Le langage du terrorisme
18 avril 2013 The Washington Post
http://www.washingtonpost.com/opinions/charles-krauthammer-the-language-of-terror/2013/04/18/0d6f7f26-a85b-11e2-a8e2-5b98cb59187f_story.html
Adaptation française de Sentinelle 5773 ©
Le terrorisme est un langage — un langage qui rassemble son audience en tuant des innocents aussi théâtralement que possible. L’anarchiste du 19ème siècle Paul Brousse l’appelait la « propagande par l’action ». En accord avec cela, l’attaque du Marathon de Boston, le premier attentat à la bombe réussi au Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001, était conçu pour un effet maximum. Sur la ligne d’arrivée, il y aurait eu non seulement les caméras d’informations mais aussi des centaines de vidéos personnelles pour amplifier le message.
Mais quel message ? Il n’y a pas eu de revendication, pas de propagande explicative. De fait, était-ce vraiment du terrorisme ?
La visite d’Obama à Boston pour le service de Commémoration : Le président et la première dame ont assisté à un service œcuménique pour les victimes des attentats à la bombe sur la ligne d’arrivée du Marathon de Boston
Il y a eu grand bruit sur la non utilisation par le président Obama du mot « terrorisme » dans sa première déclaration à la nation après l’attentat à la bombe. De fait, le lendemain matin même, il se rendit à la salle de ‘briefing’ de la Maison Blanche pour nulle autre raison que de déclarer l’évènement « acte de terrorisme ».
Il justifia cette mise à jour comme réponse à « ce que nous savons maintenant ». Mais il n’y a eu aucune nouvelle information dans la nuit. Rien n’avait changé, sauf une certaine trépidation sur l’omission originale.
Il n’y avait aucun besoin d’être aussi sensible. Le président déclara que le terrorisme, c’est tout attentat à la bombe dirigé contre des civils. Pas tout à fait. Le terrorisme est toute attaque contre des civils pour un objectif politique. Jusqu’à ce que vous connaissiez le motif, vous ne pouvez pas savoir s’il s’agit de terrorisme.
Parfois une attaque peut n’avoir aucun objectif. Le tireur de Tucson qui faillit tuer Gabrielle Giffords était tout simplement dérangé, un schizophrène paranoïde authentifié. Ou bien il peut s’agir d’une certaine vendetta personnelle – un motif, mais pas politique. Dans le cas de Boston, possiblement une rancœur contre le Marathon, ses organisateurs ou quelque chose associé à la course.
Cela est, bien sûr, extrêmement improbable. (Les schizophrènes sont trop désorganisés pour mettre en place plusieurs bombes simultanées, par exemple). Il est très hautement probable que l’attaque de Boston était politique, et donc inspirée du terrorisme.
Cependant, la non utilisation par le président du mot n’était pas une grosse affaire. Pourquoi alors fut-il si sensible pour venir le matin suivant corriger l’omission ?
Réponse : Benghazi, dans laquelle le gouvernement a été rondement et correctement critiqué pour avoir refusé de l’appeler terrorisme si longtemps.
Benghazi, cependant, était totalement différent. Là-bas, le mot importait beaucoup. Il y avait deux explications possibles au meurtre de nos quatre Américains : une attaque planifiée (terrorisme), ou une manifestation spontanée ayant dégénéré.
L’administration essaya de colporter l’histoire d’une manifestation spontanée de façon à mettre le blâme sur une foule incitée par un Américain copte cinglé qui avait fabriqué une vidéo scandaleuse. Cela aurait épargné toute culpabilité à l’administration.
Utiliser le mot terrorisme, signifiant une attaque délibérée, aurait sapé le transfert du blâme et soulevé exactement les questions - sur les avertissements ignorés, la sécurité inadéquate, l’absence de plans de contingence, qui ont taraudé l’administration pendant des mois.
A Boston, au contraire, il n’y a aucun doute sur le caractère délibéré. Et personne ne blâme l’administration pour un avertissement ou une protection inadéquats.
Dans ce cas, le défi linguistique pour le président est très différent. Qu’adviendrait-il si cela s’avérait être l’œuvre des islamistes ? L’histoire des attaques domestiques depuis le 11 septembre 2001 suggère que les risques sont à 50/50, bien que la technique rudimentaire et la non revendication suggère une responsabilité inférieure.
Mais si en définitive on trouve que c’est bien islamiste, Obama va-t-il utiliser le mot ? Son administration adopte de façon obsessionnelle un langage qui extirpe toute connexion possible entre islam et terrorisme ; elle insiste pour appeler les jihadistes « des extrémistes violents » sans même nous dire en quoi ils sont extrémistes. Elle a même classifié la fusillade de Fort Hood, au cours de laquelle le tueur hurlait « Allahu Akbar » pendant qu’il assassinait 13 personnes, une « violence sur le lieu du travail ».
Dans un discours il y a juste un mois à Jerusalem, le président a qualifié la vague montante des ‘Frères Musulmans d’Egypte’ et d’autres islamistes comme l’ascension de Partis non laïcs.
Non laïcs ? N’est-ce pas un euphémisme pour « religieux » ? c.à.d. islamistes ?
Pourtant Obama ne put prononcer le mot. Cela n’est pas un truisme linguistique. Il n’aurait pas pu se tirer une balle dans le pied pour éviter toute référence à l’islam si c’était insignifiant.
Obama a agi admirablement pendant la crise de Boston, parlant à la fois pour rassurer et avec détermination. Mais il continue d’être mal à l’aise au plan linguistique. Son tremblement face au mot terrorisme nous parle, bien que sans importance dans ce cas. Le véritable test viendra quand nous apprendrons le motif de l’attaque.
A l’heure où nous écrivons (le 18/04/2013), nous ne savons pas. Cela peut être d’origine islamiste, de suprématistes blancs, d’anarchistes, n’importe quoi. Quels mots Obama utilisera-t-il ? C’est un test de la mesure du vide de la description préférée d’Obama – « Extrémistes violents » - à savoir, même si nous ne savons rien, cela peut s’appliquer aux auteurs de l’attentat à la bombe de Boston. Ce qui veut dire que la dénomination est sans importance.