Un Gouvernement d’unité sur 3 fronts : les pressions américaines, la menace iranienne, les manipulations (franco-)palestiniennes
« Bibi » Netanyahou est un stratège, capable de mener Israël vers l’atteinte de ses objectifs fondamentaux. Sans crier au génie politique, il vient de mettre le pays en bon ordre de marche, face à la situation régionale la plus volatile qu'aucun gouvernement d'Israël n'ait eu à affronter avant lui :
Son premier gouvernement, depuis 2009, a dû s’adapter aux pressions américaines et européennes, sans pour autant plier sur ses fondamentaux. Le chantage de l’Administration US et de ses alliés européens a consisté à lier toute décision existentielle pour Israël, comme le danger nucléaire iranien à de soi-disant concessions sur la question palestinienne, la partie adverse s’étant retirée des négociations depuis Annapolis, en 2007. D’autre part, les « printemps arabes » ont propulsé la cause palestinienne vers les bancs de touche, en attente d’un éclaircissement et d’une « stabilisation » hypothétique de la région. Les révoltes se poursuivent, la subversion d’Al Qaeda également, aussi bien au Yémen, en Irak qu’en Syrie, plongeant le cœur même de la région dans le plus complet brouillard.
La clé de la stabilité au Moyen-Orient, un pouvoir fort en Egypte, est sous le coup de tentatives d’en finir avec les accords de paix Sadate-Begin. Les coupures répétées de fourniture de gaz, depuis le Sinaï, ne sont que l’indicateur de l’impuissance de l’armée égyptienne à conserver les rênes très longtemps. C’est une façon d’enfoncer le clou dans le cercueil de la quasi-seule manifestation de « normalisation » entre les deux pays. Si ce n’est pas encore le cas, du fait des travaux d’exploration israélo-chypriotes des fonds marins de l’Est de la Méditerranée, Israël pourra, d’ici quelques temps, tirer partie de sa propre exploitation des énergies fossiles en s’appuyant sur des alliés sud-européens plus sûrs et laisser l’Egypte à son chaos qui menace.
Pendant ce temps, ne sachant plus bien à quel saint se vouer, le Hamas extérieur de Khaled Meshaal s’est rapproché de l’OLP d’Abbas, pour former un gouvernement d’union nationale qui peine à se mettre en bon ordre de bataille. Le Hamas de Gaza reste globalement hostile ou inerte autour de ce projet. Israël, pour sa part, dispose des institutions et de la formule de gouvernement qui lui permet d’anticiper toute éventuelle nouvelle configuration de proximité. En appelant à la barre les membres de Kadima, au pouvoir en 2007, lors du précédent fiasco, on aborde le dossier exactement dans les conditions où on l’avait laissé : à charge à la partie palestinienne de continuer de refuser toute négociation ou de préférer s’allier aux Islamistes, qui pourraient bien prendre le pouvoir lors de prochaines élections. De fait, avant même que des accords formels inter-palestiniens ne voient le jour, Jérusalem suscite déjà l’apparition de nouvelles fissures dans ce « bloc » de Ramallah : une partie se sentira contrainte ou tentée de renouer les échanges avec Israël, tandis que l’autre voudra, avec l'aide des Frères Musulmans du Caire, ranimer la flamme du Jihad ou de l’Intifada.
Quoi qu’il en soit, une coalition dominée par les groupes religieux les plus à droite offrait un prétexte à Abbas pour maintenir son imposture de refus de toute discussion. Un gouvernement recentré entrouvre une fenêtre d’opportunité, qui risque de dévoiler les désaccords profonds au sein du club dirigeant palestinien. A prendre ou à laisser.
En redonnant du lest et de la marge de négociation, Jérusalem démontre sa capacité à rester souple et mobile, lorsque la partie adverse se braque. Le discours de l’Administration Obama, soutenu par l’Europe ashtonienne, sur la pseudo-rigidité israélienne, risque fort de tomber à plat. Le prétexte palestinien pour ne pas traiter les autres dossiers et menaces régionales en souffrance aura tout loisir d'exposer son manque total de substance.
La coalition de trois anciens chefs d’Etat-Major dont deux Ministres de la Défense, apporte la possibilité de traiter un à un tous les problèmes frontaliers qui s’agitent, au gré des « printemps arabes ». Des décisions majeures sont à prendre, en ce qui concerne le devenir du front syrien, calme durant près de 30 ans et dont on ne sait pas précisément qui l’occupera demain. La démultiplication d’attentats contre des institutions du renseignement à Damas, l’émergence de terroristes-suicide permettent d’envisager que, l’Armée syrienne libre n’ayant pas pu prendre le pas sur le régime, la situation volatile tourne à l’avantage des Jihadistes de l’extrême, comme cela s’est produit durant des années en Irak. A moins que les services de renseignement des pays du Golfe et de la Turquie aient décidé de mettre la min à la pâte pour précipiter la chute d'Assad.
Une semaine avant de passer le flambeau, Alain Juppé, alors ministre français des affaires étrangères, a eu beau jeu de soulever la question du Chapitre VII de l’ONU, induisant le recours à l’intervention armée : à deux pas d’un changement de régime à Paris, on peut se rendormir sur ses deux oreilles : jusqu'à présent, ni la Turquie, ni les Etats-Unis n’étant prêts à passer aux actes, on ne sait encore qui d'autre prendrait la tête d’une quelconque coalition interventionniste, à l'instar de ce qui s'est produit en Libye. Sauf changement radical de la donne, le choix du pourrissement onusien étant clair à ce stade, le contrôle des frontières appartiendra aux bandes armées les mieux dotées, pendant que la capitale Damas et le pays tout entier sont directement menacés d’implosion. Dans ce contexte, l’habileté à la manœuvre de ministres anciens dirigeants des armées ne sera pas de trop.
L’avertissement vaut aussi pour les militaires égyptiens qui ont laissé le contrôle du Sinaï à toutes sortes de trafiquants salafistes libyens, bédouins, ou iraniens, en lien avec les groupes terroristes gazaouïs –Hamas, Jihad Islamique, Comités populaires…. Le Conseil Suprême au Caire semble s'être décidé à entreprendre d'intercepter quelques camions (3, le 10 mai), bourrés d'armes sophistiquées, venus des entrepôts libyens. Sans quoi, un jour ou l'autre, Tsahal devra envoyer des commandos, des tanks, son aviation et démanteler lui-même, sous les radars, ces infrastructures qui poussent comme des champignons. Ce sont là des missions tout-à-fait en rapport avec l'émergence du "Corps d'actions en profondeur", dirigé par Shaï Avital (ancien Sayeret Matkal) Et Gal Hirsch (du Shaldag).
Le candidat des Frères Musulmans aux Présidentielles, Mohamed Mursi, prétend déjà avoir pour objectif des « Etats-Unis arabes avec Jérusalem pour capitale ». Le risque est grand qu'à un moment donné, les islamistes cherchent la confrontation, d'abord avec l'armée égyptienne. Mais, au besoin, un barrage de tanks et de F-16 israéliens devra renvoyer tout ce beau monde agité méditer son arrogance bien téméraire à la maison.
L’Europe, de son côté, n’est pas prête à prendre conscience de « l’Afghanisation » qui se joue, entre la Corne de l’Afrique et le Maghreb, par Sahel interposé. Profitant de la chute de Khadafi, le Soudan entreprend une guerre encore larvée avec le nouveau Soudan du Sud chrétien et indépendant. L’Ouganda, le Rwanda, alliés d’Israël, pourraient entrer en guerre contre Karthoum, allié de Téhéran, si El Béchir pousse ses bombardements plus loin, au risque de faire tomber la nouvelle petite république. Le Kenya et l’Ethiopie interviennent déjà en Somalie. Des centaines de lance-roquettes à l’épaule, pillés dans les hangars de Tripoli, sont, désormais, entre les mains de groupes comme Boko Haram au Nigéria ou le MUJAO, au Mali, qui menace directement l’Algérie. Ces nouveaux groupes disposent de la manne financière tirée de la cocaïne, corrompent et recrutent partout en Afrique de l’Est.
Hélicoptère Apache israélien sur l'île Mayteb au Soudan, en décembre dernier ? (info : http://nanojv.wordpress.com/2012/04/30/apaches-soudan/ )
Américains, Français et Britanniques restent paralysés par les perspectives électorales, où le clientélisme islamique va bon train. Le fait qu’Israël s’organise en repoussant cette étape et en promulguant un pouvoir fort et varié permet de gagner un temps précieux, dans la chaîne de décision, quant à ce chapelet de nouvelles menaces.
L’avertissement vaut aussi et directement, pour Téhéran, abrité derrière ces soubresauts régionaux pour construire sa bombe. En suivant, pas à pas, ses progrès dans l’enrichissement d’uranium et dans l’attente de l’échec annoncé de toute négociation avec l’Iran, d’ici juillet-août 2012, le gouvernement de Jérusalem est paré à toute éventualité, même si aucune décision concrète n’est encore intervenue. L’annonce de cette configuration rappelle à Obama qu’il lui reste peu de temps pour trouver, face à lui, des Israéliens de différents bords parfaitement déterminés à veiller à leur propre sécurité nationale, si jamais les alliés s’en tenaient à leur diversion diplomatique habituelle. Autre alternative indirecte, la chute précipitée de Bachar al Assad pourrait envoyer un message clair à Téhéran. Pour l'instant, on en reste loin...
Face à l’émergence d’Etats socialistes comme la France, contrôlée par des partis po-palestiniens démagogiques et financés en sous-main par le Qatar, siège mondial des Frères Musulmans, une telle précaution, accélérant la transmission des mesures à prendre, quel que soit le danger, permet, plus que jamais, la prise en main, par Jérusalem, de son propre destin.
Sur le plan intérieur, elle autorisera à faire passer des réformes importantes, telles que l’élargissement des services civil et militaire à toutes les franges de la population, avec un moindre risque de blocage par les partis ultra-orthodoxes et les partis arabes, ces derniers comptant sur les travaillistes marginalisés, pour faire avancer leurs revendications séparatistes. Le recentrement sur un bloc de droite et du centre permettra de sortir des situations clientélistes auprès des petits partis. Cette perspective redonnera un nouveau souffle à la démocratie israélienne, face à l’ensemble des défis stratégiques et économiques qui l’attend.