Avec toute la grâce vocale et complice d'Aschkel
Pourquoi l’armée et les renseignements égyptiens restent le dernier rempart d’une « démocratisation » à venir au Caire, Aman, Sanaa…
Par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele et © 2010 aschkel.info
Le type de tanks déployés dans la ville d'El-Arish, ce matin : 18 de ces engins de fabrication usée ont été envoyés sur la frontière pour tenter de contenir le flot de Gazaouïs tentant de s'infiltrer en Egypte par le Sinaï
D’après les images qui nous parviennent du Caire et des principales villes égyptiennes, on voit la foule juchée sur les véhicules blindés, aux côtés des tankistes de l’armée d’Egypte.
L’impopularité qui frappe le clan Moubarak ne semble pas atteindre les principaux généraux. Ils tiennent les rouages du pays et les hommes de troupes calment le jeu, dans l’attente d’une fraternisation entre insurgés et militaires.
La nomination du chef du renseignement, Omar Souleimane, au poste de vice-Président constitue, à cette heure la forme la plus sécurisée qui puisse être, de transition dans l’ordre vers un régime plus constitutionnel et conforme aux aspirations de liberté démocratique et de réforme économique.
Toute autre alternative, à l"heure actuelle, ne ferait qu’alimenter l’atmosphère de chaos, au seul profit des Frères Musulmans. Ceux-ci pousseront à l’éviction de tout souvenir de stabilité en Egypte et dans la région, depuis le temps des pyramides. Les tirs de roquettes, lancés sur les forces de police dans le Sinaï, ne font que signaler les premiers maillons observables de « fraternisation » réelle : celle entre les membres du Hamas de Gaza et les Bédouins, prenant pied dans la ville frontalière d’el-Arish. Ils escomptent bien réaliser un coup d’Etat à l’iranienne au Caire, dans les jours à venir. Le même mouvement travaille le pouvoir hachémite à Amman. Une telle configuration géostratégique donnerait aux quartiers-généraux du Hezbollah à Beyrouth, toute la profondeur stratégique nécessaire et suffisante pour poursuivre la guerre iranienne sans merci contre l’Amérique, Israël et les Occidentaux.
Comme la Tunisie a commencé de le faire, l’expérience de la libéralisation s'organise comme elle peut, en « terra incognita ». Les institutions capables de conforter la démocratie demeurent éminemment fragiles. En réalité, elles ne reposent, comme un chèque en blanc, que sur la maturité et les bonnes intentions des leaders locaux qui émargent du mouvement populaire. Le retour à l'avant-scène des dirigeants islamistes n'augure rien de bon pour personne. Ce qui sert encore de « laboratoire » d’un entre-deux rives à Tunis, au Maghreb, peut, très vite, prendre les allures d’une contre-révolution pilotée de l’extérieur, là où les agents des mollahs sont actifs depuis des décennies.
A l’heure qu’il est, même si toute la colère populaire se retourne contre la police de Moubarak, le peuple continue d’espérer que l’armée se préserve d’entrer directement en action contre la foule. Dans ce cadre, même si le fossé se creuse entre la rue et le régime, le jusqu’auboutisme revendicatif ne pourra que favoriser les coups de grâce, au débotté des évènements, donné par la « vitrine légale » d’al Qaeda et de l’Iran : la confrérie des Frères Musulmans, qui représente la seule force politique constituée et qui s’érige en alternative "providentielle".
Ce n’est donc pas un hasard si des « manifestations spontanées » ont été organisées par le pouvoir à Téhéran, exigeant le départ de l’ennemi juré depuis la signature de paix avec Israël : Hosni Moubarak a succédé à Anouar el Sadate, après son assassinat par les hommes du Jihad islamique égyptien de l’actuel n°2 d’al Qaeda : Ayman al-Zawahriri. Ahmadinedjad, après son alliance avec le Turc Erdogan, compte bien en finir avec plusieurs des potentats sunnites qu’il considère comme les suppôts de l’Amérique. Tout a commencé avec la destitution d'Hariri. Désormais, ses pions avancent un à un.
Il ne peut être question d’angélisme dans cette partie du monde. Les heures qui suivront seront cruciales pour la totalité de la région. l’Europe anxieuse est en première ligne si et quand les digues qui la protègent d’une « marée verte », seraient amenées à céder aux coups de butoir des éléments les plus radicaux, exploitant une colère, par ailleurs, légitime.
L’option interventionniste de Georges Bush a montré le chemin, en détrônant Saddam Hussein. Par contre, la non-politique d’impuissance diplomatique et de retrait systématique commanditée par Barack Hussein Obama a ouvert la porte à la démagogie pro-islamiste et sonné le glas pour tous les régimes alliés des Etats-Unis en Orient. Son discours du Caire, en tendant la main aux pires ennemis de la démocratie, a aussi laissé comprendre qu’il ne ferait rien qui favorise le développement dans les pays alliés. Au contraire : le bilan en Irak laisse place aux attentats et à une influence iranienne aussi puissante que celle de Washington.
Ce sont ces deux aspirations contradictoires qui s’expriment simultanément, dans les rues des pays arabes :
- Un profond désir de changement par l’auto-détermination, sans plus rien attendre des démocraties occidentales qui se contentent de gérer les crises et n’apportent aucune perspective : préservant leurs intérêts par isolationnisme, ils laissent aux bons ou mauvais vents, le choix d’une prise en main d’un destin commun aux deux rives de la Méditerranée.
- Un risque de plus en plus patent, à Beyrouth, que, face au retrait américain, l’Iran, la Turquie, le Hamas et le Hezbollah, proposent au moins une fuite suicidaire en avant, comme seule alternative aux lendemains qui déchantent du Messianisme inconséquent d’Obama …
Dans ce cadre, l’avènement du démagogue El Baradei, protecteur du nucléaire iranien, ne reviendrait qu'à mettre une marionnette entre les mains des Frères Musulmans. L’armée égyptienne va devoir continuer à jouer le « good cop » contre le « bad cop » policier aux ordres des Moubarak. Cette dynastie, en quittant le Caire et en alléguant le pouvoir provisoire à un homme de la trempe d’Omar Souleimane, pourrait, sans doute temporiser et sauvegarder un peu d’ordre, pour que la colère s’apaise, en attendant d’y voir plus clair.
Malheureusement, en l’absence de culture démocratique « spontanée », toute nouvelle organisation constitutionnelle risque fort de faire la part belle aux confréries islamistes. La difficulté à redistribuer une manne économique inexistante en direction des classes méritantes est le principal obstacle à l’assainissement du régime politique. Elle laissera aux "minorités actives" islamistes l'opportunité d'envenimer la scène politique encore et encore, jusqu'à ce qu'elle parvienne à leurs fins...
Les Occidentaux, plutôt que d’engager les paris, les bras croisés, feraient bien de s’interroger sur les solutions urgentes à une telle impasse.
Contre la peste ou le choléra, la neutralisation des Frères Musulmans et de leurs alliés infiltrés depuis Gaza et Beyrouth, est de première urgence, si et justement parce qu’on voudrait sauver les pousses fragiles de la démocratisation du Proche-Orient.
Sans quoi, c’est bien la thèse du « choc des civilisations » qui sera la vedette des super-productions iraniennes dans la région, dans des temps que l’on ne peut que dire : proches, dans ce, décidément, très Proche...- Orient.