
A la périphérie de Damas, un attentat à la voiture piégée, lundi 29 octobre, près d'une boulangerie de Jaramana a fait onze morts dont des femmes et des enfants. Photo SANA/AFP
L'aviation syrienne a mené lundi les raids les plus violents depuis son entrée en action cet été alors que la capitale syrienne a été secouée par deux attentats.
"Il y a eu plus 60 raids au cours de la journée à travers le pays, notamment dans la région de Damas et à Idleb (nord-ouest). C'est l'utilisation la plus violente de chasseurs-bombardiers depuis l'entrée en action de l'aviation" fin juillet, a affirmé Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Le régime cherche à gagner du terrain. Il y a des combats dans toutes les régions visées par ces raids", a-t-il ajouté.
Selon une journaliste de l'AFP, les bombardements ont été si intenses pendant deux heures lundi matin que les vitres des appartements tremblaient dans le centre de Damas.
Ces bombardements ont visé principalement les fermes de Harasta, dans la banlieue nord-est de Damas, où neuf rebelles ont été tués dans des combats au sol, a précisé l'OSDH, basé en Grande-Bretagne et qui s'appuie sur un réseau de militants et de sources médicales dans les hôpitaux civils et militaires.
En outre, l'artillerie a aussi bombardé Douma, dans le même secteur, où trois civils ont été tués, et des villages avoisinants, selon l'OSDH.
C'est dans cette banlieue que les premières manifestations contre le régime de Bachar el-Assad ont pris de l'ampleur en mars 2011 et c'est aussi dans ces banlieues que se sont constitués les premiers bataillons de l'Armée syrienne libre (ASL).
"Ces raids aériens sur les terres agricoles et les vergers aux alentours visaient à empêcher que les rebelles s'y regroupent et essaient d'y renforcer leurs positions", a expliqué une source de sécurité à Damas.
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Un enfant syrien jouant avec un char détruit, le 29 octobre, à Azaz.
AFP PHOTO/PHILIPPE DESMAZES
Deux attentats à Damas et sa périphérie
A la périphérie sud-est de Damas, un attentat à la voiture piégée près d'une boulangerie de Jaramana a fait onze morts, dont des femmes et des enfants, selon la télévision officielle syrienne, qui a montré les devantures d'immeubles ravagées.
Cette localité favorable au régime syrien, où vivent principalement des chrétiens et des druzes, avait déjà été touchée par deux attentats à la voiture piégée, le 28 août et le 3 septembre, qui avaient fait au total 32 morts, selon l'OSDH.
Selon la télévision officielle, un autre attentat à la voiture piégée a fait "des victimes" lundi à Hajar al-Aswad, un quartier sud de la capitale dont l'armée et les rebelles se disputent le contrôle.
Dans une lettre rendue publique lundi, le ministère syrien des Affaires Etrangères a reproché au Conseil de securité de l'ONU son silence sur l'attentat à la voiture piégée qui a fait au moins huit morts vendredi après-midi dans un quartier sud de Damas. "L'incapacité du Conseil à condamner cette attaque a encouragé les terroristes à continuer leurs crimes", estime le ministère dans son courrier.
A Alep (nord), les rebelles tentent depuis samedi de s'emparer du quartier chic de Zahra, où se trouve le siège des redoutables services de renseignements de l'armée de l'air, selon les habitants.
"Il y a de nouveau des accrochages à l'arme automatique depuis tôt ce matin, mais les combats ont commencé en fait avant-hier. Je ne peux même pas mettre la tête dehors car je risque de recevoir une balle", a déclaré à l'AFP Layal, 28 ans, une habitante du quartier de Zarha.
L'artillerie turque a par ailleurs riposté lundi après qu'un obus syrien fut tombé sur le sol de la Turquie sans faire de victimes, a rapporté l'agence de presse Anatolie. L'obus syrien est tombé près du village turc de Besaslan, dans la zone frontalière du sud de la province de Hatay, alors que les rebelles affrontent dans la ville syrienne de Haram les forces loyales au président Assad, a précisé l'agence.
Un autre obus syrien a éclaté plus tard à quelque 500 mètres de Besaslan, selon l'agence Anatolie, sans indiquer si l'artillerie turque avait cette fois répliqué.
La Turquie a systématiquement riposté à chaque fois que son territoire a été touché par une salve de mortiers ou de canons en provenance de Syrie, depuis la mort, dans ces circonstances, de cinq Turcs le 3 octobre.
Le 19 octobre, l'artillerie turque avait déjà riposté à deux obus syriens tombés dans un champ vide de la province de Hatay.
Selon un bilan provisoire de l'OSDH, les violences ont fait au moins 80 morts - 33 civils, 28 soldats et 19 rebelles - lundi à travers le pays.
"Si ce n'est pas une guerre civile, je ne sais pas ce que c'est"
Alors que la trêve qu'il avait initiée a volé en éclats dès les premières heures de son entrée en vigueur vendredi, le médiateur international Lakhdar Brahimi s'est rendu lundi à l'évidence en constatant que la situation ne faisait qu'empirer.
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Depuis vendredi, date à laquelle armée et rebelles s'étaient engagés à cesser les combats pendant les quatre jours de la fête musulmane de l'Aïd al-Adha, plus de 400 personnes ont été tuées.
"La crise est très dangereuse, la situation est mauvaise et empire", a estimé M. Brahimi, en visite à Moscou pour des consultations avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, allié de Damas.
"Si ce n'est pas une guerre civile, je ne sais pas ce que c'est. Toute la communauté internationale doit s'unir pour aider le peuple syrien à trouver une issue à cette crise", a ajouté le médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe.
M. Lavrov s'est lui aussi montré pessimiste: "Ils se battent de plus en plus en Syrie (...). L'objectif pour tous les Syriens est de cesser le feu et de se mettre à la table de négociations". "Nos partenaires occidentaux et les partenaires dans la région devraient se faire à l'idée que rien ne pourra être accompli sans un dialogue avec le gouvernement (syrien)", a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit également "profondément déçu" par l'échec de la trêve et a exhorté le Conseil de sécurité, les Etats influents du Moyen-Orient et toutes les parties concernées à "oeuvrer en faveur d'un cessez-le-feu".
La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a, elle, déploré dans un communiqué la reprise des violences, espérant que "les parties pourraient se mettre d'accord et respecter un futur cessez-le-feu qui servirait de base à un processus politique".
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