IV La reconnaissance internationale du droit à l’autodétermination juive : 1947-1948
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L’UNSCOP.
La Commission Spéciale des Nations Unis pour la Palestine, formée le 13 mai 1947, est composée de onze pays (l’Australie, le Canada, la Tchécoslovaquie, le Guatemala, l’Inde, l’Iran, les Pays-Bas, le Pérou, l’Uruguay et la Yougoslavie), sous la présidence du suédois Emil Sandström.

Dr Emi Sanström, représentant la Suède et Karl Lisicky, représentant la Tchécoslovaquie, membres de l'UNSCOP, arrivant à Jerusalem le 14 juin 1947 - Photo Pinn Hans

L'audition de Ben Gourion par les membres de l'UNSCOP (boycottée par les leaders arabes) - Jérusalem YMCA, 04 juillet 1947
Elle s’est rendue de Juin à Septembre de la même année en Palestine mandataire. Siégeant à Jérusalem, elle est d’emblée boycottée par le Comité supérieur arabe qui lui notifie sa décision le 10 juillet 1947. Décision symptomatique de deux éléments : l’ingérence des pays arabes voisins qui imposent le mufti al Husseini de retour de l’Allemagne nazie avec l’aide française, aux dépens de toute représentation locale arabe, d’une part, et, de facto le refus catégorique récurrent des dirigeants arabes d’un compromis, ne serait-ce que sous la forme d’une fédération, d’autre part.
En aucun cas, le travail de l’UNSCOP ne peut être vu comme l’enregistrement des décisions des grandes puissances favorables à la partition. Au contraire, des pays comme l’Inde, profondément marqués par les épreuves sanglantes de la partition, s’opposent d’emblée à tout solution non unitaire.
Ses travaux ont pour finalité la recherche des causes de l’échec britannique et mettent au jour le contraste entre les dirigeants juifs favorables à la négociation et les exigences bellicistes arabes.
Le 3 septembre 1947, elle remet un avis circonstancié dont les principales conclusions sont :
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La présence massive de troupes britanniques (1 militaire anglais pour 10 habitants) a rendu la fin du mandat ingérable.
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Il y a une situation de conflit entre Arabes et Juifs d’une part, et entre Britanniques, Juifs et Arabes d’autre part.
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Les aspirations nationales des populations juives et arabes ne peut conduire qu’à la déclaration d’indépendance la plus rapide.
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La reconnaissance par la Société des Nations de la « Palestine » comme terre d’origine et patrie du peuple juif, constitue la première reconnaissance juridique dont se base la Commission.
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Le peuple juif, ayant par ses instutitions politiques, sociales et culturelle, trouvé un mode effectif d’expression collective, est reconnu comme un entité nationale disposant d’un droit à l’autodétermination;
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Une période transitoire permettant la mise en place de gouvernements et garantissant la protection des lieux saints accessibles à toutes les religions est recommandée, le temps de trouver une solution juridique définitive.
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La Commission fait le constat de l’intransigeance arabe qui conduit à l’impossibilité d’une solution acceptable pour les deux parties.
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Le projet de partition recueille les voix de 7 membres, le projet de fédération de 3 voix.
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La proposition de Jamal al Husseini, vice-président du Comité supérieur arabe, d’un Etat unique est rejetée par l’ensemble des membres de la Commission, dans la mesure où il n’a présenté aucune garantie concernant le respect des droits des minorités juives.
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Le projet est accepté le 2 octobre 1947 par les dirigeants juifs, et immédiatement rejeté par les leaders arabes.
Le 1 octobre 1947 a lieu aux Nations Unies le dernier débat concernant l’instauration d’un fédération dont l’Assemblée ne parvient pas à choisir quel en serait le gouvernement.

L'Assemblée des Nations Unies : le débat sur la fédération binationale en Palestine - New York le 1er oct. 1947
Du 23 octobre au 19 novembre, les membres de l’UNSCOP se réunissent aux Nations Unies et consultent les autres nations. De leur côté, les Britanniques, qui soutiennent la création d’un Etat arabe afin de maintenir la continuité stratégique autour de Suez (présence militaire d’Aden, dans le Golfe, en Transjordanie, Iraq, Egypte), refusent le transfert de leur autorité aux Nations Unies, et annoncent le 20 novembre 1947 un calendrier d’évacuation de ses forces, fixée au 1er février 1948. Ce départ progressive se traduira par la remise des forteresses, stocks d’armes et positions militaires aux Arabes.
Ainsi, l’UNSCOP a préparé le travail de la Commission pour la Palestine en émettant un certain nombre de recommandations, parmi lesquelles :
- l’établissement de frontières entre les Etats arabe et juif, et autour de Jérusalem,
- la transition administrative pour les nations unies après le départ britannique,
- l’établissement d’un conseil provisoire de gouvernement dans chacun des deux Etats,
- l’organisation d’élections démocratiques dans chacun des deux Etats,
Le projet de partition a recueilli le plus large consensus, en raison des précédents historiques : la shoah et surtout les violences judéophobes secouant les pays arabes, rendant impossible toute garantie de protection aux minorités juives, les échanges de populations entre Grecs et Turcs au début des années 1920, le transfert de population allemande après la seconde guerre mondiale, et enfin la partition de l’Inde.
La persistance du conflit provient de la lecture biaisée du jeu diplomatique en raison de l’importance croissante du Moyen-Orient dans les économies occidentales : la question du pétrole avait représenté durant la seconde guerre mondiale un enjeu stratégique fondamentale, l’accord entre les Allemands et al Husseini incluait ainsi une garantie d’approvisionnement pour le Reich.
En même temps, les membres de l’ONU ne pouvaient faire l’impasse sur la situation en Palestine mandataire où l’économie reposait sur l’activité juive, dont l’évolution sociologique était incompatible avec le point de vue féodale et xénophobe des élites cairotes ou beirouthi.
De la résolution du partage de l’ONU à la déclaration d’indépendance israélienne
Le 29 novembre 1947, l’Assemblée des Nations Unies vote le plan de partition du territoire mandataire entre la Méditerranée et le Jourdain, reconnaissant de facto la Transjordanie, Etat artificiel créé de toute pièce par les Britanniques pour installer les Hachémites chassés du Hedjaz et restreindre les revendications juives à la seule portion occidentale du territoire.
La nouvelle est accueillie par la population juive avec joie : la partition était la preuve de la reconnaissance internationale du droit du peuple juif à l’autodétermination, à la souveraineté et à la liberté. Les pogroms récents de Jerusalem, Hebron, Safed, Alep, Damas, Bagdad, Tripoli, Setif, ou du Caire, mais aussi les violences, destructions et assassinats contre les Juifs durant l’Insurrection arabe depuis étaient dans tous les esprits ; d’autant plus grande était alors la nécessité d’un gouverment souverain en mesure d’assurer la défense des habitants juifs. C’est le consensus qui existait parmi l’ensemble des partis politiques juifs.
À la différence du leadership personnel arabe que Amin al Husseini cherchait à concentrer entre ses mains tous pouvoirs, les autorités juives reposaient sur une expérience probante de démocratie caractérisée par des élections, un pluralisme politique commen en témoignaient les élections de 1944 : un symbole si fort qu’il sera cible d’attentats terroristes arabes en mars 1948.
Ne se cantonnant pas à une position rigide et aveugle, le futur gouvernement israélien, avec à sa tête Ben Gourion, prépare activement l’indépendance par l’instauration d’un Gouvernement provisoire dès avril 1948.
Arrive la fin du Mandat Britannique. Deux éléments vont jouer dans le choix de déclarer l’indépendance :
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L’indécision de l’ONU quant au statut juridique des Etats juif et arabe – ce qui laisse entendre que l’Assemblée préfère entériner le statu quo;
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La déclaration de guerre tacite arabe contre les populations juives, incarnée par la présence de forces armées arabes dès 1947, mais aussi les préparatifs arabes d’invasion, ainsi que les impératifs de la défense, rendent nécessaire la constitution d’un Etat reconnu internationalement, afin d’être protégé par le principe d’intangibilité des frontières.
Photo attaques arabes
De nombreux journalistes et diplomates sont invités le 14 mai 1948 au Musée de Tel Aviv à la cérémonie de déclaration d’indépendance.

Archive : Invitation à assister à la déclaration d'indépendance de l'Etat d'Israel pour le 14 mai 1948

La foule se rassemble devant le Musée de Tel Aviv où va avoir lieu la Déclaration d'Indépendance de l'Etat d'Israel - Photo Fr. Shershel mai 1948
Avec émotion, Ben Gourion lit la Déclaration.
Le peuple juif retrouve la liberté politique et le libre choix de son avenir après des siècles d’oppression et de persécutions.
Dès le lendemain commencera le bombardement de Tel Aviv par les Egyptiens, et d’une certaine façon, le prix sanglant pour la liberté chèrement acquise.
A suivre…
Sur le chemin de la liberté – Israel 1947 – 1949 by Sacha Bergheim est mis à disposition
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