La région de Homs est considérée comme un carrefour stratégique reliant Hama et Alep au nord, Damas au sud-est, la côte à l’ouest, Palmyre (et l’Irak) à l’est, et le Liban au sud-ouest. Homs est un verrou stratégique où transite le commerce transfrontalier avec la Turquie et le Liban, et où passent les gazoducs et oléoducs, présents et à venir. La Syrie ambitionnait en effet de devenir la façade maritime de l’Irak et des pays du Golfe et négociait la construction du gazoduc Iran-Irak-Syrie vers des terminaux sur la Méditerranée.
L’importance de ce verrou explique la construction par le régime d’une « ceinture alaouite » autour de Homs, durant les dernières décennies, et l’installation de près de 100.000 Alaouites. L’objectif du régime est de contrôler la région ou, le cas échéant, de la soumettre et la rattacher à la bande côtière où sera installé le futur Etat alaouite rêvé par Bachar Al-Assad après la perte du pouvoir central à Damas. Selon plusieurs historiens, ce projet était défendu par les ancêtres de Bachar Al-Assad durant le mandat français avant l’instauration de la Syrie actuelle. Abdelhalim Khaddam a récemment accusé Assad d’œuvrer dans cet objectif.
Mais pour y parvenir, Assad doit provoquer un exode forcé des habitants de Homs et de sa région, opération qui s’apparente à « une épuration confessionnelle ». Ce qui explique la sauvagerie avec laquelle son armée et ses miliciens bombardent Homs et Ar-Rastan.
Selon les comités de coordination de la révolte syrienne, le pilonnage qui s’abat sur Homs depuis la nuit de vendredi dernier s’est poursuivi et s’est intensifié ce jeudi, prenant précisément le quartier de Baba Amrou pour cible. Cet après-midi, les bombardements ont touché Ar-Rastan, au nord de Homs, faisant 73 morts. Selon la même source, le bilan provisoire de ce pilonnage est de près de 140 morts, dont 107 à Homs. Selon d’autres sources, le nombre des victimes est bien plus lourd, puisque le pilonnage d’Ar-Rastan a fait, en quelques heures, 73 morts.
Devant « la détermination de Bachar Al-Assad à éliminer son peuple », comme vient de le si bien dire David Cameron, le premier ministre britannique, les activistes de Baba Amrou ont écrit une sorte de « testament », conscients qu’ils seront tous tués. Ils ont ainsi lancé, via les réseaux sociaux, « un cri de détresse à l’adresse d’Alep et de Damas », demandant à la population de ces deux villes, dont la passivité renforce le régime, de « se révolter sans tarder, et de descendre dans la rue pour manifester contre le génocide de Homs ». Les activistes leur ont dit « un vibrant adieu », affirmant qu’ils « baignent dans le sang et les larmes ». Ils ont supplié les habitants de Damas et Alep de « se souvenir d’eux, promettant de les retrouver dans l’au-delà ! ». Ce soir, cet appel semble avoir été entendu, puisque d’importantes manifestations appelant au renversement du régime se déroulent cette nuit à Damas, dans le quartier Al-Qidam.
Les habitants de Baba Amrou se disent par ailleurs « solidaires entre eux et avec les activistes ». Ils refusent que ces derniers fuient le quartier pour se réfugier ailleurs. « Nous vivrons tous ou nous mourrons tous » est le mot d’ordre dans la ville martyre de Homs. La population démunie fait ainsi face à l’épuration confessionnelle ordonnée par le régime, avec la complicité de la Russie, assurée du maintien de sa base navale en pays alaouite ! Mais les autres communautés syriennes ne voient pas les choses du même œil. Car l’installation d’un Etat alaouite les prive de toute façade maritime. « Assad engage ainsi le pays dans une guerre de cent ans », redoutent les experts.
Dario S.