à savoir que “le programme (nucléaire) iranien n’est pas en péril” et que ” l’Iran n’a jamais autorisé l’AIEA à accéder aux ateliers où il affirme avoir travaillé sur des centrifugeuses de nouvelle génération, plus performantes”.
Peut-être aurait-il fallu commencer par cela. Mais “l’oxygène à la diplomatie” passe apparemment avant l’information sérieuse. Petit exploit cependant à porter au crédit du “Monde” : ne pas avoir cité une seule fois le nom d’Israël dans un long papier consacré au nucléaire iranien et à Stuxnet. Bravo. Les certitudes se seraient-elles brusquement envolées ?
Dominique Bourra, CEO NanoJV.
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