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A l’heure où Obama jette le gant en Irak, Téhéran inaugure Bushehr en grandes pompes et lorgne sur Bassorah.
Par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele et © 2010 aschkel.info
On pourra difficilement retirer aux Mollahs et à leur représentant, Ahmadinedjad, leur sens du jam *, du rythme et du symbole pour le cliché historique. Le lendemain même du retrait du dernier combattant américain d’Irak, le réacteur nucléaire de Bushehr est inauguré par Ali Akhbar Salehi, directeur iranien à l’énergie atomique, en présence de son homologue Sergueï Kirienko, manager de la corporation nationale russe Rosatom.
Ce timing construit une narration qui consacre l’impuissance de la Communauté Internationale, à commencer par l’Administration américaine, face à l’essor hégémonique iranien. Grâce à l’appui russe, depuis 1995, l’Iran démontre, par cette mise en service, comment elle entend réutiliser les offres « d’ouverture » d’Obama. Téhéran a, ainsi, annoncé vouloir créer un second réacteur et dix nouveaux sites nucléaires aussi vite que possible.
La Russie, quant à elle, achève sa part du contrat à Bushehr, tout en encaissant les dividendes exorbitants de son consentement aux sanctions économiques contre l’Iran : Washington prétend, comme pour s’excuser de son inaction, que Bushehr ne présente pas de risques de prolifération nucléaire. Dans ce domaine technologique sensible, on peut poser l'équation que tout est affaire de double-emploi des procédures qui sont exploitées sur ce site. Le réacteur, à « usage civil » a priori, permettra surtout aux ingénieurs atomistes iraniens et étrangers (Nord-Coréens, Syriens), de parfaire leurs connaissances et savoir-faire en matière fissile et de les transférer sur d’autres sites et procédés à vocation militaire, comme Natanz, le Centre de recherches d'Ispahan, Qom ou Arad.
A Obama et aux Européens les effets de rhétorique, aux Mollahs, grâce à Poutine, l’accès direct aux secrets de l’atome et de la désintégration potentielle de tout ennemi de la Révolution islamique.
Doit-on pour autant, céder à la tyrannie de l’urgence d’agir « avant que la fenêtre d’opportunité » pour une frappe ne se referme ? C’est ce qu’a suggéré l’ancien Ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, John Bolton, dont l’amitié pour Israël ne peut être mise en doute : à l’entendre, il ne subsistait, alors, plus que 8 jours à Israël pour le faire. L’avis de Bolton importe, car il tire la sonnette d’alarme. Avec la cérémonie officielle de Bushehr, le sablier vient de glisser entre les doigts des principaux décideurs. Ils avaient, ces derniers temps, fort à faire ailleurs, consacrant leurs déclarations à l’avenir architectural de Ground Zero et aux pourparlers directs israélo-palestiniens. Puisque, selon la doctrine en vigueur à Washington, la passion obsessionnelle pour l’assemblage de bombes atomiques a germé sous le turban des Mollahs, du fait des implantations juives de Judée-Samarie. Cela va de soi. A ce sujet, Mahmoud Abbas n’a, d’ailleurs, pas hésité à dire qu’il parviendrait à s’extraire de l’étau qui veut l'empêcher de refuser de négocier, du fait « d’une énorme surprise militaire ". Elle ne devrait, selon le prophète de Ramallah, pas tarder à bousculer le cours des choses au Moyen-Orient. On a les partenaires pour la paix et les complices pour la guerre qu’on mérite…
A n’en pas douter, le succès prévisible de Bushehr alimentera la chaîne de développement du programme nucléaire iranien. C’est une pierre blanche qui jalonne son chemin vers l’obtention d’armes nucléaires. Les Etats-Unis réfrènent les inquiétudes israéliennes, mais surtout, saoudiennes et arabes du Golfe, en arguant que l’Iran est encore, au moins, à un an de cette apothéose. Mais, on peut aussi considérer que peu importe la date exacte, dès lors que le compte à rebours est déclenché. En fait, mieux vaut compter en mois, les bonds en avant, délais, retards éventuels, mais passagers, qui marqueront les prochaines étapes : c’est désormais une menace palpable, même si les évaluateurs, subordonnés aux gouvernements, se paieront d’expertises pour déterminer l’heure « h » du dépassement du « seuil critique ». Officiellement, il est question d’un délai d’environ trois mois, à partir du moment où la décision aura été prise d’exiger des ingénieurs iraniens qu’ils assemblent plus d’un missile nucléaire. Techniquement, l’Iran pourrait être en capacité de le faire d’ici un à trois ans. Ensuite, on laisse les spécialistes à leurs spéculations jouant au bilboquet...
La question véritable est celle de la volonté politique de mettre un terme à cette course au renversement des équilibres stratégiques dans la région. Force est de constater que la préférence donnée à la politique des « retraits » sonne, depuis les années 2000, comme un encouragement à accentuer la pression du Jihad, sans réelle alternative stratégique pour contrebalancer le terrain abandonné.
En procédant, sans sourciller, au retrait d’Irak, alors que la mission de stabilisation de ce pays est ouvertement contredite par l’absence de gouvernement sorti des urnes, l’Amérique d’Obama affiche sa prédilection pour la « Libanisation » du Moyen-Orient. Elle laisse, face-à-face, Sunnites et Chi’ites : les uns, derrière Allawi, associés, à tort ou à raison, à une dé-baathification inachevée ; les autres, avec al-Maliki sortant, sensibles à la tentation iranienne, qui n’aura de cesse d’étendre son influence sur le terminal pétrolier de Bassorah et sur les villes saintes de Nadjaf et Kerbala.
Reste encore aux Kurdes, à apprendre à sanctuariser le périmètre d’autonomie qu’ils ont durement acquis, face aux coalisés syriens, iraniens et turcs, partisans de la manière forte, à coups de gaz chimiques. Ils ne devront surtout pas compter sur un arbitrage extérieur pour les aider à trouver une solution juste et unitaire pour les gisements pétroliers de Kirkouk, convoités par l’ensemble des belligérants et voisins agressifs.
Le sort des monarchies du Golfe va se jouer, dans les mois à venir sur ce chantier désinvesti, laissé à l’inspiration des influences régionales, comme une ville-fantôme du "Wild Wild Middle-East".
La question subsidiaire sera de savoir si ce qui a toutes les apparences d’un repli stratégique est une façon habile de conduire à la conclusion que les menées de l’outsider iranien sont principalement responsables du chaos régional, de Beyrouth jusqu’au Yémen. Ou s’il est à prendre pour ce qu’il est, conforme à de vieux réflexes isolationnistes américains.
Aucun des gouvernements israélien ni américain, ne donne le sentiment de vouloir protester énergiquement contre l’opération-marketing de Bushehr. Ont-ils, pour autant, entériné le fait accompli du développement nucléaire iranien, quels que soient ses détours, pour parvenir à son objectif ultime : faire se tordre d’angoisse tous ses voisins à l’annonce de la production de premières armes nucléaires, qui fera de Téhéran un sanctuaire nucléarisé ?
Si l’attitude américaine peut laisser croire que Washington a implicitement consenti à « faire avec » la nouvelle donne régionale, on ne voit pas les pétromonarchies du Golfe, ses bailleurs de fonds, accepter facilement de se le tenir pour dit. La seule réponse apportée par l’Administration Obama consiste dans le renfort des mesures de contention autour des Emirats : par la présence accrue de la Vè Flotte, autour du porte-avions l’USS-Truman, la frégate allemande FGS-Hessen, rappelant que l'Europe participe à l'effort commun. Martyn Indyk, ancien ambassadeur américain à Jérusalem, voulant, sans doute, détendre l’atmosphère, a affirmé que « les Etats-Unis, plus vraisemblablement qu’Israël, est susceptible de lancer une attaque contre l’Iran ».
Israël, quant à lui, s’est ouvertement détourné des solutions de désengagement pour se préparer, de façon intensive, aux nouvelles menaces. Des sources arabes et iraniennes -dont les traditions complotistes sont notoires- soupçonnent les actuels désordres au sein de l’Etat-Major, à travers les rebonds de « l’affaire Galant », de n’être qu’un « écran de fumée » destiné à détourner l’attention de préparatifs de guerre bien concrets.
La suspension, au dernier moment, d’une escalade militaire déclenchée par l’armée libanaise, le 3 août, laisse présager ce que tout le monde sait : le véritable problème se situe ailleurs et toute guerre au Liban n’est que manœuvre dilatoire, pure diversion au moment opportun.
De nombreux observateurs, dont Jeffrey Goldberg, journaliste à The Atlantic, qui a enquêté auprès de 40 décideurs israéliens et de nombreuses sources à Washington, affirment qu’Israël attaquera avant juillet prochain. Selon ce proche d’Obama, il ne pourrait en être qu’ainsi : Téhéran, sous peu, sera en mesure de fournir des éléments de « bombes sales » à assembler à n’importe lequel de ses sous-traitants terroristes coordonnés par le Hezbollah. A partir de ce moment, virtuellement, la probabilité aléatoire de radiation d’une ville de la dimension de Tel Aviv par un tir balistique restera la moins probable, du fait des représailles qui ne manqueraient pas de s'abattre, en seconde frappe et d'un dispositif anti-missiles de plus en plus performant.
Mais, même sans destruction massive, l’éventualité d’un attentat à haute létalité poserait une équation qui réduit le rêve sioniste à néant : celui de garantir un pays refuge sécurisé à tout Juif dans le monde.
Tout porte à croire que, quelle que soit l’indécision régnant à Washington, l’actuel gouvernement aux affaires à Jérusalem ne saurait s’accommoder d’une telle « redistribution des cartes », qui ferait perdre sa raison d’être à Israël. Au-delà des appels incantatoires à "l'éradication d'Israël de la carte", par l'agitation de cette simple épée de Damoclès, Ahmadinedjad aurait déjà atteint son but.
* Séance d’improvisation, équivalente à faire un « bœuf », terme musical utilisé pour le Jazz, le Hip-Hop ou le reggae.