Jeudi 3 juin 2010, six des dix Français qui avaient embarqué à bord de la flottille internationale pro-palestinienne sont arrivés à Roissy-Charles-de-Gaulle. Parmi les représentants de la France dans cette affaire figurent sept membres du Comité de Bienfaisance et de Secours du Peuple Palestinien (CBSP), qui compte aujourd’hui 350 bénévoles et une trentaine de salariés. Retour sur une nébuleuse : Le CBSP, l’une des associations spécialisées de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), comprendre la version française des Frères musulmans. Le CBSP, c’est quoi ? Le 37 rue de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, abrite le siège du CBSP, association de collecte de fonds en faveur de la Palestine, qui travaille aussi dans les camps de réfugiés au Liban et en Jordanie. Fondée à Nancy le 20 mars 1990 par un groupe de jeunes étudiants français pro palestiniens, sous le régime de la loi de 1901, le CBSP a été enregistré à la préfecture de Meurthe et Moselle sous le numéro 9071, et a longtemps eu un bureau à Vandoeuvre, en banlieue nancéienne. Elle dispose désormais, outre d’un local parisien, d'un bureau à Lille et, depuis le 1er mai 2003, d'un autre à Lyon, et d’un dernier à Marseille. Né dans l'orbite des Frères musulmans, le CBSP se présente comme une simple ONG. Il dispose en fait d'énormes fonds. Les fondements religieux du CBSP Alors que la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), dont le porte-parole, Thomas Sommer Houdeville, était à bord d’un des bateaux en partance pour Gaza, est laïque et de gauche, le CBSP a des fondements religieux, rappelle Libération du 3 juin 2010. «Chez les Frères musulmans, tout est religieux, pas seulement la prière, mais aussi l’engagement politique et social. Le soutien à la cause palestinienne est considéré comme un acte d’adoration», explique Samir Amghar, chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. L’une des missions du CBSP est la mise en place de projets de reconstruction et de développement à Gaza. En 2005, la politologue Fiammetta Venner publie un livre, OPA sur l’islam de France, dans lequel elle met en lumière « la face cachée de l’UOIF ». Dans une interview donnée à l’Express, elle déclare que «l'UOIF est porteuse d'une radicalité politique, l'intégrisme, et elle est en cela une organisation dangereuse, d'autant plus dangereuse qu'elle prétend incarner un islam majoritaire en France et en Europe » ce qui, d’après elle, est faux. Fiammetta Venner précise que « l’UOIF bloque toute discussion théologique en se référant uniquement à la doctrine des Frères musulmans. Elle a également une mainmise totale sur le Conseil européen de la fatwa - l'exécutif religieux de l'Union des organisations islamiques en Europe (UOIE), sorte de maison mère basée à Londres - qui émet des avis sur la manière dont les musulmans d'Europe doivent se comporter, des fatwas niant le droit des femmes, rejetant l'avortement, justifiant les attentats kamikazes ». L’auteur revient sur les liens de l’organisation avec les Frères musulmans et sur l’entraide financière : « L'UOIF finance et soutient le CBSP, qui récolte des fonds pour le Hamas, organisation armée palestinienne inspirée par la doctrine des Frères musulmans. Sur une photographie, on peut voir les chefs de l'UOIF montrer comment on peut donner de l'argent pour le CBSP, dont les stands sont bien placés à chaque congrès du Bourget et les tracts, distribués. L'argent est, disent-ils, destiné aux familles des orphelins de Palestine. Mais comment sont morts les parents de ces orphelins? » S’interroge Fiammetta Venner. En 2003, le CBSP est désignée comme une « entité terroriste » par les Etats-Unis En 2001, le Crédit lyonnais, qui était alors la banque du CBSP, avait signalé à deux reprises au service anti blanchiment du ministère de l'Economie et des Finances, des mouvements de fonds suspects. L'intérêt porté par les services de renseignement français aux associations caritatives musulmanes d'aide aux Palestiniens s'était alors renforcé. Le CBSP a fait l'objet de plusieurs enquêtes de police en France, portant sur ses transferts d'argent à destination de pays étrangers. Une première enquête a été classée sans suite, le 19 juillet 2001. Le 30 mai 2002, le procureur de la République de Nancy a demandé au SRPJ (service régional de la police judiciaire) d'enquêter sur le CBSP, suite à des « informations susceptibles de constituer une infraction pénale » fournies par la cellule de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin). Cette enquête a été elle aussi classée sans suite, après être parvenue à la conclusion « qu'aucune information n'a pu être recueillie tendant à démontrer que ladite association a pu constituer le relais de circuits financiers clandestins, malgré les flux très importants relevés sur ses comptes ». En 2003, le CBSP a été désigné comme « entité terroriste » par les Etats-Unis. Le CBSP a été, accusé « d'apporter leur soutien au Hamas et de former son réseau de collecte de fonds en Europe. Après le 11 septembre 2001, les États-Unis et la Grande Bretagne avaient fait pression sur la France pour que le CBSP soit répertorié sur la liste des organisations terroristes, prétextant des liens avec le mouvement islamiste palestinien Hamas, inscrit lui-même sur cette liste. « Deux enquêtes ont été diligentées par le Quai d’Orsay, dont l’une en 2003 alors que Dominique de Villepin était ministre des affaires étrangères. Nous avons été blanchis de toutes accusations », précise Kamel Bechikh , porte-parole du CBSP à la Croix (2 juin 2010). Les choses sont cependant plus compliquées. Rappel de certains faits : compte tenu de sa proximité avec les Frères musulmans, le CBSP a des relations fraternelles avec le Hamas, nous l’avons dit. Qualifié par le centre Simon-Wiesenthal, en 2004, d’«association française qui finance le terrorisme et qui est proscrite aux États-Unis», le CBSP a porté l’affaire en justice. En première instance, le Centre Simon-Wiesenthal a été condamné pour diffamation et le 8 mars 2007, le tribunal correctionnel de Paris avait jugé ces propos « gravement diffamatoires », estimant que les documents apportés par le Centre n'étaient pas suffisants. Donnant raison au CBSP, il avait condamné Shimon Samuels, le directeur du Centre Wiesenthal pour les Relations Internationales, à une amende de 1.000 euros avec sursis et à verser un euro de dommages-intérêts au CBSP. Seulement, cette décision a été cassée en appel. Le caractère radical du CBSP a été reconnu par la Cour d’appel de Paris le 1eroctobre 2008 à la suite d’un procès en diffamation perdu (donc) par cette dernière. Arguant d'une enquête « très approfondie » de « plus de deux ans », Shimon Samuels avait fait appel, assurant vouloir aller « au bout de son devoir, qui est de mettre en garde les personnes généreuses, prêtes à aider les populations palestiniennes qui en ont besoin, contre le détournement de leurs dons ». Les magistrats de la 11e Chambre ont considéré que son enquête était effectivement « sérieuse » et qu'il n'avait « pas dépassé les limites admissibles en matière de liberté d'expression ». Et l’argent ? Côté finances, le CBSP revendique donc 70 000 donateurs en France, mais toucherait également, selon Samir Amghar (Libération, 3 juin 2010), de l’argent «de bienfaiteurs et mécènes des pays du Golfe, des riches Saoudiens, Koweïtiens ou Emiratis pour qui la question palestinienne compte». Dans une enquête qui avait été publiée le 4 juillet 2003 sur le site Internet de Proche-Orient Info, Jean-Yves Camus avait dressé le bilan de l'année 2002 présenté par l'association. Ce bilan démontrait des moyens financiers conséquents, de plus de 3 millions d'euros. Par ailleurs, le CBSP avait parrainé en 2001 2.218 orphelins, 112 enfants handicapés pris en charge par son programme « Espoir handicap » qui concerne surtout des Palestiniens blessés par l'armée israélienne et 1.311 familles nécessiteuses, tout ceci pour une somme de 1.594.083 euros. Le montant total de l'aide alimentaire distribuée a été de 920.000 euros. La construction, à Gaza, d'un centre pour handicapés qui a ouvert ses portes en octobre 2003 et a coûté 104.442 euros. Un autre projet, nommé « Un toit, une vie », a permis de reconstruire quatorze maisons palestiniennes présentées comme détruites par Tsahal, ce pour 314.800 euros. En 2006, le CBSP lance l’opération « Ensemble pour l’Espoir », qui selon cette ONG, permet de réaliser et de financer des projets sociaux et économiques dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, de même que dans les camps de réfugiés du Liban et de Jordanie. Parallèlement, le CBSP annonce qu’il s engage des actions d’aide d’urgence lors d’évènements tragiques ou de catastrophes. En 2008, le service Parrainage gérait les dossiers de 7633 orphelins, 375 personnes handicapées et 315 familles démunies. Par ailleurs, le CBSP a étendu le concept de parrainage aux enfants palestiniens pauvres. Une nouvelle action qui vise à assurer à ces derniers une vie décente au sein de leurs familles, annonce son site Internet (cbsp.fr). Le succès rencontré par ce projet aurait permis au CBSP de venir en aide à 193 enfants (pour un parrainage de 3.698.515 euros). En 2009, le CBSP a consacré plus de 1,7 million d’euros afin de mener à bien de nombreux projets au profit du peuple palestinien, dont (selon le CBSP) 208.000 euros pour « le développement économique », 469.000 euros pour « l’urgence », 369.800 euros pour « l’éducation », 133.561 euros pour « la santé » et 508.000 euros pour « le social et les loisirs », grâce à quelques 70.000 donateurs. Rappelons que, dans une enquête réalisée par l’Express du jeudi 15 janvier 2009, des associations ont été soupçonnées d'apporter un soutien financier aux islamistes de Gaza : chèques, promesses de dons, virements postaux. Le déclenchement de l'opération israélienne dans la bande de Gaza (en décembre 2008) a eu, en France, un effet immédiat: le CBSP a vu sa collecte de fonds prospérer plus vite qu'à l'ordinaire. En 2005, le CBSP vendait des cassettes à la gloire des terroristes du Hamas ! Lors de la 22 e rencontre annuelle de l’UOIF, qui s’est déroulée du 25 au 28 mars 2005 au Parc du Bourget, un promeneur a pu acquérir pour une somme modique toute une collection de cassettes de chansons et de discours dont les couvertures étaient à l’effigie du Cheikh Ahmed Yassine, le fondateur du Hamas et de kamikazes du Hamas armés de Kalachnikov. Ces cassettes étaient vendues sur le stand du Comité de Bienfaisance et de Soutien aux Palestiniens (CBSP), qui a occupé une place centrale sous la grande halle du Bourget. Sur ce stand, pavoisé aux couleurs de la Palestine, les militants du CBSP a proposé à la vente des keffiehs, des fanions et d’autres objets du même genre, ou bien de parrainer un enfant palestinien et de financer une plantation d’oliviers. Les cassettes audio ont été mises en évidence sur le présentoir. Sur la jaquette colorée des cassettes était clairement mentionnée l’adresse de l’unique distributeur, une boutique qui se trouve à Malmö, en Suède. Cette mention confirme ce que les experts pressentent depuis fort longtemps : la Suède est plus que jamais le pays d’encrage de réseaux fondamentalistes qui aident ou financent les réseaux terroristes. Après avoir acheté le stock disponible, le promeneur a fait traduire les cassettes. Pour éviter toute interprétation ou erreur, cette traduction a été confiée un traducteur assermenté. L’une des cassettes, intitulée « Le symbole des Moujahidines : Le Cheikh Ahmed Yassine », appelle à la mort des Juifs. Cette cassette est un long éloge funèbre du fondateur du Hamas, prononcé par divers orateurs, entrecoupé de prières traditionnelles musulmanes, de chansons à la gloire du Djihad et de quelques autres documents sonores. La cassette débute par cette déclaration : « Au nom d’Allah, le puissant et le miséricordieux, en mon nom et au nom des membres du conseil supérieur, depuis le domicile du défunt, je présente mes condoléances. Yassine était un homme religieux qui faisait du bien aux autres, que Dieu lui pardonne… » Un peu plus loin, une voix résonne : « Ils ont tué Omar et Osmane (les Prophètes, ndt), ils ont tué Omar, qu’Allah soit avec lui, alors qu’il était en prière. Ils ont tué Ali, qu’Allah soit avec lui, alors qu’il se rendait à la mosquée, et ils tuent Ahmed Yassine après qu’il ait prié et gagné le soutien de Dieu… » On entend ensuite une chanson : « La mort du martyr fait fleurir les roses, sa mort ramène la gloire des ancêtres. Il meurt et nous montre le vrai visage des Juifs. Il meurt et nous montre le vrai visage des Juifs. Et il meurt pour nous montrer que sans le Djihad nous sommes la plus condamnable des nations, la plus vile des nations, et le Djihad, et le Djihad est le vrai choix, hier comme demain. » Plus loin encore : « Et il s’en va le drapeau du Djihad, Ahmed Yassine, celui qui priait à l’aube laissant la nation derrière lui. Il part et son sang pur témoigne de la nature de la bataille, de la lutte entre les musulmans et les ennemis. Le tueur est juif et le tué est le musulman. Et l’arme américaine. Le Cheikh va devenir à partir d’aujourd’hui le symbole populaire et grand de la résistance musulmane, non seulement en Palestine mais dans l’ensemble du monde musulman. » Plus loin toujours : « Nous allons battre les juifs et ceux qui les soutiennent par le sang des martyrs. Et nous allons les brûler avec nos âmes de nos enfants. » Immédiatement alerté, Roger Cukierman, le président du CRIF de l’époque a adressé un courrier au Secrétaire général de l’UOIF, Fouad Alaoui. Roger Cukierman a fait part de sa « consternation » et a affirmé que ces cassettes « constituent une incitation à la haine et à la violence raciale. » Parallèlement, le CRIF a alerté le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin. Et, dans un communiqué, le CRIF a demandé à l’UOIF « de veiller à ce que de tels enregistrements soient bannis de la propagande des organisations en cause ». Dans un premier temps, cette accusation a été pourtant rejetée par les responsables des stands et l’UOIF. Fouad Alaoui, Secrétaire général de l'organisation, a démenti la présence de telles cassettes et a dénoncé «une ingérence flagrante» du Crif «qui n'a pas à [lui] dire qui [il doit] ou ne [doit] pas inviter au Bourget». « Nous sommes une organisation humanitaire en faveur des Palestiniens, il n’est pas dans nos habitudes de vendre de telles choses », a déclaré quant à lui, à l’AFP, un responsable du CBSP, Youcef Benderbal -passé en invité d'honneur sur toutes les télés, dont "C dans l'air" sur la 5-, ajoutant que les seules cassettes mises en vente étaient des « chants patriotiques palestiniens. » Changement de ton et virage à 180 degrés pourtant en fin de journée (5 avril). Interrogé par l’agence de presse Reuters à ce sujet, le Président de l’UOIF, Lhajthami Brez a fait part de ses regrets : « Il est regrettable que cela se soit produit et il est regrettable que cela ne nous ait pas été signalé à ce moment là. On aurait pu alors envoyer un huissier et saisir la justice. » « On ne peut pas tolérer que ce genre de cassettes soient vendues, c’est un appel à la haine raciale, à la haine contre les religions, on ne peut pas l’admettre », a ajouté le président de l’UOIF. Breze dit par ailleurs avoir pris contact avec le CBSP, qui a, selon lui, « nié totalement » avoir eu en sa possession les cassettes incriminées. « Les gens du CBSP doivent faire preuve de vigilance, certains ont peut être abusé de leur confiance » a ajouté le Président de l’UOIF. Quelques heures plus tard, le CRIF a communiqué qu’il prend connaissance avec satisfaction des regrets exprimés par Lhaj Thami Breze et de sa condamnation de la vente de cassettes qui appellent « à la mort des juifs. » Comme nous venons de le voir dans cette enquête, le CBSP est loin d’être transparent. Et, de toute évidence, le CBSP continuera d’encourager le Hamas dans la bande de Gaza. |