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29 avril 2007 7 29 /04 /avril /2007 11:58
À propos de Bechara, du négationnisme, du Monde, du Hezbollah, des mollahs et du communisme

Voici une réaction vraiment intéressante à l’affaire de la plainte contre la TSR qui sera jugée le 4 mai prochain à Berne. Le personnage principal du film attaqué, Soha Bechara, a porté plainte (classée entretemps par le Procureur général genevois; j’ignore si un recours a été interjeté) contre les plaignants, les accusant notamment de négationnisme. C’en était trop pour Alain Rubin, à qui je cède la parole:

«Négationnisme»

Le quotidien parisien «le monde», relaye la réaction d’une ancienne militante «communiste» libanaise s’estimant, selon le quotidien, victime «d’un réseau qui reproche à la télévision suisse TSR d’avoir diffusé un film ou elle apparaît et permet aux reporters d’approcher le Hezbollah aux côtés desquels elle prend partie dans le conflit de juillet 2006.

«Ces gens font du négationnisme», explique-t-elle.

Ils font du «négationnisme», «ces gens» qui reprochent à la TSR de cacher certaines données essentielles du problème; ils font du négationnisme parce qu’ils nieraient des exactions israéliennes menées au moyen de l’armée du Liban sud (ALS), allant jusqu’aux meurtres de prisonniers d’une prison militaire encadrée par ces éléments libanais.

«Ces gens font du négationnisme, ils ont mis en doute mon témoignage sur le camp de Khiam. C’est au nom de ceux qui y ont été exécutés et torturés que je dépose cette plainte.»

Admirez la formule. Désormais, on peut «faire du négationnisme»… 

Je relisais hier la plainte contre la TSR, il n’y était pas fait mention du camp de Khiam et des accusations portées par Soha Béchara. Par contre, il y est démontré que l’enlèvement des deux militaires israéliens n’est pas un acte isolé provoquant une contre attaque «disproportionnée», mais le premier acte d’une action de guerre mûrement préparée et décidée sciemment et qui en prépare une prochaine, comme l’indique d’ailleurs cyniquement et ouvertement un cadre politique pro Hezbollah interrogé par les reporters de la TSR.

Notre blanche colombe, persécutée – nous dit Le Monde – par d’ignobles individus, par un réseau «d’extrême droite», invente ici un nouveau concept – «faire du négationnisme». Or, il se trouve, répétons-le, que la plainte contre la TSR ne porte pas sur ce qui s’est passé ou ne s’est pas passé au camp de Khiam. Notre blanche colombe centre néanmoins son accusation sur cette question. Est-ce pour éviter de répondre à des contradicteurs montrant la nature fasciste, totalitaire, et volontairement va-t-en guerre du Hezbollah?

Que le führer libanais, qui a pris le pouvoir de décider de la guerre et de la paix entre le Liban et Israël, dirige une armée privée, que ses milices soient habillées de vert, qu’il soit un religieux disciple de Khomeiny et non un ancien caporal autrichien n’est pas décisif pour déterminer si oui ou non, son mouvement politico-religieux et militarisé procède de la Démocratie et de l’émancipation nationale et sociale des Libanais ou, au contraire, de la dictature. Le fascisme pro hitlérien ne fut pas forcément identique dans ses origines; on l’a connu dans une version cléricale du type gouvernement slovaque de monseigneur Tiso. Celui qui nous préoccupe aujourd’hui représente un type de fascisme dans un pays non impérialiste; c’est un type de fascisme comme celui qui s’impose depuis 25 ans aux peuples et aux nations enfermés dans la prison qu’est devenue l’Iran des pasdarans et des ayatollah de gouvernement.

L’accusation de Soha Béchara, «faire du négationnisme», telle qu’elle apparaît dans l’extrait de sa déclaration donnée par le quotidien parisien, est entièrement déconnectée du phénomène dont il est né, à savoir: l’extermination* systématique d’une population non belligérante, en l’occurrence les Juifs.

Madame Béchara, voudrais-je lui dire, on ne «fait (pas) du négationnisme» comme on peut faire de la prose, sans le savoir. Le «négationnisme», ce n’est pas un travers, ni un manque d’objectivité, ni de la mauvaise foi. Si c’était le cas, alors, pratiquement tous les hommes et toutes les femmes politiques, et beaucoup de journalistes, feraient du négationnisme.

Le négationnisme, Madame Soha Béchara, c’est quelque chose de précis.
 
Le négationnisme consiste à nier, par exemple, que sur les 3,3 millions de Juifs  vivant en Pologne en 1940, avant l’écrasement militaire du pays, seulement trois cent mille étaient encore de ce monde en 1945 (deux cent mille qui étaient parvenus à se réfugier en URSS et cent mille s’étant cachés dans les forêts auprès de groupes de maquis polonais ou en ayant eux mêmes formés), les autres ayant été exterminés.

Le négationnisme nie que ces trois millions de Juifs de Pologne ont subi brimades, travail forcé, humiliations quotidiennes, enfermement dans des quartiers clos et surpeuplés (ghettos), privés de tout, victimes de tueurs sadiques fusillant sans raison autre que celle que les victimes étaient juives, qu’on les a affamés jusqu’à la mort, que les enfants mouraient comme des mouches, beaucoup livrés à eux-mêmes, sans toit et sans famille vivante, quémandant ici et là des miettes de croûtes de pains pour survivre encore un jour ou deux ou seulement quelques heures.

Le négationnisme nie que la rafle des Juifs, préparant leur mise à mort, se soit passée dans tous les pays occupés d’Europe et que dans sa partie la plus orientale et en union soviétique occupée et les pays baltes, en Lituanie notamment ou vivait une importante minorité nationale juive, 80 à 90% de celle-ci a été exterminée.

Le négationnisme ne veut pas savoir qu’on a poussé hors des villes et des bourgades des centaines de milliers de Juifs (en Ukraine et dans certaines régions de l’est de la Pologne et dans les pays baltes), pour les fusiller; les mères emmenées avec leurs enfants dans les bras ou accrochés à elles, les vieillards hommes et femmes et les hommes dans la force de l’âge, poussés à coups de crosse de fusil, tous massés, parfois pendant des heures, dans certains cas pendant plusieurs jours, devant de grandes fosses où on les a fusillés à bout portant. Dans ces centaines de fosses, on retrouve aujourd’hui les restes de leurs dépouilles et les douilles des munitions qui ont servi à perpétrer ces assassinats en masse.

Le négationnisme nie que ceux que l’on n’a pas tué de cette façon ont été transférés vers les abattoirs industriels d’Auschwitz Birkenau, Majdanek, Sobibor, Treblinka et tous les autres lieux d’abattage industrialisé des Juifs.

Le négationnisme, c’est nier que la majeure partie des Juifs des zones de l’URSS occupée par les forces nazies ont été exterminés, à l’exception des quelques rares chanceux, ceux qui furent cachés par de courageux voisins non Juifs prenant le risque d’être eux aussi massacrés pour leur réaction de compassion.

Le négationnisme nie que six millions de Juifs, au total, ont été exterminés de 1941 à 1945, les femmes, les enfants, les hommes, les vieillards, en majorité des gens misérables, sans autre raison que le fait qu’ils étaient Juifs.

Le négationnisme, c’est prétendre, par exemple, que si la population juive de Salonique, qui formait la majorité des habitants de la ville grecque à l’arrivée de l’armée nazie, n’existait plus en 1945, ce n’est pas parce qu’elle fut emmenée à Auschwitz et envoyée à la chambre à gaz. Non, le négationnisme prétendra que, probablement, les Juifs n’habitaient pas Salonique ou qu’ils n’y formaient pas la majorité jusqu’à l’arrivée des nazis… Que peut être bien, si effectivement elle y avait vécue jusqu’à l’arrivée des armées nazies, cette majorité de Juifs de Salonique et qu’on on ne la retrouvait plus en 1945, c’est parce qu’elle serait parvenue à s’enfuir. Pour aller où, s’enfuir de Salonique en 1942? «Sûrement quelque part», dira le négationniste; les Juifs de la ville grecque auront quitté Salonique et la Grèce, à la nage ou à pied, mais pas dans des wagons à bestiaux pour le camp de mise à mort d’Auschwitz.

C’est cela le «négationnisme», Madame Béchara.

Le négationnisme, ce n’est pas douter ou nier le témoignage d’une personne, vous en l’occurrence, ayant un parti pris comme le montre son apologie du Hezbollah. Mais en la circonstance, la plainte contre la TSR ne porte pas sur ce témoignage qui serait contesté.

En portant cette accusation déplacée, notre héroïne ne cherche t-elle pas à faire juger les amis des Juifs revenus vivre sur la terre de leurs aïeux pour le délit reproché aux amis des organisateurs de la Shoah: «faire du négationnisme».

Le négationnisme m’expliquera, autre exemple, que quatorze de mes parents, père, grands-parents, oncles, tantes, cousins (le plus jeune Marco ayant huit ans et demi), poussés dans des wagons à bestiaux après leur sortie du camp de Drancy, entassés pour trois jours de «transfert vers l’est», ont seulement disparus… Disparus sans laisser d’adresse. Peut être les a-t-on laissé descendre de leur prison roulante et se sont-ils perdus dans la nature?

C’est cela, Madame Béchara, que l’on appelle le négationnisme.

Soha Béchara, qui a une faiblesse certaine pour le Hezbollah, et qui paraît tirer fierté de la sympathie des hezbollistes pour sa personne, n’a pas l’air de savoir ou ne trouve pas important que cette organisation, qui émane de la politique iranienne au Liban, se retrouve «objectivement» – aurait-elle dit quand elle était «communiste» – à regarder avec tendresse une organisation proche de négationnistes avérés. Je veux parler de négationnistes avérés au sens strict du terme: à savoir Ahmadinejad et consort.

Mais peut-être que ce qui constitue une grave faute morale et politique pour le «réseau» qui ne ferait, parait-il, pas confiance à ses témoignages relatifs au camp de Khiam, lui faisant à ce propos des reproches inacceptables, n’est plus une grave faute morale et politique quand il s’agit du Hezbollah? Peut-être que le «négationnisme» n’est plus si grave quand il s’agit des fournisseurs et des commanditaires du Hezbollah; ou peut-être que pour eux, ce défaut, «faire du négationnisme», devient un pêché véniel?

Ancienne «militante communiste», Soha Béchara, a passé plusieurs années de sa vie derrière les barreaux à la suite de sa tentative d’assassiner* d’Antoine Lahud, un général de la milice libanaise chrétienne, l’Armée du Liban Sud (ALS). Cette armée de chrétiens libanais est qualifiée, par le quotidien parisien du soir, d’armée «supplétive d’Israël». Traduction en français courant: c’est un monstre moral, un traître infâme, ce général chrétien libanais que notre blanche colombe a essayé de supprimer. Il ne méritait pas autre chose qu’une exécution sans procès. Pas besoin de chercher à le démontrer. Il suffit de dire ou écrire qu’il avait partie liée avec l’horrible Israël, avec l’Israël COUPABLE, par définition, coupable d’exister et de se défendre.

Le Monde, puisqu’il s’agit de lui, informe ses lecteurs. Il respecte la déontologie. C’est bien connu, il évite comme la peste l’endoctrinement et l’information partielle et partiale. Le «monde» informe. Il ne veut pas laisser ses lecteurs dans l’ignorance. Peut-on le lui reprocher? Il précise, donc, que la dite armée dirigée par la victime de la noble et courageuse Soha, l’ALS, était une force «supplétive de l’armée d’Israël» occupant le Liban sud.

En d’autres termes, le général libanais qui a reçu les coups de notre pistolero libanaise qui faillirent l’envoyer ad patres, n’était qu’un ignoble personnage, un chef de guerre outil et «collabo» de la puissance coloniale par définition, Israël.  Il méritait bien le sort que Soha avait décidé pour lui. Et tous ceux qui ne se prosternent pas, jusqu’à baiser respectueusement les pieds de notre pasionaria de la gâchette et chantre intarissable des missiles du Hezbollah, tous ceux-là ne sont qu’une bande ou qu’un réseau de personnages louches ou d’extrême droite, voire les deux.

Bref, tous ceux qui en veulent à notre noble et pure «ex communiste» ne sont qu’un ramassis sans scrupule; on vous le dit, enfin «le monde» vous le dit. D’ailleurs, poursuit le quotidien parisien, un «site d’extrême droite» véhicule des allégations calomnieuses contre notre blanche et pure colombe qui fut légitimement armée; le réseau intrigue contre notre admiratrice des «résistants» Hezbollah bardés de missiles iraniens qu’ils envoient là ou cela leur chante, sans qu’il y ait quoi que ce soit à objecter sauf à devenir, ipso facto, un louche personnage d’extrême droite, un supplétif d’Israël.

C’est d’ailleurs bien la preuve, ces attaques de «l’extrême droite», que Soha Béchara est injustement attaquée. L’hystérie «d’extrême droite» contre la TV suisse qui a diffusé le film ou elle apparaît, comme fil conducteur et «sésame» auprès du Hezbollah, montre qu’elle est scandaleusement et illégitimement mise en cause, nous explique-t-on.

Bien sur. Parce qu’en bétonnant la frontière israélo libanaise pour y construire une ligne Siegfried, en transformant en casernements d’unités de combat des dizaines de villages du sud Liban et des centaines de logements des immeubles de Beyrouth et d’autres agglomérations, en installant bunkers et casemates de blockhaus camouflés au milieu d’habitats civils transformés en tranchées, en arsenaux et en rampes d’envois de milliers de missiles, le Hezbollah faisait oeuvre légitime de résistance et de pacifisme. Il faut le croire, le quotidien parisien du soir et son égérie «ex communiste» vous le disent;  une TV suisse, la TSR, diffuse un film s’employant à faire croire cela avec l’aide de représentants d’une ONG.

En prenant le pouvoir de fait au Liban, en décidant de la paix ou de la guerre, en lieu et place du Peuple libanais et de ses institutions élues, le Hezbollah aurait donc agi comme une force courageuse de «résistance» à l’entité sioniste coupable de tous les maux… Voilà ce qu’il faut que croit et que pense chaque citoyen suisse. Grâce aux organes de presse propageant en France et dans d’autres pays d’Europe la même «vérité», tout habitant de cette partie du monde doit croire et «penser» selon ce dogme transformant une sourate en article de foi politico-religieux.

On doit ingurgiter, sans question ni objection, le film de la TV suisse, ce film dans lequel notre noble exécutrice de l’ignoble, par définition, général Lahud, – ce collabo des affreux sionisto-fascisto-colonialistes –, sert de «fil conducteur» et de «sésame» auprès du Hezbollah. Sans quoi, si l’on refuse ce postulat théologico-«nationaliste», on est… d’extrême droite!

Pour dire tout cela autrement, notre égérie libanaise, «ancienne militante communiste», admiratrice du Hezbollah, est un justicier sans peur et sans reproche, et le Hezbollah une noble organisation de «résistants», digne du respect des européens éclairés. L’un et l’autre doivent être soutenus, sans condition.

Pour nos anciens jeunes gens des années soixante et soixante dix, qui sautillaient* sur place sans jamais s’essouffler, scandant leur passion politique pour le Staline vietnamien, anciens jeunes gens qui ne sont pas quantité négligeable dans les allées du «4ème pouvoir» qui fait la presse pro Hezbollah et définit le credo proche et moyen-oriental de la majorité des rédactions françaises, il a fallu remplacer l’icône vietnamienne morte et déconsidérée par l’évolution du stalinisme au Vietnam et celle aussi de ses semblables des autres pays «socialistes».

La «Palestine» et aujourd’hui le Hezbollah ont pris le relais, dans ce besoin de ferveur aveugle et toujours sautillante de nos adorateurs «critiques», mais inconditionnels, des avatars du stalinisme. Être en désaccord avec la présentation pro Hezbollah du conflit de juillet 2006, ne pas partager la vision unilatérale et manichéiste de notre «ex communiste», le dire, l’écrire et exiger d’une télévision financée par les impôts de citoyens qu’elle présente une information équilibrée, donnant les différents points de vue sur ce conflit, ce serait être «d’extrême droite»!!!

Le droit de se faire une opinion en s’écoutant les uns les autres, bref, le droit de penser librement, c’est, en 2007, être d’extrême droite. L’hégélianisme de surface de nos sautilleurs, orphelins du «camp de classe» dominé par le stalinisme, leur fait découvrir désormais de nouveaux horizons et des espaces extraordinaires pour le déploiement des retournements «dialectiques»????

Nous voici aussi revenus au temps des procès staliniens.

Qui ne soutenait pas Staline et ne s’inféodait pas à sa clique criminelle usurpant les idéaux d’octobre 1917, n’était qu’une «vipère lubrique», ne méritant qu’une balle dans la nuque; c’était être «un contre révolutionnaire», c’était être «un agent stipendié des services secrets des différentes puissances impérialistes; c’était être un individu taré cherchant à priver le parti bolchevik de son génial dirigeant et de ses fidèles lieutenants (lieutenants fidèles tant que le chef génial et sa police n’avaient pas démasqué ceux d’entre eux qui n’étaient que des individus à double face, des ennemis camouflés)…»

Nasrallah, dans leur imaginaire politique, a pris aujourd’hui la place de Staline et de son prétendu «socialisme».

Une première question au quarteron de supporters de Soha Béchara: au fait, à quel «parti communiste» appartenait leur héroïne?

Appartenait-elle au Parti communiste libanais, qui comme tous les partis staliniens était une agence libanaise de la bureaucratie du Kremlin (bureaucratie qui a mené l’URSS à la faillite et plongé l’immense majorité de la société de la Russie et de ses possessions impériales asiatiques dans un immense bourbier de misère).

Appartenait-elle à la variante «maoïste» de la nomenklatura, cette bureaucratie dont on voit tous les jours les exploits contre la classe ouvrière chinoise qu’elle fait suer sang et eau pour enrichir le néo capital autochtone issu de la bureaucratie du PC Chinois et les investisseurs étrangers préférant délocaliser en Chine «pour y réduire les coûts de production» et accroître le rendement et la vitesse de circulation de leurs investissements?

Appartenait-elle, Soha, aux débris extérieurs du maoïsme dont on a vu les exploits au Cambodge?

Avait-elle une sympathie pour les groupes iraniens qui, en 1979-81, essayèrent de se dégager du stalinisme et furent crucifiés, envoyés par dizaines à la potence par la répression des géniteurs iraniens du Hezbollah?

Au motif de défendre Soha Béchara, ex militante libanaise, «ex communiste», en butte à «l’extrême droite», Vychinski est ressorti.
Vychinski a quitté les caves de la Loubianka ou s’entassent les tonnes de procès verbaux pourrissant des procès truqués. Il ne pérore plus, Vychinski, dans la salle des colonnes à Moscou, ou, après avoir réclamé les têtes des «contre révolutionnaires perfides», il annonçait, après les avoir traînés plus bas que terre, que «les condamnations à mort des renégats et des espions à double face seraient immédiatement exécutées». Non, aujourd’hui, le sinistre Vychinski, enfin son «essence», accuse, dans les colonnes d’une certaine presse parisienne distinguée:

Tous ceux qui sont opposés au Hezbollah sont d’extrême droite! Ce sont des fascistes!!!

Le voilà le nouveau dogme. Pas de quartier pour l’extrême droite! Haro sur les fascistes! C’est à dire sus à tous ceux qui ne veulent pas considérer que le Hezbollah mène un juste combat pour de légitimes objectifs.

En présentant, comme il le fait, un partisan du terrorisme individuel au sens classique du terme, une activiste de l’exécution sans procès ni jugement, non repenti(e) de son infructueuse tentative; en brossant ce portrait d’une activiste, sans regret, instrument de la politique par l’exemple, au moyen de l’acte définitif sortant du canon du fusil ou du pistolet, le quotidien parisien, organe officieux à Paris des différentes tendances du nationalisme palestinien, prend la posture de tribune des mouvances pro hezbollah.

C’est ainsi que les citoyens suisses scandalisés par le film diffusé par la TSR, et tous ceux qui soutiennent la démarche de Alain Jean-Mairet, deviennent, de ce fait, des gens louches et bien peu recommandables; des gens «d’extrême droite», nous assure le quotidien parisien.

Extrême droite?

Ainsi, lisant le «Monde», je me découvre d’extrême droite. Syndiqué et toujours syndicaliste depuis 1963, membre du PCF puis d’organisation de la Quatrième internationale pendant 35 ans, par la vertu des foudres d’un quotidien de la «bobotitude», subrepticement, «à l’insu de mon plein gré» en quelque sorte, je me retrouve d’extrême droite parce que je considère le régime politique iranien comme étant une variété du fascisme, au sens que les marxistes des années trente donnèrent à cette caractérisation politique d’une dictature détruisant, par la violence méthodique, le mouvement ouvrier et tous les éléments de la démocratie politique, transformant, quand il subsistait, le vote en simulacre.

Je me retrouve «d’extrême droite» parce que je refuse de considérer la guerre, dans laquelle Ahmadinejad et la direction du Hezbollah ont entraîné Israël, comme une «honteuse agression sioniste».

D’extrême droite en effet, j’explique, au maximum de personnes autour de moi, que la guerre de juillet 2006 n’était pas une «guerre israélienne» mais le résultat combiné de plusieurs tendances opposées au proche et moyen-orient.

Je pense, chaque jour plus fortement, que cette guerre a résulté de la politique d’aventurisme guerrier de la dictature khomeyniste, dirigée présentement par l’aventurier mystique* Ahmadinejad, et fruit de son alliance avec le gouvernement Baathiste syrien, lui aussi en crise. Les uns et les autres sont tentés par la politique de fuite en avant.

Les baathistes syriens croient pouvoir instrumentaliser le climat de guerre comme moyen de replâtrage politique, par les vertus de l’union sacrée; et les amants de l’imam caché espèrent provoquer la venue des temps eschatologiques, en favorisant la venue du douzième imam.

Ahmadinejad et ses comparses et les épigones syriens de Michel Aflak, utilisent les chefs du Hezbollah et des cadres des groupes palestiniens, ceux notamment auxquels le «monde» a donné la parole, il y a quelques mois, qui pensent que régler la «question sioniste» par les moyens thermonucléaires serait une bonne solution; ce serait une juste et définitive solution, même si pour cela il faut aussi faire disparaître les Palestiniens vivant en Israël, à Gaza et dans la Judée Samarie que les résolutions de l’ONU ont prévu devenir état souverain des Arabes palestiniens. Hamadinejad est un mystique. Il croit à l’accélération de la venue du 12ème Imam, l’imam caché, au moyen de l’arme atomique. Sa dictature contre révolutionnaire est en crise et elle n’a de soutien populaire qu’en apparence. Elle prend l’eau de tous côtés. Ahmadinejad le sait, et s’il voulait l’ignorer, l’accueil que les étudiants iraniens lui ont réservé, quand il est venu leur vendre sa salade au sujet de la Shoah, lui montre qu’il n’y a pas de temps à perdre.
 
Pour le quotidien parisien du soir, je suis donc d’extrême droite, puisque je suis avec les peuples d’Iran qui aspirent à la Démocratie politique et au mieux être et contre la dictature qui les opprime depuis plus d’un quart de siècle après avoir étouffé et écrasé le mouvement révolutionnaire de 1979; ce mouvement de 1979 avait autant à voir avec ses bourreaux pasdarans et leur chef, l’ancien réfugié de Naufles le Château, que les soviets de 1917 avaient à voir avec la bureaucratie totalitaire qui les étouffera elle aussi et ne cessera cependant jamais de s’en réclamer.

Tel journal du soir pourrait changer de nom. S’il décidait de se nommer les nouvelles izvestias de Paris, serait-on vraiment étonné?
«Les izvestias», celles de l’époque des grands procès staliniens, et ses émanations journalistiques dans différents pays, exprimaient le «point de vue» des prétendus partis communistes. Ces organes d’une caste d’usurpateurs privilégiés taxaient d’être des «fascistes» tous ceux qui refusaient la dictature de Staline. Elles accusaient «d’anti communisme», primaire ou non, de honte morale ou d’hommes politiques tarés, tous ceux qui combattaient la mainmise staliniste sur le mouvement ouvrier et cherchaient à défendre les victimes des procès truqués. Aujourd’hui, les successeurs de la presse stalinienne remplacent gaillardement l’accusation d’anti communisme, voulue comme infamante, par celle «d’islamophobie» qui ne le serait pas moins.

Quand je demande, à quel parti «communiste» appartenait l’ex militante, toujours pro Hezbollah, ce n’est pas pour couper les cheveux en quatre et faire preuve de cet esprit juif détesté par Goebbels et de soit disant marxistes*, l’esprit talmudique. Non, je voudrais seulement bien savoir ce qu’elle en a pensé, Soha Béchara, des mouvements pour les Conseils ouvriers, pour la démocratie dans les partis et les syndicats, tous écrasés par les chars et l’artillerie, puis par les procès truqués, par les asiles psychiatriques spéciaux, par le goulag, en 1953 à Berlin est, en 1956 en Hongrie, en 1968 en Tchécoslovaquie…

Cette «ex communiste», avec qui hurlait-elle? Avec ceux qui applaudissaient à la défense militaire et policière du «socialisme réel», avec ceux qui se solidarisaient fanatiquement avec la défense terroriste de ce «socialisme», ou avec ceux qui expliquaient que le socialisme «c’étaient les travailleurs» et pas leurs bourreaux et défendaient les travailleurs réprimés et les militants persécutés? Mais peut être chercheront-ils à nous faire accroire, les supporters de Soha, publicistes parisiens, qu’elle ne savait rien de tout cela, qu’elle était trop jeune, voire pas née… bref, que c’était une «militante communiste» ignorant tout de l’histoire de son parti et du mouvement international qui l’avait crée.

– Non, c’est vrai, on vous l’assure, on ne blague pas, elle ne savait rien, cette brave «ex communiste» de Soha, elle ignorait tout ce qui se passait ailleurs qu’autour de la frontière israélo libanaise. Il n’y avait que cela qui la préoccupait, rien d’autre. Le reste, la répression contre Solidarnosc, le printemps de Prague, l’écrasement militaire et la déportations vers le goulag de dizaines de milliers d’ouvriers hongrois membres des Conseils ouvriers et les familles, soit elle n’en avait pas entendu parler, étant encore petite fille, soit elle avait des préoccupations seulement libanaises tellement plus importantes. Ses préoccupations exclusives ne lui permettaient pas de s’intéresser au combat des dix millions d’ouvriers polonais cherchant à en finir avec la dictature de la bureaucratie. Croyez-nous. Parole de journaliste d’un prestigieux quotidien parisien du soir. Comment ne pas les croire en effet?

J’insiste cependant, malveillant que je suis. Mais qui me dira que ce n’est pas légitimement?

Puisqu’il paraît que cette femme, une ex militante libanaise, si compréhensive pour le Hezbollah, ce nouveau Robin des bois collectif du 21ème siècle, en lutte à mort avec les «colonialistes sionistes», était une ex communiste, si l’on nous disait aussi ce qu’elle pensait ou disait des répressions anti ouvrières dans les soit disant pays socialistes, répressions qui eurent lieu avant qu’elle naisse à la conscience sociale et politique, on pourrait peut être mieux la comprendre aujourd’hui. On pourrait peut être mieux saisir les causes de sa fascination pour le Hezbollah, de son admiration reconnaissante pour ces milliers d’hommes en vert, militarisés, courant mécaniquement les rues de Beyrouth à la manière des groupes d’assaut de Mussolini, y revendiquant fièrement le «martyr»; on comprendrait mieux la sympathie de Soha Béchara pour la variante libano iranienne des défilés «populaires» passés, ces défilés «ouvriers» pendant lesquels, des heures durant, le peuple marchait au pas de l’oie, à Moscou et dans les capitales satellites, sous l’œil des chefs.

Mais peut être qu’il est impoli de poser ces questions, que c’est aussi être «d’extrême droite»? Et bien tant pis, je les pose.

Alain Rubin

 

NOTES

*L’extermination des Juifs, tous sans exception, s’imposait, pour Goebbels, parce que déclarait-il du haut des tribunes: leur «intellectualisme» «polluait» la grande et vaillante race allemande, leur «parasitisme», leurs maladies, leur attirance pour les doctrines radicalement démocratiques étaient causes de révolutions, aggravant leur tare principale. Pour les théoriciens nazis, grands utilisateurs du faux littéraire, produit par une officine de la police tsariste, «le protocole des sages de Sion», les Juifs seraient la matrice du bolchevisme.

*Les «négationnistes» actuels, les hommes politiques correspondant au concept, pas à l’extension banalisatrice que produit notre blanche colombe «ex communiste», je veux nommer Ahmadinejad, grand fournisseur d’armes et de cadres au Hezbollah, Garaudy le sous chef stalinien repenti, Faurisson et Cie, nient des actes avérés bien caractérisés concernant des millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Dans l’affirmation de notre «ex communiste» libanaise, les exactions criminelles dont sont accusés les éléments responsables du camp de Khiam concerneraient des dizaines, des centaines (?) de prisonniers victimes d’éléments de la milice chrétienne du sud Liban. Ces exactions qu’elle affirme et veut faire venger, qui seraient niées par le «réseau d’extrême droite», sont mises sur le même plan que l’extermination avérée de millions de femmes, d’hommes et d’enfants coupables d’exister, n’ayant pas pris les armes contre leurs bourreaux. Exprimer un doute quand aux affirmations de Soha Béchara concernant le camp de Khiam peut-il être mis sur le même plan et être qualifié de «négationnisme»? Mais, par ailleurs, à ma connaissance, les citoyens suisses faisant procès à la TSR ne justifient pas leur plainte parce que Soha Béchara accuserait les autorités ALS du camp de Khiam.

La plainte de «l’ex communiste libanaise» est donc sans fondement, sauf à chercher de sa part à faire diversion, sauf à vouloir à tout prix camoufler le motif de la plainte «du réseau d’extrême droite», à savoir:

si la TSR offre un film de promotion du Hezbollah, elle doit donner au moins autant de temps et dans les mêmes conditions d’audience à un film montrant ce qu’est l’islam politique, montrant ce qu’est le Hezbollah, montrant ce qu’est cet «islam politique» et «djihadiste» qui vient à nouveau de surgir avec une bestiale brutalité dans la vie des Algériens et qui, quotidiennement, fait sauter partout des véhicules bourrés d’explosifs, interdisant toute vie normale à la population irakienne.

*Ahmadinejad est un disciple convaincu de la venue du 12ème Imam, l’imam caché, une lointaine transposition musulmane chiite du messianisme juif. Cette «venue» croit-il, peut être rapprochée par des actes humains, s’ils peuvent produire certains types d’événements. Le champignon thermonucléaire, et surtout ce champignon objet des prières de ces «messianistes» d’un genre particulier, le champignon anéantissant enfin l’entité sioniste qui n’a que trop occupée la terre d’Islam, ce champignon nucléaire rapprocherait, pense-t-il, le monde des temps eschatologiques ainsi résumé par «l’écriture sacrée»:

«Viens. Regarde derrière moi, dira l’arbre, un Juif s’y cache. Viens et tue-le.»

Voilà résumée l’essence de la doctrine «messianique» du petit führer iranien et des épigones du Hezbollah. Une fraction du Hamas partage cette doctrine de «résistance», dans une variante «sunnite». Doctrine éminemment progressiste, veut-on nous faire gober, tout à fait digne du soutien «inconditionnel» de naufragés du stalinisme et de ses annexes, ayant gardés de l’époque de la bureaucratie triomphante, une nostalgie, ayant toujours le besoin d’un «camp de classe» et de la férule d’un chef suprême maniant la trique et plus si plus d’affinité.

* Vers la fin de sa vie, Karl Marx exprimera comme un découragement et un évident désaccord devant le «marxisme» de trop de «marxistes». Ces soupes populaires idéologiques l’amèneront à prononcer ces paroles oubliées: «Si c’est cela le marxisme, alors je ne suis pas marxiste.»

* Que défendait-elle, au bout de son révolver, notre femme pistolero? Puisque sa défense devient un impératif Kantien, pour une certaine presse combattant un «réseau de gens d’extrême droite» qui répandrait des accusations injustes, on est en droit de savoir en quoi elles seraient injustes ces accusations, en supposant qu’elles aient effectivement été colportées.

* Le sautillement sur place était une marque de fabrique typique, exclusive, de la LCR, en 1968 et dans les années qui suivirent. Le sautillement accompagnait les slogans «FLN vaincra!» et/ou «O O O, O Chi min!». Dans les années soixante-dix, après que le stalinisme vietnamien ait pris le pouvoir, spoliant politiquement le peuple vietnamien, le sautillement accompagnera désormais le slogan «Palestine vaincra!»

AR

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27 avril 2007 5 27 /04 /avril /2007 09:18
Intervention de Francis Balle, le 11 mars 2007, sur le site : médias-rating.fr :
http://www.m-r.fr/actualite.php?id=1466
Communiquer : vérité et médias ?

Voici l'intégralité de la conférence que Francis Balle, professeur de science politique à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2), a donnée le dimanche 11 mars 2007 à Notre-Dame de Paris, dans le cadre des conférences de Carême qui avaient pour thème « la vérité ».

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Communiquer : vérité et médias ?

Les médias nous disent-ils la vérité ? Quelles vérités sommes-nous en droit d’attendre des journaux et des magazines ? Quelles vérités sont-ils capables de nous proposer, qu’ils soient imprimés, diffusés à la radio et à la télévision, ou bien encore accessibles par Internet ?

Avec les journaux quotidiens du 19ème siècle était né un espoir, celui d’une information enfin complète, objective et accessible à tous. Ainsi, les promesses de la démocratie pouvaient-elles s’accomplir, celles qui inspiraient les auteurs de la Déclaration américaine de 1776 et les acteurs de la Révolution française de 1789. Les journaux quotidiens, enfants légitimes des rotatives et des libertés, vendus à des centaines de milliers d’exemplaires, d’abord en Angleterre et en Allemagne, puis en France et aux Etats-Unis, assignaient au journaliste une mission : informer ses concitoyens de l’actualité, leur dire « ce qui se passe », ce qui vient tout juste de se passer, ce qui va peut-être ou très probablement se passer. Emancipé à la fois de la politique et de la littérature, le journaliste était devenu « l’historien du présent », selon la formule d’Albert Camus, comme on pourrait dire de l’historien qu’il est le journaliste du passé. La boucle était ainsi bouclée. La presse réalisait l’idéal démocratique. Et la démocratie, en retour, idéalisait la presse.

Il fallut très vite déchanter. Les désillusions, plus nombreuses d’année en année, ont pris le pas sur cet espoir que les journaux avaient fait naître. Un siècle après que le journal qui s’appelait alors le Petit Parisien, né en 1876, était devenu, avant 1914, le plus grand journal du monde, avec un million et demi d’exemplaires vendus chaque jour, après un demi siècle d’une télévision omniprésente, alors que les grands quotidiens sont pris en tenailles entre les journaux gratuits et les sites d’Internet, les médias d’information sont aujourd’hui mis en accusation de tous côtés et dans des perspectives diverses : c’est toujours la faute des médias , la faute « aux » médias, comme on dit vilainement. Balzac écrivait déjà, en 1840 : « Si la presse n’existait pas, il ne faudrait pas l’inventer » Beaucoup pensent aujourd’hui de la télévision et de la Toile, sans trop le dire, ce que l’écrivain disait hier de la presse, sans vraiment le penser. La liste est longue, depuis les faux charniers de Timisoara, en 1989, jusqu’au vrai faux journal de la télévision belge, en décembre 2006, de ces dérapages, de ces manigances ou de ces défaillances qui font peser sur l’information de redoutables soupçons. Jamais, pour nous informer, les médias n’ont été aussi nombreux et variés ; jamais pourtant l’information ne nous a semblé à ce point insatisfaisante, à la fois insuffisante,imprudente, partiale ,voire orgueilleuse.

Pourquoi ce malaise dans l’information ? Pourquoi ce paradoxe d’une information à la fois omniprésente et inutile, surabondante et trébuchant néanmoins sur l’essentiel ? Sans doute l’information souffre-t-elle de l’hégémonie de la télévision. La presse imprimée semble avoir perdu la partie, comme dépassée, submergée ou subvertie par la télévision qu’elle suit ou qu’elle imite plus souvent qu’elle ne la précède ou la guide. Les journaux imprimés, pourtant, demeurent une terre d’élection pour l’information, après avoir été son lieu de naissance. Sans doute l’information est-elle également trop pressée : l’annonce d’une nouvelle exclusive et inattendue –ce qu’on appelle un « scoop »- prend le pas, parfois, sur d’autres exigences, la rigueur nécessaire, l’indispensable vérification, la précieuse mise en perspective. L’obsession de la vitesse fait courir, il est vrai, les plus grands risques à l’information, produisant sur ses destinataires un effet de sidération, contraire à la réflexion attendue. Sans doute enfin l’information aligne-t-elle ses méthodes, plus qu’il le faudrait, sur celles du divertissement, de la fiction, de la publicité ou des relations publiques, mélangeant ainsi des genres qui gagneraient à demeurer distincts. « Le mélange du vrai et du faux, disait Paul Valéry, est plus faux que le faux »

La suprématie de la télévision, la course de vitesse entre les médias, leur volonté commune de plaire à tout prix : ces menaces ont opportunément rouvert le débat sur la vocation du journaliste. L’évocation de ces menaces, très souvent par les médias d’information eux-mêmes, a sans nul doute affaibli son crédit, comme elle a ébranlé notre confiance à son égard. Elle a dans le même temps permis de donner au journaliste un sens toujours plus élevé de ses responsabilités. L’évocation inlassable de ces écueils qui guettent l’information eut surtout pour mérite de rappeler à tout un chacun que le rôle du journaliste trouve tout son sens, qu’il n’a de sens, que par son adhésion et sa soumission à un idéal de vérité, un idéal évidemment inaccessible, s’imposant néanmoins comme une impérieuse nécessité.

Le journaliste est un médiateur entre l’actualité et chacun d’entre nous, un médiateur qui se veut et que l’on veut impartial, ce qui n’exclut nullement l’affirmation de certaines convictions : du chaos énigmatique que représente l’actualité, de cette suite de surgissements inattendus, il retient certains faits dont il nous propose le récit. Son pouvoir réside, en premier lieu, dans cette sélection parmi les faits, bien plus que dans leur interprétation ou les commentaires qu’ils inspirent. Il réside également, ce pouvoir, dans la hiérarchie établie parmi ces faits, dont certains sont élevés par lui à la dignité d’événements par ce qu’ils marquent, à ses yeux, un tournant, une rupture, la séparation entre un « avant » et un « après ». Il est donc, ce pouvoir, dans la capacité du journaliste à prêter aux faits une importance et une signification qu’ils n’ont pas forcément.

Le journaliste répond ainsi à chacune de nos curiosités, qu’elles soient du reste nobles ou médiocres. Il doit également répondre, à chaque instant, à notre attente informulée d’objectivité et de vérité. Nous attendons du journaliste qu’il nous relate les faits d’actualité dans leur exactitude ou leur véridicité, qu’il les interprète de façon argumentée et qu’il les commente, le cas échéant, à la lumière de convictions clairement affichées : qu’en d’autres termes certains faits importants de l’actualité, de cette histoire « écrite au présent », ne soient pas occultés ou édulcorés, et que d’autres faits ne soient ni déformés ni grossis, par négligence ou bien au gré d’un parti pris gardé secret.

Le constat s’impose : la prétention des médias à dévoiler la vérité n’est pas infondée. Leurs récits ne sont pas, contrairement à ce que l’on voudrait parfois nous faire accroire, des constructions arbitraires, idéologiques, vouées immanquablement à flatter ou à manipuler. Contrairement à l’affirmation de Nietzsche prétendant qu’il y a seulement des interprétations, l’homme étant pour lui la mesure de toute chose, la seule mesure de toute chose, les faits sont bien réels, les faits existent bien, et ils peuvent être rapportés avec exactitude. Ils doivent par conséquent être rapportés avec exactitude. Et ils doivent être analysés et commentés avec une sincérité absolue. Ce qui donne tout son sens à la recommandation adressée au journaliste : « Les faits sont sacrés, le commentaire est libre ». A condition d’y voir une invitation à l’humilité, face à une réalité toujours équivoque et énigmatique. A condition surtout de rappeler que les faits valent seulement par la signification qui leur est donnée, et qu’ils ne peuvent jamais être séparés de leurs commentaires aussi aisément qu’on le voudrait. L’exigence, par conséquent, est double : non seulement les faits doivent être rapportés avec autant d’exactitude que possible, mais ils doivent également être analysés et interprétés avec une absolue sincérité. Sans la double passion de l’exactitude et de la sincérité, le journaliste perd la confiance de ceux auxquels il s’adresse : il perd, en même temps que sa crédibilité, sa légitimité ou, si l’on préfère, sa raison d’être.

L’autorité d’un Raymond Aron ou celle d’un Albert Camus s’enracinait dans ce souci permanent d’exactitude et de sincérité, ce qui les distinguait de leurs détracteurs, dans cette véracité ou cette recherche courageuse de la vérité qui fait pareillement l’honneur – ou la vocation - d’un professeur et celui d’un journaliste, cet honneur qui ne procède de rien d’autre que de l’honnêteté intellectuelle. L’historien et le journaliste savent qu’ils n’accèdent jamais qu’à des vérités partielles, imparfaites , approximatives et provisoires, mais ils veulent, comme ceux auxquels ils s’adressent, que ces vérités ne soient entachées d’aucun esprit partisan, d’aucun esprit de système, d’aucun esprit de certitude, qu’elles soient, en d’autres termes, aussi peu subjectives que possible. Et lorsqu’ils doutent eux-mêmes de leur objectivité, ils n’ont alors d’autre secours, l’un comme l’autre, -le journaliste au même titre que l’historien ou le professeur-, que d’avouer leur propre subjectivité, dans un ultime et indispensable élan d’honnêteté.

L’information n’a pas d’autre horizon que celui de la vérité. Elle n’a pas d’autre raison d’être que notre soif de vérité. Du fait que les vérités du journaliste, comme celles de l’historien, sont vues immanquablement à travers le prisme de leurs préoccupations ou de leurs inclinations, pourquoi conclure qu’il faut renoncer à l’idéal d’objectivité, à la courageuse et nécessaire recherche de la vérité ? Pourquoi, de la même façon, ne pas admettre que l’information, pour les médias, est un combat sans fin ? Un combat qui n’est jamais gagné contre ce que Jean-Claude Guillebaud appelle le « grand bavardage des médias », qui fait trop souvent son lit de nos paresses et de nos faiblesses. Un combat permanent contre les rumeurs ou les préjugés, qui expriment toujours nos peurs et nos ignorances. Un combat difficile mais nécessaire enfin contre l’esprit du temps, ces idées reçues ou cette pensée commune que les bien-pensants répètent sans jamais se lasser, et sans du reste jamais penser.

Le devoir de vérité a un corollaire : c’est le droit à l’erreur. Toute erreur, une fois établie, doit être avouée et corrigée. Le devoir de vérité a aussi ses limites. Il est des vérités assurément inutiles, et finalement pernicieuses : il serait irresponsable, pour les médias, de flatter ou de cultiver abusivement nos curiosités les plus médiocres. Il est également des vérités qui peuvent être déplaisantes, blessantes ou traumatisantes : elles ne sauraient être proférées sans irrespect pour les personnes auxquelles elles s’adressent. Toute vérité n’est pas bonne à dire : le journaliste, comme les autres, doit obéir avec sagesse et discernement, à la recommandation consistant à ne jamais donner à autrui que la dose de vérité qu’il est capable de supporter. Déroger à cette règle, c’est prendre le risque d’entamer cette confiance réciproque qui est la condition de tout dialogue, de toute volonté de « communiquer » avec autrui.

Produit de l’histoire plutôt que réalisation d’un architecte inspiré, le journalisme est une parole singulière, une parole que la société se donne à elle-même et à propos d’elle-même. Cette parole ne vaut que si elle est véritablement libre et autonome : le journaliste se doit d’entretenir de bonnes relations avec tout le monde sans être jamais le porte-parole de qui que ce soit. Vis-à-vis des responsables de la ligne éditoriale, des experts dont il sollicite les avis, de ses confrères, à la fois associés et rivaux, et des acteurs ou des témoins de l’actualité, le journaliste doit garder ses distances, ni trop loin, ni trop près de chacun d’eux, sans défiance ni confiance excessives, évitant par conséquent les écueils opposés d’une suspicion et d’une connivence également trompeuses et compromettantes. Les pressions exercées à l’endroit du journaliste ne sont pas en soi scandaleuses ; il serait scandaleux, en revanche, que le journaliste ne leur opposât aucune résistance, aucun esprit critique. C’est dans cette équidistance qu’il trouve sa liberté, soumise aux seules exigences d’exactitude et de sincérité qui sont les vertus de la vérité. Cette liberté lui serait contestée ou retirée par ses mandants, lecteurs ou téléspectateurs, auditeurs ou internautes, s’il était l’avocat, sans le dire, d’un interlocuteur privilégié, d’un parti pris ou d’une idéologie quelconque. S’il choisit officiellement d’être impartial plutôt que militant, le journaliste fait peser un soupçon sur l’information, chaque fois qu’il s’écarte de cette mission que la société ouverte et démocratique lui assigne : être un spectateur et non un acteur, un observateur plutôt qu’un instituteur, un greffier et non un avocat ou un procureur, un médiateur plutôt qu’un censeur.

Il peut arriver que le journaliste ne remplisse pas sa mission, en démocratie, parce qu’il prétend jouer un rôle qui n’est pas le sien : celui de la Pythie de Delphes, chargée de transmettre les oracles des dieux, plutôt que celui de la vigie, apparemment moins glorieux, chargée de surveiller le large, en observation dans la mâture ou à la proue du navire.

Là réside à la fois la grandeur et les limites de sa vocation : partout où les médias sont libres, ils se soumettent à la loi du marché, « la moins mauvaise, à l’exception de toutes les autres », selon la célèbre justification que Winston Churchill donnait à la démocratie, la seule capable, au moins, de donner le dernier mot à tous, ou presque, plutôt qu’à une minorité de censeurs officiels ou auto désignés. Cette loi du marché commande aux médias, certes, d’être attentifs à chacune de nos attentes, à chacune de nos curiosités les plus estimables et celles qui, malheureusement, le sont moins. Mais au bout de cette logique du marché, il y a toujours, ne l’oublions pas, une demande de sens, une attente de sens, un désir ou un besoin de vérité ,auxquels les médias seraient bien mal avisés de ne pas répondre. A défaut, ils s’épuisent en vain à vouloir seulement et toujours plaire et séduire, sans direction ni autre dessein que leur propre vanité ou leur plus grand profit. Ils tournent alors à vide, en roue libre ; ils créent du vide et finissent par faire le vide autour d’eux.

La liberté des médias est assurément vitale pour nos démocraties : sans elle, les autres libertés sont impossibles, sinon illusoires, qu’elles soient civiles ou politiques, personnelles ou publiques. Mais cette liberté est vaine, elle est une menace pour sa propre existence, chaque fois que les médias, avec notre complicité ou sans elle, par faiblesse ou pour propager leurs propres préjugés, renoncent à chercher la vérité dans les limites qu’impose, très légitimement, le respect des personnes. La liberté est assurément la première des conditions qui rendent possible la recherche de la vérité. Mais la vérité seule, selon Saint Jean, nous « rendra » ou nous « fera » libres.

Le choix, en réalité, et en dépit des apparences, n’est pas entre la liberté et la vérité : elles ont besoin l’une de l’autre ; l’une ne peut pas, sans danger, exister sans l’autre. Car elles ont, l’une et l’autre, leurs dérives, leurs tentations ou leurs excès, leurs « pathologies ». La recherche de l’une doit en effet trouver dans celle de l’autre une limite, le moyen de répondre mieux à ses propres exigences. Soustraite à l’exigence de vérité, la liberté, sans boussole, sans garde-fou, conduit d’abord au relativisme du « tout se vaut » puis , très vite, au nihilisme du « rien ne vaut ». Sans le souci et le goût de la liberté, la recherche de la vérité est guettée par l’esprit de certitude, par l’arrogance de la certitude, la quête de vérité est dévoyée et bientôt remplacée par la volonté de conquête, trop sûre d’elle, à l’évidence, pour ne pas être intolérante.

Puissent les médias d’information, désormais si présents, devenus si puissants, ne pas oublier leur devoir de vérité, et garder toujours le cap sur leur idéal d’objectivité.

Puissent-ils ne jamais être contraints de renoncer à cet idéal.

Puissions-nous, de notre côté, prendre la mesure des difficultés de leur mission, ne pas les mettre en accusation à tout instant, ne pas nous défausser sur eux de nos propres erreurs ou de nos propres fautes, afin qu’ils puissent, plus librement et par conséquent de façon plus responsable, courir le beau risque de la vérité. Et participer ainsi au combat contre le relativisme et l’intolérance.

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  • : Lessakele : déjouer les pièges de l'actualité Lessakele, verbe hébraïque qui signifie "déjouer" est un blog de commentaire libre d'une actualité disparate, visant à taquiner l'indépendance et l'esprit critique du lecteur et à lui prêter quelques clés de décrytage personnalisées.
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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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