Un assaut se prépare contre Douma et Baniyas
Bachar Al-Assad peut se moquer de tous un certain temps, de certains tout le temps. Mais il ne peut pas se moquer de tous, tout le temps.
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mardi 26 avril 2011 - 22h06, par

Selon plusieurs témoins, les forces du régime, notamment la police politique et les miliciens du Baas, s’apprêtent à lancer l’assaut contre Douma, près de Damas, et Baniyas, dans l’ouest du pays. Les Syriens, qui n’ont pas encore fini de compter leurs morts à Deraa, s’attendent à de nouveaux massacres.


Ainsi, ce mardi soir, plusieurs centaines de miliciens du régime, en civils et armés jusqu’aux dents, ont pris place dans plusieurs quartiers de Douma, au nord-est de Damas. Cette banlieue de la capitale syrienne avait déjà manifesté, à plusieurs reprises, depuis le déclenchement de la « Révolution de la Dignité et de la Liberté », le 18 mars derniers, et des dizaines de ses habitants ont été tués ou blessés. « D’autres, moins chanceux que les martyrs, ont été enlevés et torturés au point de souhaiter mourir dans la dignité que vivre sous la dictature », affirment nos interlocuteurs.
Les habitants de Douma s’attendent, cette nuit ou demain à l’aube, une opération militaire pour terroriser la population et éradiquer toute velléité de soulèvement. Le régime veut tuer dans l’œuf l’aspiration des Syriens à la liberté. Il a vanté, ce mardi, l’opération de Deraa qualifiée de chirurgicale, menée hier, à la demande de la population ! Mais il a dû se « tromper de bistouri », ironisent les opposants.
De leur côté, les habitants de Baniyas craignent une opération similaire, cette nuit, l’armée ayant pris position sur les collines, aux alentours de la ville. Mais ni les troupes ni les chars d’assaut massés ne parviennent à terroriser la population, qui a déjà dégusté la liberté et qui se dit désormais « prête à lutter contre la machine à tuer, les torses nus ». Ce soir, des milliers d’habitants manifestent à Baniyas pour revendiquer la liberté, une revendication qui est désormais synonyme de chute du régime. Mais aussi, dans leur malheur, les habitants manifestent leur soutien à « Deraa la martyrisée ». La principale ville du Sud de la Syrie, proche des frontières jordaniennes, est hermétiquement encerclée, privée de courant électrique, d’eau potable, de téléphone et de vivres. La population commence à manquer de tout et lance des appels de détresse, tout en refusant de se soumettre au diktat du régime. D’ailleurs, des dizaines de cadavres, ramassés dans les rues, au lendemain du massacre, sont méconnaissables, les victimes ayant systématiquement été touchées à la tête par des balles explosives. Elles ont ainsi été défigurées par les snipers dans un objectif précis : terroriser les survivants et en faire un exemple à tous les désireux de liberté.
Ces informations qui parviennent grâce à internet et aux réseaux sociaux, n’ont pas laissé insensibles les Kurdes. A Amouda, dans la région de Qamichli, des milliers de Kurdes se sont mobilisés cette nuit en solidarité avec le reste de la population, bravent l’interdiction et manifestent cette nuit à la lumière des flambeaux, comme le prouve cette vidéo :
Face à cette situation, Damas a reconnu avoir décidé de « recourir à la force pour ramener l’ordre et débarrasser le pays et la population des groupes armés, soutenus et financés par les conspirateurs étrangers », contredisant les propos, tout aussi officiels, faisant état « d’opération chirurgical », un terme d’ailleurs très dénoncé par la Syrie, quand il est employé par les autres pays, notamment occidentaux.
Débordé et menacé, le régime fait tout et n’importe quoi. Ce soir, les autorités affirment être « disposées à recevoir des journalistes et des médias étrangers, uniquement qui font preuve d’objectivité ». Sans doute, c’est au parti Baas de dresser les critères d’objectivité. De même, la Syrie se dit prête à accueillir une commission d’enquête internationale relevant du Comité international des droits de l’homme, « mais à condition ». A l’heure actuelle, on ne connait pas les conditions, mais il est très probable que, pour être reçue en Syrie, cette commission devra comporter des enquêteurs Chinois, Russes Nord-Coréens. Et pour plus d’objectivité, elle peut être diversifiée et ouverte aux enquêteurs Iraniens, Vénézuéliens et Cubains !
En définitive, les Syriens concluent que « leur régime peut se moquer de certains, tout le temps, et de tous, un certain temps. Mais il ne peut pas se moquer de tous, tout le temps ». Nos interlocuteurs regrettent que « certains Libanais de service continuent de défendre un régime vacillant », à l’exemple notamment du ministre des Affaires étrangères libanais, Ali Chami (proche de Nabih Berri, l’un des hommes de la Syrie au Liban, et du Hezbollah), qui a demandé unilatéralement au représentant du Liban au Conseil de sécurité (le Liban est membre non permanent) de « bloquer toute initiative internationale visant à protéger les civils syriens ». Ce faisant, quel pays défendra les civils libanais en cas de nouvelles agressions syriennes ou israéliennes ?
Chawki Freïha
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