La communauté internationale porte à Israël une attention croissante et presque obsessionnelle, pour l'accuser, ensuite, d'atteinte aux droits de l'homme, observe l'ambassadeur français pour les droits de l'Homme, François Zimeray.
Zimeray en compagnie d’un soldat de Tsahal. La compassion envers les souffrances juives s’arrête aux frontières d’Israël.
PHOTO: JPOST
Le "blocus psychologique" que la communauté internationale exerce sur Israël interdit toute forme de compassion pour les citoyens de ce pays. C'est ce qu'affirme l'ambassadeur français pour les droits de l'Homme François Zimeray.
"La compassion du monde n'est pas allée à Israël", déplore-t-il. "Israéliens et Palestiniens ont souffert les uns comme les autres du conflit. Mais les gens ne comprennent pas l'intensité que peut avoir la souffrance israélienne."
A l'occasion du septième congrès international sur la transmission et la mémoire de la Shoah, à Yad Vashem, et lors duquel il a fait une allocution, l'ambassadeur s'est entretenu avec le Jerusalem Post.
Chez lui, l'idée de ce blocus psychologique n'est pas nouvelle. Elle suscite cependant un écho significatif à l'heure où Israël œuvre pour alléger son siège de trois ans sur Gaza.
"Je suis parvenu à cette conclusion à l'époque où j'étais membre du Parlement européen. Quand des bombes explosaient en Israël, on sentait très peu de sympathie pour les victimes", déclare-t-il. "Il y a, dans les esprits occidentaux, un refus de voir la vulnérabilité israélienne. La compassion envers les souffrances juives s'arrête aux frontières d'Israël."
La communauté internationale est tenue en otage par le prisme étroit à travers lequel elle observe le conflit, ajoute-t-il. "Israël, du coup, fonctionne en mode survie, partant de la conviction erronée qu'il est seul au monde."
Un militant des droits de tous les Hommes
Zimeray se présente comme "un ami d'Israël", précisant avec ironie que c'est le genre d'affirmation qui, généralement, "commence bien et se termine mal".
Né à Paris de parents juifs venus du Maroc et d'Algérie, il estime de son devoir personnel de veiller à ce que la Shoah ne se reproduise pas. C'est ce qui l'a poussé à œuvrer pour les droits de l'Homme. Au lycée déjà, il militait pour les Cambodgiens réfugiés en France après avoir fui le génocide.
"Je viens d'une famille qui n'était pas religieuse, mais avait un fort sentiment d'appartenance à l'histoire du peuple juif et à ses traditions laïques", raconte-t-il. "J'ai été élevé avec le slogan 'Plus jamais ça !' et je me disais que, si je ne faisais rien moi-même, les Juifs disparus pendant la Shoah seraient morts en vain."
Avocat international spécialiste des droits de l'Homme, il a travaillé sur de multiples dossiers, du Congo au Darfour. Passé à la politique, puis devenu diplomate, il dit avoir observé "l'attention croissante et presque obsessionnelle portée par la communauté internationale à Israël, pour l'accuser ensuite d'atteintes aux droits de l'Homme."
Il n'a pas été facile pour ce diplomate de 48 ans d'apprendre, le mois dernier, que sur un bateau à destination de Gaza, neuf passagers turcs avaient été tués par des soldats de Tsahal cherchant à préserver le blocus naval. Ce qui ne l'a pas empêché d'être stupéfié par la rapidité avec laquelle la communauté internationale a condamné Israël sans chercher à replacer l'incident dans son contexte.
Son point de vue sur Gaza reflète celui de son pays. Zimeray n'a pas condamné la violence, il n'a pas non plus soutenu la fermeture hermétique de Gaza à tout ce qui n'était pas aide humanitaire. Néanmoins, il estime qu'Israël a le droit de contrôler les marchandises qui entrent dans la bande côtière, que ce soit par voie maritime ou terrestre.
Il espère qu'en adoptant cette position, il est parvenu à se maintenir sur la ligne ténue entre la revendication du droit d'Israël à se défendre et la critique du tort que fait ce pays aux droits des civils de Gaza.
"Il serait égotiste de prétendre qu'à sa place, nous aurions mieux réagi", estime-t-il. "Honnêtement, parmi ceux qui ont condamné Israël, beaucoup se seraient comportés de façon bien pire, cela ne fait aucun doute."
"Derrière le message explicite de la condamnation internationale, s'en cachait un autre, implicite celui-là : Israël n'aurait jamais dû se retrouver dans cette position, qui fait qu'une flottille prend la mer pour venir à Gaza. Sans les restrictions imposées aux postes-frontières terrestres, la flottille n'aurait pas eu lieu d'être", conclut-il.
"Je suis allé deux fois à Gaza, et s'il y a une question que j'aimerais soumettre à vos lecteurs, c'est celle-ci : comment verrais-je le monde, quel serait mon ressenti si j'habitais là-bas ? Cela dit, je sais que, si le Hamas déclarait demain qu'il reconnaît l'Etat d'Israël et renonce à la violence, l'attitude d'Israël vis-à-vis de Gaza changerait." Et puis, ajoute-t-il, le Hamas doit relâcher le soldat Guilad Shalit, qui a la double nationalité israélienne et française.
Gaza : deux poids, deux mesures
"Gaza n'est pas la seule raison qui pousse de nombreuses nations à critiquer Israël", souligne Zimeray. "Ce n'est certes pas juste, mais ce qui a exaspéré l'opinion internationale, c'est que le conflit avec les Palestiniens s'éternise. Le monde a projeté sur Israël toute sa colère et sa frustration face à cette longévité." Des émotions, affirme Zimeray, qui dérivent en partie de l'antisémitisme. Mais en partie seulement. "C'est un ingrédient qui existe bel et bien, mais qui paraît bien pâle comparé à la calcification provoquée par plus de 60 années de guerre", commente-t-il.
Les Israéliens souhaitent la paix, mais ils ont donné au monde l'impression que, pour eux, celle-ci pouvait attendre, poursuit-il. En conséquence, la communauté internationale a le sentiment que le statu quo leur semble acceptable. "Nous n'avons pas l'impression que les Israéliens travaillent jour et nuit à la paix."
Israël doit faire davantage pour montrer au monde qu'il n'y a rien de plus important que cette paix, conclut Zimeray. Il est clair qu'il y a deux poids deux mesures dans la couverture de Gaza par les médias", reconnaît-il.
Les 400 000 Ouzbeks qui ont fui le mois dernier les violences ethniques au Kirghizistan, dont 2 000 ont sans doute trouvé la mort, ont eu droit à bien moins d'attention médiatique. Même chose pour les victimes de la guerre civile au Sri Lanka ou du génocide du Darfour", déplore-t-il. "Et se préoccupait-on du sort des Palestiniens quand ceux-ci vivaient dans des conditions épouvantables en Syrie ? Si seulement le monde pouvait se mobiliser pour d'autres causes comme il le fait dès qu'il s'agit d'Israël !", soupire-t-il.
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