LE LIBAN EN PASSE DE REGLER LE PROBLEME DES REFUGIES PALESTINIENS?
Par Bertrand RAMAS-MUHLBACH
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Ce 15 juillet 2010, le Parlement libanais a engagé un débat sur l’octroi des droits civils élémentaires aux réfugiés palestiniens (400 000 personnes cantonnées dans 12 camps surpeuplés entourés de charniers et de barrages militaires), droits dont ils sont privés depuis 62 ans. La Constitution libanaise prévoit certes (depuis de longues années), la faculté pour les Palestiniens de disposer de droits sociaux économiques et de vivre dans la dignité (s’agissant d’une question humanitaire), mais de façon tout à fait contradictoire, elle mentionne expressément un refus catégorique de les intégrer au sein de l’Etat. Aussi, et compte tenu des divergences de position des groupes politiques locaux, les palestiniens n’ont jamais pu bénéficier des droits civils fondamentaux.
Il en est ainsi des droits sociaux (assurance maladie), du droit d’exercer une profession libérale (avocat, médecin, architecte), d’occuper des postes à responsabilité (ingénieur) voire d’exercer des professions comme chauffeur, cuisinier, serveur, coiffeur, jusqu’en juin 2005, date à laquelle Trad Hamadé, Ministre libanais du travail (proche du Hezbollah) a signé un mémorandum, en leur faveur. Cette privation des droits civils s’étend également à celui d’être propriétaire d’immeubles, (ce qui les contraint à vivre dans des baraquements construits avec des feuilles de zinc et des planches en aluminium), à celui du droit de circuler librement ou encore du droit de s’associer.
C’est dans ce contexte que, sous l’impulsion du Parti Socialiste Progressif (PSP) et du parti du dirigeant druze Walid Joumblatt, un projet de loi a été déposé au parlement libanais le 15 juin 2010, visant à permettre aux palestiniens d’accéder aux droits civils élémentaires. Pour autant, et bien que d’importantes manifestations palestiniennes aient été organisées le 27 juin 2010 à Beyrouth, le projet est loin de faire l’unanimité. Certains partis politiques (rivaux) le soutiennent comme celui du Premier Ministre Libanais, du Mouvement pour l’Avenir, du Hezbollah ou de Amal, alors que d’autres y sont résolument hostiles comme les Elus du Mouvement patriote Libre, la Phalange de Samy Gemayel (les phalangistes avaient déjà massacré des Palestiniens par milliers dans les camps de Sabra et Chatilla le 16 septembre 1982), ou les Forces Libanaises.
Le refus d’accorder les droits aux réfugiés palestiniens est notamment motivé par des considérations d’ordre politique et plus particulièrement par les luttes d’influence entre les différents groupes représentatifs. Ainsi, pour les chrétiens, le bénéfice d’une telle mesure ferait craindre une implantation définitive des Palestiniens dans le cadre du règlement global du conflit israélo palestinien et, à terme, une diminution de la représentation chrétienne dans le paysage politique au profit des partis musulmans. De même pour le député aouniste Ibrahim Kanaan, la transformation d’un réfugié palestinien en un résident dans son pays d’exil modifierait l’équilibre du pays qui repose sur le poids démographique des communautés. Enfin, et même si pour le député Marwan Hamadé ( parti Walid Joumblatt), le principe de l’octroi des droits fondamentaux aux palestiniens est acquis, il est nécessaire de préserver les équilibres politiques actuels.
Pour leur part, les leaders palestiniens sont hostiles à toute acquisition de droits civils pour les réfugiés puisqu’elle pourrait conduire à un abandon de cette revendication qu’est le droit (imaginaire) au retour en Palestine. Pour eux, la Palestine est la vraie patrie des Palestiniens : leurs villages y ont été détruits, leurs champs brûlés, les populations massacrées et dépossédées, alors que l’Etat hébreu tente toujours d’effacer les traces de l’identité palestinienne, de façon encore plus incisive depuis l’entrée en fonction des responsables « fascistes » que sont Netanyahou ou Avigdor Lieberman.
En réalité, de nombreux facteurs justifient la nécessité d’intégrer progressivement les réfugiés palestiniens dans la société libanaise. Tout d’abord, les réfugiés palestiniens au Liban ne bénéficient plus de représentation politique. C’était l’Olp qui jouait ce rôle mais ce n‘est plus le cas de l’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas qui s’exprime au nom des seuls palestiniens de Cisjordanie. Le représentant de l’Autorité palestinienne au Liban (Abdallah Abdallah) s’est donc prononcé en faveur des droits civils pour les réfugiés au Liban (1er juillet 2010).
Par ailleurs, les événements récents sur le blocus de la bande de Gaza ont fait prendre conscience aux Palestiniens du Liban que leur revendication devait porter non sur le droit au retour mais sur celui de vivre dignement. D’ailleurs, les réfugiés palestiniens ne sont pas attachés à un établissement en Israël. Nés au Liban depuis deux ou trois générations, c’est le seul pays qu’ils connaissent. Par ailleurs la résolution 194 du 11 décembre 1948, (qui fonde le droit au retour) ne leur est pas applicable puisqu’elle subordonne le « droit au retour » au respect de divers conditions, notamment de temps (le droit au retour doit être exercé le plus rapidement possible, non 62 ans après), à l’existence de foyers (ils n’en ont aucun en Israël), et à une disposition d’esprit (une volonté de vivre en paix et non détruire Israël).
La nécessité de s’intégrer au pays du Cèdre résulte également des difficultés de se procurer des armes. De tout temps, les camps symbolisaient, pour les réfugiés, l’attente du retour, la lutte pour les droits et la résistance à Israël. Or, la résolution 1559 de l’Onu impose le désarment des organisations palestiniennes, ce qu’exige également Mahmoud Abbas (consacrant l‘abandon de la cause) : sans armes, plus combat.
Enfin et surtout, la question cruciale est financière. Les réfugiés palestiniens reçoivent des subsides de l’Unrwa, et échappent à la Convention de Genève de 1951 (qui elle, accorde tous les droits civils aux réfugiés). Or, l’Unrwa qui reçoit principalement ses dons des Etats-Unis, de l’Union Européenne mais aussi de la ligue arabe (à hauteur de 4%), est virtuellement en état de cessation de paiement. Il devient donc urgent de mettre les palestiniens au travail et de leur faire retrouver leur dignité par ce canal.
Les débats au parlement libanais sont reportés en août 2010, mais nul doute que l’exportation prochaine de cette solution dans l’ensemble des pays arabes du Proche Orient règlera de façon simple, naturelle et définitive le problème des refugies palestiniens.