Tsahal et les trafics d’organes : de l’intox à l’info
L’article de l’écrivain suédois Donald Boström paru dans le journal Aftonbladet le 17 août 2009 est rapidement et mondialement devenu l’emblème d’un prétendu trafic d’organes commis par Tsahal sur de jeunes palestiniens. Circulant sur internet à la vitesse de la lumière, cette légende urbaine n’a été véritablement remise en cause que par... Boström lui-même.
Nul n’a oublié l’article du journaliste suédois Carl Donald Boström paru le 17 août dernier dans Aftonbladet. Nul ne l’a oublié parce que l’auteur et le titre du journal seraient universellement connus pour leur rigueur et leur intérêt, mais parce que M. Boström, avec son article « On pille les organes de nos fils », a été à l’origine d’une légende urbaine de plus ternissant l’image d’Israël.
Cet article sans preuve a circulé sur internet comme une vérité révélée. Mais ce que personne ne s’est empressé de révéler depuis, c’est que le reporter est revenu sur ses déclarations.
Journalisme ou militantisme ?
Tout professionnel de l’information se renseigne sur ses sources pour évaluer leur taux de fiabilité et comprendre leurs orientations éventuelles. Cet acte déontologique a singulièrement été mis de côté par la multitude de sites « d’information » qui ont repris l’article en boucle et les forums qui se sont répandus en accusations dignes des diatribes anti-juives du Moyen Âge. L’accusation de crimes crapuleux a été repris par la plupart des sites antisionistes : ISM , El Moujahid, Info-Palestine, Soutien Palestine, les Ogres, La Banlieue S’exprime, Egalité & Réconciliation, et bien sûr le Parti anti sioniste .
Déjà à l’époque, les détracteurs de Bolström tels que Barry Rubin, par exemple, avaient d’ailleurs déploré qu’on s’attache à le dénigrer plutôt que d’étudier la validité des témoignages rapportés.
Un panorama rapide de la production littéraire du journaliste suédois indiquait déjà de quel point de vue se plaçait... son objectivité :
· Tårgas & Oliver, ABF, 1992 (Gaz lacrymogènes et olives).
· Faces of Jerusalem, Libris, 1993 (traduit en anglais) (Visages de Jérusalem).
· Inshallah, Ordfront, 2001 (traduit en arabe) (Inchallah).
· Muren, Leopard förlag, 2005 (Le Mur).
· Salam, Arena förlag, 2007.
Des origines romanesques d’une information...
Le texte relatant l’histoire de Bilal Ghanem est tiré du livre Inshallah publié en 2001. A cette époque, l’accusation de crimes crapuleux de l’armée israélienne pour alimenter un trafic d’organes était passée inaperçue tant le prestige de l’auteur était grand. Il aura fallu attendre 8 ans et la providence d’une actualité américaine pour que Bolström trouve le moyen de faire de cette « information » un buzz mondial.
Arguant qu’il n’y a pas de fumée sans feu, Bolström a habilement intriqué son expérience littéraire de 2001 avec l’opération Big Rig conduite par le FBI, à l’issue de laquelle, en juillet 2009, 44 personnes ont été arrêtées pour corruption, blanchiment d’argent et trafic d’organes. Il n’en a pas fallu plus à l’écrivain pour entamer une enquête et rencontrer « un grand nombre de famille en Cisjordanie et à Gaza » et raconter « comment les organes de leurs fils avaient été prélevés, avant qu’ils ne soient tués. » Des témoignages qui, selon lui, illustrent le cas du jeune Bilal, mort 17 ans plus tôt : la preuve est faite, et il se lance...
Notre romancier décrit donc une scène digne des films de guerre américains : Bilal, le jeune « lanceur de pierres, caché dans les montagnes de Naplouse parce qu’il menait la vie dure aux soldats israéliens », la cigarette que l’on éteint, la canette de Coca que l’on pose et les tirs des snipers, une balle en pleine poitrine et une dans chaque jambe avant d’achever le jeune homme d’une balle dans le ventre pour enfin l’évacuer, « grièvement blessé », dans une Jeep.
La preuve est à l’accusation
Peu importe, pour le journaliste, que les trois actes d’accusation américains, bien que faisant partie de la même opération, ne soient pas liés entre eux. La corruption concerne des hommes politiques du New Jersey ; le blanchiment d’argent concerne des juifs de Brooklyn qui sous couvert de dons à des associations caritatives israéliennes permettaient à des imposables de soustraire des sommes au fisc ; et le trafic d’organes concerne un seul homme : Itzhak Rosenbaum.
Le business immoral du rabbin Rosenbaum consistait à convaincre des israéliens nécessiteux de faire don d’un de leurs reins contre la somme de 10 000$. Pour ce faire, il faisait voyager avec lui les donneurs, leur faisait passer toute une série de tests de compatibilité et organisait dans des cliniques privées le prélèvement et la transplantation simultanément.
Aussi abjects que soient ces actes, il convient de noter que les donneurs étaient israéliens et non Palestiniens, qu’ils étaient consentants, qu’ils n’ont pas été tués et que le seul organe prélevé était un de leurs reins.
Si le diable loge dans le détail, ces faits cruciaux n’intéressent pas le moins du monde le romancier suédois. Rien de tel pour un scoop sulfureux que d’associer les mots « rabbins, Juifs, Israël, argent » et « trafic d’organes sur des Palestiniens ».
Pas plus, d’ailleurs, que ne l’intéresse de recouper les « informations » qui lui auraient été fournies dix-sept ans plus tôt par « du personnel de l’ONU » (à 90% Palestinien en Cisjordanie) et selon lesquelles « des vols d’organes avaient certainement lieu, mais qu’ils étaient empêchés d’agir contre cela. » Aucun nom, aucune situation, aucun récit circonstancié si ce n’est « Khaled de Naplouse, Raed de Jenine ou Mahmoud de Gaza « comme John de Chicago, Bernard de Paris ou Miguel de Madrid : du vrai journalisme d’investigation !
En pleine tourmente, le journaliste israélien Khaled Abou Toameh avait rencontré les parents de Billal qui avaient réfuté les propos du journaliste, ils affirmaient ne jamais lui avoir parlé ! Mais cela n’avait pas suffit à éteindre l’incendie, la rumeur avait pris corps, l’accusation s’était répandue dans le monde entier comme une preuve supplémentaire de la immoralité de l’état Sioniste, la Fédération Nationale des Journalistes Algériens décidaient même de lui remettre un « prix spécial » le 17 septembre 2009.
Le démenti de Boström.
Invité à la Conférence sur le Journalisme de Dimona, le journaliste suédois s’est dit surpris mais ravi de pouvoir défendre son travail, devant un public pas toujours attentif à ses explications peu convaincantes. A la suite de cette conférence, Boström a été interviewé la chaine 10 de la télévision israélienne.
Au cours de cette interview en anglais, Donald Bolström est revenu sur son article et ses conséquences.
Le journaliste israélien a demandé dans un premier temps si Donald Boström était d’accord avec le résumé de son article de la façon suivante (1mn34) : « les soldats israéliens kidnappent, prennent des palestiniens qu’ils ont tué et leurs organes sont soustraient pour être transplantés sur des israéliens, est-ce juste ? » Le romancier suédois répond « non, ils tuent des jeunes, les amènent à Abu Kabir (Institut Médico Légal) et les ramènent 5 jours après, nous pensons qu’il manque des organes mais nous n’avons aucun élément pour savoir qui a fait cela. »
Sur la question de l’impossibilité d’une transplantation à partir d’une personne morte (2mn38), Donald Boström rétorque que « les organes peuvent servir à différentes utilisations, recherche, science, formation… »
A la question de la correspondance de ce mythe avec ceux anciens des crimes rituels pendant la pâque juive, Donald Boström reconnaît (3mn35) que « c’est un grand problème et je suis vraiment désolé pour cela, après cette expérience j’écrirai mon article différemment. »
Devant la présentation de caricatures trouvées dans la presse arabe à l’issue de son article (6mn44), Boström déclare embarassé : « sur ce point, c’est ma faute. J’ai été utilisé de tous les côtés et je haï cela. »
Enfin, lorsque le journaliste israélien lui pose la question s’il pense que les soldats israéliens pouvaient commettre de pareilles horribles choses (8mn45), Donald Boström répond sans équivoque non et poursuit : ce n’est pas ce que je crois. Ceci (l’accusation de trafic d’organes)est une condamnation que quelqu’un a inventé, fabriqué en mon nom ce qui a provoqué de grands dommages. C’est pourquoi je suis là ! La personne qui a inventé cette condamnation aurait dû être plus honnête dans la traduction de mon article. »
http://reshet.ynet.co.il/חדשות/News/Politics/StatePolicy/Article,31162.aspx
Enfin, alors qu’il était retourné en Suède Donald Boström a donné une autre interview en anglais à un journal télévisé israélien dans lequel il expliquait qu’il ne se rendrait pas à une conférence sur le journalisme prévue à Beyrouth parce que « j’ai compris que, cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un événement journalistique professionnel, mais également d’un événement politisé. Je n’avais pas envie d’être associé aux déclarations de ces groupes politiques ».
Il convient de reconnaître à Donald Boström un courage certain, car non content de revenir sur les accusations de son article, il refuse les honneurs qui l’attendent dans des conférences destinées à exploiter la moindre critique d’Israël à des fins politiques. Il faut espérer que cet exemple se sera suivi par d’autres et que les sites qui ont utilisé ce « hoax » diffuse l’interview du journaliste pour informer leur auditoire. Il est permis de rêver !
http://www.actu.co.il/2009/10/
[Jeudi 29/10/2009 21:34]