To the Last Syrian
Mordechai Kedar
29/4/2011. Les images et les sons qui proviennent de Syrie indiquent que les deux parties en présence, le régime et les opposants ont atteint un tel stade de désespoir qu'ils ne peuvent plus renoncer à leurs positions, quel que soit le prix à payer. Les revendications des opposants augmentent avec le temps qui passe et le nombre croissant des victimes. Au début des protestations, les manifestants demandaient l'abrogation de la loi d'urgence, désormais ils considèrent le régime comme l'ennemi du peuple et demande sa chute. C'est devenu une routine de déboulonner les statues des Assad (le père et le fils) et de déchirer leurs portraits et les manifestants le font avec un grand enthousiasme.
Ce bain de sang engendre un tourbillon qui s'accélère : les 100 victimes d'aujourd'hui sont les 100 funérailles de demain qui deviennent d'autres protestations au cours desquelles d'autres personnes seront tuées et ainsi de suite et plus la violence du régime s'intensifie plus les émotions s'exacerbent.
La peur se dissipe des deux côtés : les gens n'ont plus peur de manifester dans les rues et les autorités n'ont plus aucune retenue et tirent dans la foule. Les défections au sein du régime prennent de l'ampleur : le Mufti de Syrie a démissionné il y a trois semaines, la semaine dernière des parlementaires ont quitté leurs postes au cours d'une émission en direct sur Al-Jazzera, le Rédacteur en chef d'un journal à grand tirage a été limogé après avoir critiqué vivement le gouvernement, des officiers supérieurs enlèvent leurs uniformes en signe de protestation, des soldats désertent en conservant leurs armes personnelles avec eux, des personnalités publiques en vue expriment ouvertement leursi désapprobation face à la conduite des forces de sécurités qui ont reçu le feu vert pour tirer sur les manifestants.
Plus le cercle des partisans de Bachar va se rétrécir et plus leur mentalité d'assiégés et leurs cruautés vont augmenter. Ils ne se battent plus pour le régime mais pour sauver leurs peaux. Les défenseurs du régime qui sont pris en uniformes expient pour le sang des victimes. Les fidèles du régime se préparent à combattre jusqu'au dernier Syrien.
La ville de Hama est le symbole de l'insurrection des Frères Musulmans en 1982 qui a été écrasée avec une grande cruauté et s'est soldée par des milliers d'assassinats. L'envoi de troupes à Dar'a au début de la semaine dernière souligne la possibilité que cette ville devienne le symbole de la révolte de 2011. Combien faudra-t-il encore de milliers de tués en Syrie avant que le monde ne se décide à intervenir comme en Libye.
Je propose au gouvernement d'Israël de parachuter des médicaments dans les villes syriennes en utilisant des drones. Cela pourrait être un excellent investissement pour l'avenir.
Scénarios possibles pour l'avenir de la Syrie :
Préservation de l'État syrien avec des nouveaux dirigeants
Il est possible qu'à un moment donné, émerge un homme responsable, soit un militaire de haut rang dans l'armée syrienne, soit un haut responsable d'une agence de renseignements qui comprenne qu'il vaut mieux jeter un os au public plutôt que de tout perdre. Avec l'aide de plusieurs gardes du corps armés, il arrêtera Bachar El-Assad avec son frère Maher et d'autres parents, principalement de la famille Makhlouf, la famille de la mère du président. Un procès préparé à la hâte s'ensuivra au cours duquel la famille Assad sera traitée selon les désirs des opposants, dans le but de ramener le calme. Il annoncera des changements constitutionnels, des réformes économiques et des élections seront programmées plusieurs mois plus tard. Un scénario qui ressemble à ce qui s'est passé en Égypte.
Si cet homme responsable est un Alaouite, il est évident que le peuple n'acceptera pas et continuera à protester. Si c'est un Sunnite, il y a une chance qu'une partie des gens attende de voir comment les choses évoluent surtout si c'est quelqu'un qui n'a pas trempé dans la corruption économique, ni dans la répression sanglante des manifestations. Le point important de ce scénario sera la survie des rouages de l'État qui continueront à fonctionner et à administrer le pays. Au cours des années suivantes, il y aura des changements et ceux qui faisaient partie de l'ancien régime seront progressivement remplacés.
Si le rythme des réformes ne satisfait pas les masses populaires, elles redescendront dans les rues, s'opposeront aux autorités et empêcheront le gouvernement de fonctionner. La masse a conscience de son pouvoir et n'acceptera pas de compromis surtout après avoir sacrifié tant de gens sur l'autel de la liberté.
Scission du régime
Le gouvernement va se diviser lorsque des conflits éclateront au sein des forces de sécurité (l'armée et les services de renseignements) dont certaines resteront loyales au régime et d'autres soutiendront la rébellion, comme cela s'est passé en Libye et au Yémen. Si les choses se passent comme en Libye, une guerre éclatera entre les forces armées loyales au régime et celles qui soutiendront les rebelles. Si l'évolution suit le modèle du Yémen, l'armée sera paralysée par ses différentes allégeances. La Syrie pourrait alors se diviser en deux parties reflétant la division géographique des forces en présence et avec le déclenchement d'une guerre comme en Libye. Ce scénario créera une situation instable alors que chaque camp continuera à être dirigé par des membres de l'élite militaire, les problèmes fondamentaux de la Syrie resteront inchangés et même s'aggraveront. Le régime sera soutenu par l'Iran alors que les rebelles auront le soutien des occidentaux.
L'effondrement de l'État
Si les Alaouites perdent leur combat contre la révolte syrienne et perdent le contrôle du gouvernement, le pire se produira pour eux ; des masses sunnites frénétiques descendront sur les quartiers alaouites à Damas, à Homs, à Hama et Alep, armés de couteaux et prêts à égorger. Tous les musulmans en Syrie savent que les Alaouites sont des infidèles considérés comme idolâtres et en tant que tels, condamnés à mort. Les Alaouites vont fuir vers les montagnes Ansayriyyah, leur patrie ancestrale située dans l'ouest de la Syrie, s'y retrancher et défendre leurs vies.
Les Kurdes du Nord déclareront leur indépendance comme l'ont fait leurs frères en Irak ; les Druses à Jabal al-Driz dans le Sud, vont restaurer l'autonomie qui leur a été volée par la France en 1925 ; les Bédouins à l'Est établiront un état avec Dir a-Zur comme capitale ; les habitants d'Alep vont saisir cette occasion pour se débarrasser du joug odieux des habitants de Damas. Ainsi, six états s'élèveront des ruines de la Syrie, chacun beaucoup plus homogène que l'ancienne Syrie unifiée et donc plus légitime aux yeux de la majorité des habitants. C'est comme ce qui s'est passé en Yougoslavie.
Ces six états n'auront plus besoin d'un ennemi extérieur personnifié par Israël dont le rôle permanent a été d'unir le peuple sous la bannière du président ; par conséquent il existera une plus grande possibilité d'une paix entre l'État fondé de l'autre côté du Golan (l'État de Damas ?) et Israël. Étant donné que ces états seront peu enclins à maintenir des relations chaleureuses avec l'Iran, le monde pourra bénir cette évolution qui va briser l'axe du mal et isoler davantage l'Iran. Le Hezbollah au Liban se sentira moins en sécurité sans le soutien permanent de la Syrie dont il a bénéficié jusqu'à ce jour.
Attiser le conflit sur la frontière avec Israël
Jusqu'aux années 70, chaque fois que le régime syrien faisait face à des problèmes internes, il alimentait le conflit avec Israël de manière à créer l'occasion de dire aux masses en colère : « les barbares sionistes sont prêts à nous détruire et vous devez par conséquent mettre de côté tous les conflits et vous unir, le Président ». Cette pratique a été mise en œuvre pendant 37 ans et il est difficile de croire qu'elle continuera parce que le public ne sera plus dupe.
Tant que le régime pourra compter sur ses forces militaires et sa police, il ne tentera pas d'entrer en conflit avec Israël parce qu'Israël est susceptible de frapper fort, ce qui signifie qu'il peut neutraliser ses hélicoptères et l'empêcher de réprimer les manifestants. Néanmoins dans le cas d'un effondrement total de l'appareil gouvernemental, un membre du régime syrien pourrait avoir l'idée, tant qu'à faire de mourir, de déclencher un assaut contre Israël à l'aide d'armes de destruction massive. Dans ce cas il serait difficile à Israël de répondre de manière efficace car il n'y aurait personne à punir. Israël doit se préparer à un tel scénario et surveiller l'éventualité que les Syriens utilisent leurs armes de destruction massive.
Adapté de l'anglais par Danilette